Billet de blog 17 juillet 2012

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L’abolition de la prostitution, un projet de société

« A ceux qui annoncent que la prostitution ne disparaîtra jamais et qu’il faut donc la tolérer ou l’organiser, il faut répondre que personne n’oserait demander la restauration de l’esclavage sous prétexte qu’il existe encore », affirme Geneviève Duché, présidente de l’Amicale du Nid.

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« A ceux qui annoncent que la prostitution ne disparaîtra jamais et qu’il faut donc la tolérer ou l’organiser, il faut répondre que personne n’oserait demander la restauration de l’esclavage sous prétexte qu’il existe encore », affirme Geneviève Duché, présidente de l’Amicale du Nid.


L’appel « Abolition 2012 » lancé en novembre 2011 par plus de 45 associations (1), le rapport Danielle Bousquet-Guy Geoffroy  de 2011 sur la prostitution en France et la volonté de la ministre des droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem, d’abolir la prostitution se situent dans la continuité de la position abolitionniste française tout en proposant une rupture dans la façon de considérer le phénomène prostitutionnel.

Cette apparente contradiction mérite d’être expliquée. L’abolitionnisme en tant que régime juridique de la prostitution, différent du réglementarisme et du prohibitionnisme, est fondé par la convention internationale de 1949 que la France n’a ratifiée qu’en 1960. Cette convention précise que la prostitution est une atteinte à la dignité des personnes prostituées, victimes qu’il faut aider et accompagner en vue d’une insertion sociale. Elle demande d’abroger ou d’abolir (d’où ce nom d’abolitionnisme) toute loi, tout règlement selon lesquels les personnes prostituées doivent se faire inscrire sur des registres spéciaux ou se conformer à des conditions exceptionnelles de surveillance ou déclaration. Elle demande aux Etats signataires de lutter contre toutes les formes de proxénétisme.

En proposant la pénalisation des clients de la prostitution, on renforce l’abolitionnisme par une responsabilisation réelle des clients-prostitueurs à l’origine de l’existence de la prostitution; partie essentielle du système prostitutionnel qui a été longtemps passée sous silence alors que sans demande il n’y aurait pas de prostitution, et pas de traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle. Mais abolitionnisme veut dire aussi que les personnes prostituées sont aidées et non pénalisées ou poursuivies, c’est pourquoi les associations abolitionnistes réclament la suppression de la pénalisation du racolage et davantage de moyens pour offrir aux personnes prostituées des alternatives à leur situation.

Une résolution a été votée à l’unanimité par l’Assemblée Nationale en décembre 2011, rappelant la position abolitionniste de l’Etat français et que la prostitution était contraire à l’égalité entre les femmes et les hommes.

La volonté d’abolir la prostitution et la politique annoncée d’abolition de la prostitution s’appuient sur toutes les mesures décrites ci-dessus mais vont plus loin et constituent un message fondamental.

Il s’agit en effet d’une volonté de changer de société. La prostitution est contraire à la liberté notamment sexuelle, la prostitution est le produit d’une double domination, masculine et par l’argent. La volonté de l’abolir s’inscrit dans la construction d’une société d’égalité réelle et de justice sociale. Elle implique donc des moyens de prévention et d’insertion sociale qui prennent appui sur une critique et un changement du système socio-économique actuel.

A ceux qui annoncent que la prostitution ne disparaîtra jamais et qu’il faut donc la tolérer ou l’organiser, il faut répondre que personne n’oserait demander la restauration de l’esclavage sous prétexte qu’il existe encore.

Abolir signifie que la société dans laquelle nous vivons refuse la légitimation et la banalisation de la prostitution; dit qu’elle n’est pas pensable comme une activité parmi d’autres qui soulagerait « une misère sexuelle » par une autre misère et par une violence, dit qu’elle n’est pas tolérable parce que des rapports sexuels non désirés constituent une atteinte grave à l’intégrité physique et psychique de la personne. Ceci, les associations qui accueillent des milliers de personnes prostituées par an le constatent tous les jours.

Abolir ne peut être confondu avec la prohibition qui a pour origine, dans la plupart des pays qui ont ce régime, une morale puritaine, la peur de la sexualité, du corps, et la peur des femmes que l’on enferme dans des voiles ou dans les maisons.

Le débat que le projet d’abolition ouvre est celui d’un choix de société. Il permet déjà de se rendre compte, si besoin en était, de l’effroyable contrainte pour des millions de personnes dans le monde de vendre leur corps parce que c’est la seule chose qu’elles possèdent et que ce corps est convoité comme un objet. Ce débat montre la précarité des jeunes, des femmes, l’isolement et la désaffiliation d’un grand nombre, les ravages de la traite.

Abolir la prostitution est une ardente obligation pour la France!

(1) Initié par trois associations abolitionnistes françaises: Amicale du Nid, Fondation Scelles et Mouvement du Nid

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