Billet de blog 20 septembre 2012

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Le droit de vote des étrangers aux élections, c’est maintenant!

Soixante-dix sept députés interpellent le gouvernement pour qu'il respecte rapidement le 50e engagement de François Hollande concernant le droit de vote des étrangers. Selon eux, l'application de cette proposition permettrait de faire des étrangers des « acteurs de la vie locale » dès les prochaines municipales, en 2014.

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Soixante-dix sept députés interpellent le gouvernement pour qu'il respecte rapidement le 50e engagement de François Hollande concernant le droit de vote des étrangers. Selon eux, l'application de cette proposition permettrait de faire des étrangers des « acteurs de la vie locale » dès les prochaines municipales, en 2014.


La 50e proposition de François Hollande pour l’élection présidentielle est courageuse et reflète une évolution nécessaire du code électoral français :«J'accorderai le droit de vote aux élections locales aux étrangers résidant légalement en France depuis cinq ans. ». Il reprend ainsi une proposition qu’avait déjà émise, sans pouvoir la réaliser, François Mitterrand en 1981, reconnaissant ainsi à juste titre la contribution des étrangers à toutes les facettes de la vie de notre pays, qu’il s’agisse de vie économique, associative, culturelle, artistique, etc. Et c’est sans compter bien évidemment leur participation égale à l’impôt, qui reflète plus que tout leur appartenance à la République.»

François Hollande a mis en avant, tout au long de sa campagne, une conception de la citoyenneté ouverte, digne héritière de la Révolution française et de la Déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen, sans qu’un lien entre citoyenneté et nationalité ne soit indispensable. Les sirènes de l’UMP et du Front National ne le firent pas reculer lors de la campagne, au contraire : ce sujet tranche net la séparation entre la gauche et la droite.

Aujourd’hui, l’obstacle des mœurs invoqué par François Mitterrand en 1988 n’en est plus un : en novembre 2011, 61% des Français y étaient favorables (1). Après de nombreuses tentatives de la part des parlementaires de gauche pour proposer le droit de vote des étrangers, à l’Assemblée et au Sénat sous des gouvernements de droite, une loi constitutionnelle a finalement été adoptée au Sénat le 8 décembre dernier.

A la veille de la reprise des travaux parlementaires, le temps presse. En effet, mettre en place le droit de vote et d’éligibilité des étrangers aux élections municipales ne se fera pas en un jour. D’abord, parce que l’adoption de la loi constitutionnelle à l’Assemblée Nationale, la réforme de la Constitution par le Parlement, la loi organique et sa mise en application requièrent un temps incompressible. D’autre part, cette mesure changera la nature du corps électoral en France : loin d’être votée à la va-vite, elle doit au contraire être discutée publiquement pour en expliquer la portée et sa contribution à une République réconciliée avec ses citoyens.

A celles et ceux qui nous disent que nous voulons favoriser le communautarisme par cette mesure, nous répondons que c’est au contraire l’inégalité de traitement entre l’élu et ses administrés qui favorise une organisation communautarisée de la société. Aujourd’hui les étrangers, qui contribuent à toutes les facettes de la vie locale notamment par l’impôt, sont placés en situation d’invisibilité politique. Pour rappel et calmer les ardeurs nationalistes de la droite, en comptant les ressortissants de l’Union Européenne, les étrangers participant aux scrutins municipaux représenteraient seulement 6% du corps électoral (2).

A celles et ceux qui nous disent que le droit de vote et la nationalité sont intrinsèquement liés, et qu’une telle mesure nuirait à la souveraineté nationale, nous répondons que toute modification de la constitution est l’expression elle-même de la souveraineté du peuple. Seul lui peut décider, comme il l’avait déjà fait en 1793, d’ouvrir le droit de vote aux étrangers résidant en France pour les élections municipales. C’est donc au peuple souverain de décider de cette ouverture du vote, et les parlementaires que nous sommes ne laisseront pas les forces conservatrices et de l’extrême droite confisquer ce droit aux citoyens.

A celles et ceux qui nous disent que cette mesure est dérisoire, nous répondons qu’elle est au contraire essentielle. D’abord pour redonner du sens à un rituel civique appauvri, notamment dans les quartiers populaires. Ensuite parce que la représentativité des communes et des départements connaissant une importante population étrangère est mise à mal : en Ile-de-France, si l’on compte l’abstention, seulement 20% de la population a effectivement participé aux dernières élections municipales. Non seulement le droit de vote des étrangers en augmenterait la représentativité, mais il s’agit aussi et surtout une question d’égalité d’accès au droit de vote pour tous. Les sociologues ont mis en avant l’importance de l’environnement familial dans la formation civique et politique des jeunes. La non-participation des parents aux élections influence sans aucun doute la décision des plus jeunes de s’inscrire sur les listes électorales et d’aller voter ou non, alors qu’ils ont, eux, parfaitement le droit de le faire.

A celles et ceux qui nous disent que c’est trop tôt, et qu’il faut prendre son temps, nous répondons que c’est justement en commençant maintenant que nous aurons la possibilité de prendre notre temps pour faire cette réforme sereinement. Le Conseil de l’Europe, le Parlement Européen, la Commission européenne, le Conseil Européen, tous appellent la France à étendre aux résidents légaux le droit de vote et d’éligibilité aux élections locales. De nombreux pays en Europe nous montrent déjà l’exemple. Nous sommes d’avis que la réforme doit intervenir rapidement, pour se donner les moyens de l’appliquer lors des prochaines élections municipales.

