«Pour mettre fin au chômage de masse, il n’y a pas d’autre voie que de demander à l’Etat de financer des réductions du temps de travail (...), et d’en finir avec les exemptions fiscales accordées sans contrepartie», rappellent Odile Boudeau, Mathilde Boullé, Philippe Gailhardis, Sébastien Graille, Béatrice Trin pour les 38 référents du collectif Roosevelt en Ile-de-France.
Stéphane Hessel est mort. Au moment où chacun, avec plus ou moins de sincérité, se dispute son héritage, il y a une sorte d’indécence à sortir de l’anonymat pour le revendiquer à notre tour. Et pourtant… l’une de ses dernières actions ne fut-elle pas de créer avec quelques autres (Edgar Morin, Michel Rocard, Pierre Larrouturou, Susan George…) le collectif Roosevelt, où l’ont rejoint quelques dizaines de milliers de signataires, individus ou associations, illustres ou anonymes, tous rassemblés autour d’un programme de 15 mesures.
Simples et immédiatement applicables, ces quinze propositions ne prétendent pas tout résoudre mais, mises bout à bout, elles peuvent changer bien des choses. Comme aurait dit Coluche, nous ne vous promettons pas le grand soir, mais plus d’emplois, des logements meilleur marché, une fiscalité plus juste... Tout cela est possible sans alourdir la dette ni mettre en cause les fondements de l'économie.
Certaines des mesures que nous proposons sont appliquées actuellement en Allemagne, aux Pays-Bas... D’autres constituaient la règle, il y a quelques années encore, dans les grandes démocraties. Pourtant, si modestes soient-elles, nos 15 propositions sont aussi, pour les lobbies auxquels nous nous heurtons, 15 raisons de dire non : non à la mise en place de clauses de réciprocité dans les échanges commerciaux internationaux, non à une véritable transition écologique, non à la lutte contre les paradis fiscaux, non au développement des mutuelles et des coopératives et non, évidemment, à un autre partage du temps de travail. Eh bien nous, nous affirmons au contraire que tout cela est possible. Tout de suite.
On nous serine que les Français ne travaillent pas assez ? Mais les durées hebdomadaires du travail, en Allemagne et aux Etats-Unis, sont respectivement de 30 et 34 heures (1). Les Français ne sont pas ces fainéants décrits par un patron arrogant d’outre-Atlantique. Mais voilà... Si certains s’usent à la tâche, sacrifient leur vie de famille et parfois leur santé, d’autres enchaînent chômage et petits boulots. Est-ce juste ? Est-ce efficace ? La France y gagne-t-elle globalement quoi que ce soit ?
Et ce n’est pas l’Accord national interprofessionnel qui y changera grand chose ! Une fois de plus, les chômeurs sont les laissés-pour-compte d’un projet de réforme du droit du travail. Même si certains jugent qu’elles sont en trompe-l’oeil, il est permis de se réjouir de certaines avancées proposées par l’accord : la généralisation de la complémentaire santé et du compte personnel formation, par exemple, ou la consolidation des droits des personnes travaillant en horaires réduits. Mais l’ANI, disons le clairement, ne permettra pas de réduire le chômage.
Il n'évoque jamais la possibilité d'échanger la mise en place des 32 heures contre un allègement des charges patronales, mesure qui permettrait la création de milliers d’emplois. Et, s'il prend soin d'encadrer les efforts consentis par les salariés des entreprises en difficulté, il ne prévoit pas que l’État, comme cela se fait en Allemagne, prenne en charge une part du salaire qu’ils perdent à cette occasion. Nous appelons le législateur à combler cette lacune.
Pour vaincre le chômage, le gouvernement table exclusivement sur les emplois aidés et la “ compétitivité ”. Les premiers ne sont que des pis-aller, insuffisants face à l’ampleur du problème. La seconde s’obtient au prix d’une productivité accrue et d’une compression des coûts... destructeurs d’emplois.
Pour mettre fin au chômage de masse, il n’y a pas d’autre voie que de demander à l’Etat de financer des réductions du temps de travail plutôt que d’avoir à indemniser des chômeurs toujours plus nombreux, et d’en finir avec les exemptions fiscales accordées sans contrepartie.
Mieux partager travail et richesse, c’est la seule réponse à la crise, et c’est notre combat à nous, l’ensemble des signataires du collectif Roosevelt. Mais, 92 000 personnes d’accord sur 15 propositions, ce n’est pas suffisant. Nous ne sommes pas assez nombreux pour peser sur les « décideurs » à Paris, à Strasbourg et à Bruxelles.
Le collectif devait fêter son premier anniversaire, mais, sans la présence de Stéphane Hessel, il n’y aura pas de fête. Il reste son message, celui qui barre la page d’accueil de notre site: “ nous souhaitons contribuer à la formation d’un puissant mouvement citoyen, d'une insurrection des consciences qui puisse engendrer une politique à la hauteur des exigences ”. Rejoignez-nous sur www.roosevelt2012.fr/ !
(1) Sources: Bureau des statistiques du travail américain, novembre 2011 et Ministère du travail allemand, 2011.