Alors que des plaignants pour contrôle d'identité abusif viennent d'être déboutés, Nordine IDIR, secrétaire général du Mouvement jeunes communistes de France, demande à François Hollande et au gouvernement « la mise en œuvre immédiate de vos engagements de campagne et l’ouverture d’un grand débat pour refonder les missions de la police et reconstruire une justice des mineurs digne de son ambition d’éducation et d’insertion sociale ».
Mercredi 1er octobre 2013, 13 plaignants pour contrôle d’identité abusif ont été déboutés de leur plainte contre l’Etat. Après la mort de Lakhami et Moushin à Villiers-le-Bel en 2007, cinq jeunes de la ville écopent de plusieurs mois et années de prisons pour tentative de meurtre sur des agents de police principalement sur la foi de dénonciations anonymes. Tandis qu’il aura fallu six ans pour que le policier jugé responsable de la mort des deux jeunes n’écope que de six mois de prisons avec sursis. Enfin, près de huit ans après la mort de Zyed et Bouna à Clichy-sous-bois, la justice va s’intéresser aux policiers qui les poursuivaient pour « non-assistance à personne en danger ».
J’écris « enfin ». Et pour autant, combien de face à face réguliers, de bavures, de contrôles d’identités quotidiens, d’affrontements parfois violents, venant noircir les lignes d’une trop longue liste illustrant le malaise entre les jeunes de France et la police nationale. Malaise, le mot est faible. Nous vivons dans un état d’injustice permanent qui autorise à ce que règne sur les jeunes de France – sur certains jeunes en particulier – le plus grand des arbitraires.
Soyons clair, aux périphéries des centres villes, être jeune, pauvre, « Noir ou Arabe en France est une conduite à risque, qui le discuterait » (Hors Sujet, La Rumeur). Le deux poids deux mesures dans le traitement des affaires qui confrontent jeunes et policiers pose la question de savoir si la police est raciste et ses pratiques discriminatoires. La réponse est oui. Au delà du vécu commun à tous les jeunes, les récentes enquêtes le démontrent (voir ici ou là). Dans certains lieux, être Noir ou Arabe donne 6 à 7 fois plus de chances d’être contrôlé par la police que si l’on est blanc. L’urgence est de comprendre les causes qui rendent l’action des forces de police attentatoires aux droits fondamentaux et l’action de la justice en totale contradiction avec l’égalité des citoyens devant la loi. Et ces raisons sont éminemment politiques.
Des jeunes peuvent être humiliés, frappés, détenus sans raison, voire mis en danger de mort car depuis près de 15 ans le monde politique, au-delà de ses clivages traditionnels, a décidé ou a laissé prospérer – par pur opportunisme électoral – l’entreprise de stigmatisation des « jeunes de banlieue ». A seul titre d’exemple, il faut se rappeler les mots des ministres de l’intérieur qui nous ont traités de « sauvageons » ou de « racailles ». Et pour l’évidence, rappelons l’odieuse manipulation de Nicolas Sarkozy et Brice Hortefeux, qui ont fait manifester des policiers devant le tribunal de Bobigny au mépris du principe fondamental d’indépendance de la justice. Et ce sont ces mêmes dirigeants qui ont passé les dix dernières années à démanteler méthodiquement le droit pénal des affaires. Voilà la réalité quotidienne des palais de Justice : des jeunes envoyés à l’abattoir et l’impunité pour les puissants.
Pour cette raison, le jugement rendu mercredi dernier est inacceptable.
François Hollande s’était engagé à mettre fin aux contrôles au faciès mais ceux-ci persistent quotidiennement. Partout en France, le flicage et la répression sont devenus l’ordre dominant. La comparution immédiate et l’enfermement deviennent la règle au travers notamment des centres éducatifs fermés. Et voilà que se présente une nouvelle réforme pénale. Immédiatement celle-ci est victime d’une multitude d’attaques de la part du nouveau ministre de l’intérieur et de bien d’autres à droite comme à gauche ! Tout cela parce qu’en ajoutant une « contrainte pénale » à l’arsenal répressif construit pendant dix années de frénésie sécuritaire, elle entacherait de laxisme l’action du gouvernement. Mais comment la création d’une nouvelle peine venant s’ajouter à toutes les autres qui engorgent nos prisons pourrait-elle être un signe de laxisme ?!
Nous interpellons ici directement François Hollande, Christiane Taubira et Manuel Valls. Les paroles du ministre de l'intérieur et la politique qu'il conduit ne sont pas des écarts, des dérapages ou des maladresses. Elles sont l’incarnation d’une politique de stigmatisation générale qui doit servir à masquer les profondes discriminations sociales dont nous sommes victimes autant qu’à dresser le reste du pays contre nous. La réforme pénale propose un premier progrès en supprimant les peines plancher et en réinstaurant l’objectif d’un traitement individualisé de la délinquance par les peines de probation. C’est un effort urgent mais insuffisant pour sortir de la situation de crise dans laquelle nous sommes.
Nous refusons d’attendre les bras croisés de nouvelles explosions de colères suite à des bavures policières et des dénis de justice. Nous exigeons la mise en œuvre immédiate de vos engagements de campagne et l’ouverture d’un grand débat pour refonder les missions de la police et reconstruire une justice des mineurs digne de son ambition d’éducation et d’insertion sociale. C’est une œuvre historique, une ambition de changement sur laquelle aucun nouveau renoncement ne pourra être accepté.