2. La magie d’une image
A : La présence d’une photo d’une personne n’est pas automatiquement un gage de vérité. Si les événements rapportés se sont bel et bien produits, la photo n’est qu’une impression de vérité; si l’on montre une image, le lecteur l’associe automatiquement au contenu informatif du texte, ce qui n’est pas nécessairement le cas. En mettant un visage sur le génie annoncé, le lecteur est plus enclin à croire en ce dernier. Mettre un visage, une image a toujours été un gage de « vérité » apparente, rien de mieux qu’une image pour faire raisonner un sentiment auprès du spectateur (ou lecteur). Pourquoi un gage de vérité, parce que la photo a deux principales utilités aux yeux des gens : photo de famille (nous connaissons le contenu, nous les avons prises ou nous y étions) et la photo journalistique (on accorde aux journalistes le titre d’autorité puisqu’il est « régit » à un code éthique du à sa profession). L’image devient ainsi un point de repère encré dans le monde réel. Mais tant que la source n’est pas vérifiée et confirmée, l’image n’est qu’une utilité, un outil pour diriger une lecture. Les légendes sous les photos dans les journaux ont cette fonction de positionner l’image dans son contexte, dans les circonstances de la prise du cliché. Les journaux le font (le plus souvent, j’ose le croire) par souci de professionnalisme journalistique. Mais le problème avec le professionnalisme des journalistes, c’est qu’il est volontaire. Certains médias sont reconnus pour suivre le code de déontologie de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec à la lettre (la Société Radio-Canada par exemple), mais tout « journaliste » n’est pas nécessairement membre de cette association, et même s’il l’est, le respect déontologique n’est qu’à titre volontaire. Un animateur d’une émission d’affaire publique n’est pas obligatoirement membre de cette fédération. Il ne faut donc pas confondre des gens qui font de l’opinion (souvent davantage du côté du divertissement que de l’information) aux journalistes. Le meilleur exemple serait le maire de Huntington/animateur opiniâtré de V télé, Stéphane Gendron.
B : Il est facile pour tout constructeur de discours à manipuler la lecture de ses destinataires en utilisant les images. Dans le conflit étudiant, deux exemples (parmi des dizaines) me viennent à l’esprit. (1) Même si un reportage est neutre dans sa couverture audio (commentaire du journaliste) d’un conflit, il n’empêche qu’il est possible de teinter la neutralité du texte entendu par le choix des images. La neutralité journalistique est facilement rejetable par la présence d’images des conséquences de la violence du conflit. Le simple fait de terminer un reportage sur une suite d’images de vitrines fracturées dirige nécessairement la lecture de tout ce qui précédait, la neutralité; « les actes du mouvement se terminent par cette violence, donc malgré les intentions, le mouvement est violent ». Cet imaginaire de violence n’est qu’une fraction de la réalité des événements, et l’éternel débat de sémantique sur la violence est la preuve que cette manière de présenter l’information influence l’opinion publique; plusieurs considéraient et considèrent toujours les étudiants comme des violents (moi-même je me suis fait insulté au travail en me faisant traité de violent alors que je ne faisais qu’argumenter — à la suite d’une provocation agressive — sur la cause étudiante). Oui, la violence est présente, mais elle n’est pas une conclusion au mouvement idéologique, elle est une des conséquences, déplorables certes, mais une conséquence en périphérie. Le meilleur exemple d’une direction faite par un reportage est le tout premier que CNN (http://www.cnn.com/video/#/video/us/2012/04/26/vo-can-montreal-student-riots.ctv) a fait sur le conflit. Il s’agit d’une excellente illustration puisqu’il n’y a qu’une suite d’images, le discours passe donc exclusivement par celle-ci, l’audio n’influence en rien le reportage. Le montage vidéo rapporte des rassemblements et des affrontements, mais se termine par un 15 secondes de vitres brisées. (2) Le deuxième exemple me venant en tête est le reportage de 20h00 de l’hélicoptère TVA au réseau de nouvelles en continu LCN le 22 mars 2012. Le topo était des images du journaliste à l’intérieur de l’hélicoptère pendant plus de trois minutes, sans jamais nous montrer une image que la caméra de l’hélicoptère aurait pu capter. Je ne dis pas ici qu’il s’agit du seul reportage couvrant la manifestation nationale du 22 mars qui fut diffusé, mais je soulève simplement un choix éditorial curieux. Le choix bien conscient de ne pas montrer d’image des plus de 200 000 personnes pacifiques dans les rues de Montréal est particulier pour plusieurs raisons dont : (1) l’absence d’image d’un événement historique (idéologique certes) à l’époque de l’impressionnant et du spectacle médiatique dans laquelle nous sommes, (2) le prestige des images de l’unique hélicoptère appartenant à un réseau télévisuel au Québec, (3) reléguer l’information à l’audio (l’absence d’image de l’événement est paradoxale considérant le médium qu’est la télévision – son et image). Ce choix démontre d’une volonté de ne pas « trop » diffuser des images puissantes (un événement regroupant 200 000 personnes dans un centre-ville est impressionnant, surtout pour le Québec). L’équivalent proportionnel français serait de 2,5 millions de personnes dans les rues de Paris.
3. La forme idéale
Le courriel est construit de manière simple et directe. On annonce la conclusion; par le titre et par l’hypothèse/question de départ « Est-ce que cet homme est vraiment un génie? ». Cette question est suivie de l’image du supposé professeur, de l’anecdote en italique et des cinq « vérités » annoncées en gras, caractère plus gros que le reste du texte et en gras. La forme et les choix visuels sont simples, directs et accrocheurs. Rien n’est ardu dans cette lecture. Facilitant ainsi l’absorption de l’information et ne laissant que peu de place aux questionnements autre qu’idéologique. Mais si l’on se concentre sur le contenu, plusieurs éléments deviennent problématiques. Principalement le sous-entendu qu’une société basée sur la liberté de choix est néfaste : « ceux qui avaient étudié fort décidèrent de prendre la route du peuple libre et étudièrent peu » (je souligne). Le contenant a beau être simple et séduisant, le contenu est ce qui est dangereux s’il n’est pas lu d’un œil qui questionne.
Marc-Antoine Lévesque