Lors du débat de l’élection présidentielle entre François Hollande et Nicolas Sarkozy, le candidat socialiste fit preuve d’une droiture face à ses engagements qui force le respect. Il refusa fermement de s’engouffrer dans l’amalgame odieux et déplacé de Nicolas Sarkozy, qui associait sans scrupule étrangers, immigrés, musulmans et délinquants. Comment ne pas être admiratif de ce candidat socialiste fier de ses valeurs, qui a su démonter point par point l’épouvantail du communautarisme brandi par Nicolas Sarkozy, et démontrer la pertinence de cet élargissement du droit de vote pour que la contribution des étrangers à notre pays, qui sont bien souvent les parents de citoyens français, soit reconnue. Pour que leur statut passe enfin de celui d’invisible à celui d’acteurs de la vie locale. A nous, élus de la République attachés à la vitalité de la démocratie et à sa modernité, d’en faire aujourd’hui autant dans les actes.  

77 signataires :

Pouria Amirshahi, député des Français établis hors de France
Nathalie Appéré, députée d’Ille-et-Vilaine
Alexis Bachelay, député des Hauts-de-Seine
Serge Bardy, député du Maine-et-Loire
Philippe Baumel, député de la Saône et Loire
Nicolas Bays, député du Pas-de-Calais
Karine Berger, députée des Hautes Alpes
Philippe Bies, député du Bas-Rhin
Gisèle Biémouret, députée du Gers
Jean-Pierre Blazy, député du Val d’Oise
Yves Blein, député du Rhône
Patrick Bloche, député de Paris
Kheira Bouziane, députée de la Côte d’Or
Isabelle Bruneau, députée de l’Indre
Gwenegan Bui, député du Finistère
Jean-Claude Buisine, député de la Somme
Colette Capdevielle, députée des Pyrénées Atlantiques
Alain Calmette, député du Cantal
Christophe Caresche, député du Finistère
Fanélie Carrey-Conte, députée de Paris
Nathalie Chabanne, députée des Pyrénées Atlantiques
Marie-Anne Chapdelaine, députée d’Ille-et-Villaine
Philip Cordery, député des Français de l’étranger
Valérie Corre, députée du Loiret
Pascal Deguilhem, député de la Dordogne
Sébastien Denaja, député
Fanny Dombre-Coste, députée de l’Hérault
Sandrine Doucet, députée de la Gironde
Jean-Pierre Dufau, député des Landes
Laurence Dumont, députée du Calvados
Martine Faure, députée de la Gironde
Alain Fauré, député de l’Ariège
Mathias Fekl, député du Lot-et-Garonne
Richard Ferrand, député du Finistère
Geneviève Gaillard, députée des Deux-Sèvres
Laurent Grandguillaume, député de la Côte d’Or
Estelle Grelier, députée de Seine-Maritime
Edith  Gueugneau, députée de Saône-et-Loire
Jérôme Guedj, député de l’Essonne
Elisabeth Guigou, députée de la Seine-Saint-Denis
Razzy Hammadi, député de la Seine-Saint-Denis
Mathieu Hanotin, député de la Seine-Saint-Denis
Régis Juanico, député de la Loire
Pierre-Yves Le Borgn’, député des Français établis hors de France
Dominique Lefebvre, député du Val d’Oise
Axelle Lemaire, députée des Français établis hors de France
Annick Lepetit, députée de Paris
Arnaud Leroy, député des Français établis hors de France
Audrey Linkenheld, députée du Nord
Lucette Lousteau, députée du Lot et Garonne
Marie-Lou Marcel, députée de l’Aveyron
Jean-René Marsac, député d’Ille-et-Vilaine
Martine Martinel, députée de Haute Garonne
Sandrine Mazetier, députée de Paris
Patrick Menucci, député des Bouches du Rhône
Corinne Narassiguin, députée des Français établis hors de France
Philippe Noguès, député du Morbihan
Maud Olivier, députée de l’Essonne
Christian Paul, député de la Nièvre
Hervé Pellois, député du Morbihan
Sebastien Pietrasanta, député des Haut- de-Seine
Elisabeth Pochon, députée de la Seine-Saint-Denis
Michel Pouzol, député de l’Essonne
Valérie Rabault, députée du Tarn et Garonne
Dominique Raimbourg, député de Loire-Atlantique
Eduardo Rihan Cypel, député de Seine-et-Marne
Denys Robillard, député du Loir et Cher
Dolores Roque, députée l’Hérault
Gérard Sebaoun, député du Val d’Oise
Julie Sommaruga, députée des Hauts-de-Seine
Suzanne Tallard, députée de Charente Maritime
Thomas Thevenoud, député de la Saône et Loire
Jean-Louis Touraine, député du Rhône
Cecile Untermaier, députée de Saône-et-Loire
Jean-Jacques Urvoas, député du Finistère
Jacques Valax, député du Tarn
Olivier Verand, député de l’Isère
Jean-Michel Villaumé, député de Haute-Saône

 Cet appel a été publié dans Le Monde, daté du 18 septembre.


(1) Sondage BCA pour Le Parisien, novembre 2011.

(2) Rapport de Sandrine Mazetier sur la proposition de loi présentée à l’Assemblée Nationale en janvier 2010 ouvrant le droit de vote aux étrangers (n°2371).

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