Patrick Jarry, maire de Nanterre (Hauts-de-Seine), et les élus de gauche de la ville lancent un mouvement de protestation contre le système de solidarité financière entre communes: le plafonnement des contributions des localités franciliennes les plus riches, comme Neuilly, Levallois ou Paris, se fait au détriment des villes populaires comme Nanterre, Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne) ou encore Poissy (Yvelines).
Disons le d’emblée pour éviter tout malentendu, et ne pas faire dire à la ville de Nanterre ce qu’elle ne dit pas. Oui, la solidarité financière entre collectivités est nécessaire. Oui, il est légitime que les communes les plus pauvres, qui cumulent des dépenses sociales élevées et de faibles ressources fiscales, bénéficient du soutien des villes qui ont davantage de moyens. Oui, la ville de Nanterre est d’accord pour prendre sa part de cet effort de solidarité.
D’accord pour prendre notre part, mais dans des proportions qui n’aboutissent pas à créer de nouvelles injustices. Or, c’est exactement le contraire qui est en train de se produire aujourd’hui.
Les modalités actuelles de calcul des deux fonds de péréquation instaurés sous le gouvernement précédent, et qui n’ont pas été modifiés à ce jour, aboutissent à des aberrations.
Ainsi, en 2013, pour le fonds régional et le fonds national, Nanterre devra payer un total de 6,7 millions d’euros, soit 600 000 euros de plus que la ville de Neuilly-sur-Seine. Ce sera encore pire dans les deux années qui viennent, notre contribution devant s’élever à 10 millions d’euros en 2014, et à 15 millions d’euros en 2015, si les modalités d’application de la loi ne sont pas corrigées.
Comment accepter qu’une ville populaire comme Nanterre contribue davantage à la solidarité qu’une ville comme Neuilly-sur-Seine ? Ce seul fait est suffisamment choquant pour être dénoncé.
Pour mesurer l’ampleur du gouffre social qui sépare ces deux villes, prenons quelques indicateurs :
- le revenu net déclaré par foyer fiscal ? Il est de 22 000 euros à Nanterre, 84 000 euros à Neuilly
- le pourcentage de logements sociaux ? 5 % à Neuilly, 54 % à Nanterre
- le pourcentage de familles vivant au-dessous du seuil de pauvreté ? 7 % à Neuilly, 22 % à Nanterre
- le nombre d’allocataires du RSA ? 697 à Neuilly, 4 447 à Nanterre
- le taux de chômage ? 9,5 % à Neuilly, 13,8 % à Nanterre.
Qui peut comprendre, après une telle comparaison, que la ville de Nanterre paie davantage que Neuilly-sur-Seine ?
Il existe pourtant une explication à cette aberration sociale et morale : Neuilly-sur Seine fait partie des villes qui ont obtenu un plafonnement de leurs contributions au fonds de solidarité régional Ile-de-France. C’est également le cas de Levallois, Puteaux, Courbevoie, Paris et d’autres collectivités qui peuvent être qualifiées de riches, aussi bien par leurs rentrées fiscales que par la situation d’une bonne partie de leurs habitants.
Et la part que les communes les plus riches ne paient pas en raison de leur plafonnement a été transférée à des villes populaires comme Nanterre, Gennevilliers, Clichy-la-Garenne, Saint-Ouen, Pantin, Ivry, Guyancourt, Poissy ou Chevilly-la-Rue.
C’est d’ailleurs ce qui a conduit une bonne partie de ces villes à décider d’agir ensemble, à demander une modification des modes de calcul du fonds régional de solidarité, et à solliciter dans l’immédiat une rencontre avec le président de Paris Métropole.
Je tiens à le dire ici avec une certaine solennité : il est hors de question que Nanterre paie 10 millions d’euros l’an prochain, et 15 millions d’euros en 2015.
Ces sommes sont extravagantes, et constituent une charge insupportable pour la ville.
Pour vous donner une idée de ce que représentent les 6,7 millions d’euros que nous paierons cette année, c’est l’équivalent de:
- la totalité des subventions aux associations nanterriennes, soit 1 millions d’euros
- plusla totalité du budget que nous consacrons aux activités péri scolaires pour plus de 3 000 enfants, soit 2,6 millions d’euros
- plus la totalité du budget que nous consacrons à l’animation et à l’encadrement des cantines scolaires toute l’année, soit 1,7 millions d’euros
- plus 45 postes de fonctionnaires de la collectivité, soit 1,4 millions d’euros.
Pour toutes ces raisons, avec l’ensemble des villes qui sont dans la même situation que Nanterre, nous formulons trois demandes précises : la suppression des plafonnements qui protègent les villes riches; l’intégration dans les modes de calcul de la réalité sociale des communes à travers plusieurs critères : le pourcentage de logements sociaux, le taux de bénéficiaires de l’APL, le revenu moyen… ; la prise en compte, pour le fonds national, du surcoût de la vie en Ile-de-France, estimé par l’Insee à 15%, et donc un dégrèvement des cotisations de 15%.
Des amendements à la loi de finances 2013 ont été proposés en ce sens, en particulier par notre députée Jacqueline Fraysse. Ils n’ont pas été acceptés, mais la ministre Marylise Lebranchu s’est engagée à retravailler les critères pour 2014.
Une loi de finances rectificative sera inscrite à l’ordre du jour du débat parlementaire dans les tous prochains mois ; ce sera l’occasion de faire entendre à nouveaux nos arguments, et d’essayer de faire voter nos propositions d’amendements.
Pour appuyer ces exigences, nous pensons que la mobilisation de la population est indispensable. C’est pourquoi l’ensemble des élus de gauche de Nanterre a décidé d’engager une campagne de pétitions sur le thème : « Oui à la solidarité entre les communes ! Non à l’injustice ! ».