Le Collectif des femmes de Strasbourg-Saint-Denis, qui rassemble des prostituées du quartier Strasbourg-Saint-Denis, à Paris, n'est pas pressé de voir adoptée la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel, « une loi répressive qui nous plongerait dans la précarité ». Elles en appellent au premier ministre et demandent de « pouvoir travailler légalement et bénéficier de véritables protections sociales ».
Monsieur le Premier Ministre,
Le 16 juin 2014, quatre anciennes prostituées « inquiètes » vous interpellaient solennellement pour vous presser de mettre à l’ordre du jour une proposition de loi qui n’aurait aucun effet sur les vies de ses quatre initiatrices mais qui affecterait dangereusement la vie de milliers de prostitué.es.
Nous, VivantEs de la prostitution, avons légitimement décidé de réagir à cette interpellation en vous exprimant notre réalité.
Nous, VivantEs de la prostitution, sommes les dépositaires d’un cri d’alarme. C’est à nous que nos collègues viennent confier leurs graves difficultés d’aujourd’hui et leurs craintes pour demain.
Nous l’affirmons : la prostitution, c’est grâce à elle que nous construisons nos vies … que ce soit momentané, depuis longtemps ou pour le plus longtemps possible. Et même si nous rencontrons des difficultés et des aléas à cause des lois en vigueur, la décision d’engagement dans le travail sexuel en tant que prostitué.e est la nôtre.
Ce sont des instants passés à donner et, parfois, partager du plaisir, à grandir de cela, à communiquer. Un échange et un accord entre personnes adultes et consentantes. Le travail sexuel, c’est la réponse à de multiples causes, des champs de l’intimité humaine aux raisons économiques.
Même si notre clientèle vient guidée par une démarche positive de bien être, notre métier ne fait pas exception à la règle et nous rencontrons parfois des personnes difficiles : aidez-nous à prévenir et renforcer notre protection afin que plus jamais il ne soit implicitement entendu qu’un acte de violence contre un.e prostitué.e, qu’il soit le fait d’un agresseur ou d’un policier, est un phénomène inhérent à l’activité donc moins grave ou banal. Notre activité n’est pas le terrain de prédilection de la violence faite aux femmes. C'est à la clandestinité qu'est inhérente l'exposition aux
violences et à l'exploitation, clandestinité qui découle des lois en vigueur et qui découlera de celle proposée. Nos clients ne sont pas coupables de cela.
Aujourd’hui, nous voulons parler pour celles et ceux qui suffoquent, inquièt.es pour leur avenir et celui de leurs enfants, victimes de la stigmatisation et des freins législatifs, et qui attendent de trouver une issue à leurs revendications : nous, prostitué.es, travailleuses et travailleurs du sexe, que nous soyons travailleur.ses indépendant.es et contribuables ou contraint.es à des situations difficiles et précaires et travailleuses et travailleurs du sexe occasionnel.les, demandons légitimement un dispositif législatif cohérent et non discriminatoire: pouvoir travailler
légalement et bénéficier de véritables protections sociales.
Nous ne voulons ni patron, ni "sauveurs" qui proposent de nous précariser davantage.
Aucune femme, aucun homme ne devrait être traité comme un délinquant parce qu’elle, il, prodigue ou demande un acte sexuel consenti et tarifé.
Nous vous demandons ici tout naturellement d’écouter les VivantEs et de ne pas mettre à l’ordre du jour une loi répressive qui nous plongerait dans la précarité. Nous ne sommes aucunement les victimes incapables de s'exprimer, à l’image des portraits fallacieux qu’on vous dresse à dessein : venez nous voir !
Nous vous demandons de donner les moyens aux associations d'aide aux victimes et au pouvoir judiciaire, pour appréhender et éradiquer les exploiteurs.
Merci.