Billet de blog 23 septembre 2012

Marc Antoine Lévesque
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A. Anatomie d’un courriel et B. Conflit étudiant (Partie 6)

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7. Conclusion 3 : « Le gouvernement ne peut donner quelque chose à quelqu’un sans l’avoir enlevé à quelqu’un d’autre auparavant. »

A : Le problème majeur avec cette affirmation est qu’elle suppose que le gouvernement « enlève » quelque chose à quelqu’un qui ne mérite pas de se le faire enlever. Autrement dit, il s’agit d’un fait problématique si celui qui se fait retirer quelque chose n’a rien à se reprocher et est un « bon travaillant », du moins, c’est dans cette direction que l’anecdote aligne la conclusion possible de cette phrase. De manière générale, l’impression est toujours que ce sera les ménages de classe moyenne qui écopera des dépenses qu’effectue un gouvernement au pouvoir (et c’est probablement le cas puisqu’il s’agit de la majorité). Mais comme dans toute gestion (surtout dans celui d’un État ayant un taux élevé d’imposition), les gestionnaires se doivent de s’assurer qu’il n’y a pas de pertes inutiles dans les comptes avant d’en « enlever à quelqu'un » pour en « donner à un autre ». Cette conclusion est juste si l’on considère comme une vérité absolue, sans équivoque, que le gouvernement en question effectue une gestion impeccable et sans gaspillage, ce qui est plutôt de l’ordre de l’utopie (peu importe le gouvernement en place). Mais ce qui est le plus problématique demeure la phrase en elle-même, parce que si l’on évacue tout le contexte de l’anecdote, cette phrase, si acceptée comme une vérité, se doit d’être appliquée à tous les aspects de la société québécoise. Ainsi, une personne se faisant traiter pour une maladie n’a pas « travaillé » pour payer sa consultation auprès du médecin. Le gouvernement a donc dû « enlever » de l’argent à quelqu’un au Québec pour pouvoir payer la consultation de ce patient. J’admets cependant que ce patient a probablement payé pendant plusieurs années des impôts, il a donc forcément contribué au système de santé québécois. Allons dans un cas de manipulation extrême : qui payent les coûts qu’engendrent les traitements contre la leucémie d’un enfant à l’Hôpital Sainte-Justine? Cet enfant n’a jamais travaillé pour payer ses traitements, tout comme tous les orphelins bénéficiant de l’aide des services du Département de la protection de la jeunesse. Le contexte dirige toujours une affirmation comme celle-là. Si le courriel s’était attaqué aux enfants malades de Sainte-Justine, personne n’aurait crié au génie ou encore affirmé que ces cinq phrases sont probablement les meilleures vérités jamais dites sur l’économie! On ne peut « choisir » d’appliquer cette phrase sur la situation de notre choix, une vérité est une vérité absolue jusqu’à preuve du contraire. Dans ce cas, le contexte est tout, la phrase n’est rien. Le contexte est le fond, la phrase n’est qu’une forme vide sans contenu.

B.1 : Avec mon point précédent, je ne voulais pas faire des étudiants des combattants comme les enfants malades de Sainte-Justine le sont (ce n’était pas une analogie). Tout était une question de contexte, si vous n’avez toujours pas compris mes intentions de questionnements et de remise en question de l’écrit, c’est que vous avez sauté quelques parties de mon texte.

B.2 : D’un point de vue plus collectif, l’éducation est une richesse qui ultimement appartient à une société entière (meilleurs sont nos travailleurs en santé, ingénierie, éducation, construction, etc., meilleure sera la qualité de vie). Les avantages sur un individu d’un système d’éducation basé sur une qualité intellectuelle structurant son fonctionnement plutôt qu’une valeur marchande (donc régi par les règles du marché) sont bien supérieurs à ce que l’on peut croire. Le problème majeur, comme abordé précédemment, c’est que ces avantages, ces valeurs ne sont pas nécessairement calculables en matière de dollars. Et comme nous sommes habitués à mettre une valeur à tout, l’abstrait vient brouiller notre mentalité (par habitude) de quantification généralisée. Si quelque chose est abstrait, on tente de la saisir, souvent par un chiffre, mais lorsque notre principal moyen échoue, nous ostracisons alors l’élément abstrait. L’être humain n’aime pas ce qu’il ne saisit pas et préfère l’exclure, plutôt que de tenter de le comprendre. Je me suis légèrement emporté, mais simplement diriger cet argument sur le fait que, l’abstrait effraie, surtout dans une société où tout a un prix. Le cliché veut que l’on oppose argent et sentiments, c’est un cliché pour une raison, c’est vrai. Si les gens comprennent les sentiments, c’est parce qu’ils les ont déjà vécus, mais si tu n’es pas dans ce que plusieurs appellent les sciences molles (terme extrêmement péjoratif!), elles te sont abstraites. Abstraites parce que non quantifiables et non affect comme les sentiments le sont. Mais ce n’est pas parce que quelque chose est abstrait et non quantifiable qu’il soit inutile ou purement idéologique. Son impact peut être réel, peut-être pas directement sur chaque individu, mais sur une collectivité qui, ultimement, affecte les individus lui appartenant. Le système d’imposition fonctionne sur les mêmes bases; une cotisation individuelle est mise en collectif pour être redistribuée à une société. Ce principe implique toujours que quelque chose sera pris et remis à quelqu’un d’autre, mais la personne qui a donné recevra à son tour quelque chose au moment où elle en aura besoin. Il s’agit d’un système de « support ». L’impression générale est que la pensée des opposants aux étudiants en grève se restreint dans la longévité d’une société, cette pensée repose souvent sur une mentalité axée sur le présent. L’étudiant apportera quelque chose aux autres membres de sa collectivité une fois sa formation terminée, il n’est pas qu’une sangsue économique. Cette vision est réductrice pour les étudiants, qui sont, et seront toujours, des participants actifs à la collectivité québécoise.

B.3 : Cette affirmation, dans sa construction et ses sous-entendus, met de l’avant que le gouvernement est l’instance (stable) qui gère et décide de ce qu’il nous prend et nous remet en tant qu’individu. Mais en tant que collectivité, le gouvernement prend et peut remettre à une autre forme de rassemblement de gens… ou de compagnies. Parce qu’être Québécois a des avantages, du seul fait d’être dans les frontières québécoises. Le Québec a plusieurs richesses qui appartiennent (techniquement) à la collectivité, mais dans les temps présents, les profits de ses richesses sont davantage distribués aux compagnies privées, plutôt qu’à la collectivité québécoise. Est-ce qu’un gouvernement peut prendre à quelqu’un et redistribuer à quelqu’un d’autres? Oui. Mais la question est davantage de qui vers qui? Il ne faut pas oublier que les revenus d’un État sont des ressources impressionnantes pour toutes personnes désirant s’enrichir, ne reste plus qu’à faire confiance aux personnes qui gèrent cet important compte. Le mouvement pointe vers la gestion des universités, parce que vous le croyez ou non, l’éducation est une richesse de la nation québécoise et nous désirons qu’elle soit abordée comme telle, mais surtout qu’elle soit gérée pour que tous en profitent. Le « tous » fait référence aux citoyens désirant s’éduquer, non pas les gestionnaires malhonnêtes. Le gouvernement doit utiliser l’argent prélevé auprès des contribuables pour que les étudiants en profitent et non pas pour les fiascos de gestion (voir les 510 millions de dollars gaspillés dans la construction inachevée du pavillon de l’îlot voyageur de l’UQAM).

À suivre

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