
Fils de paysans périgourdins, né en 1922, Marcel Conche vient de décéder. Il est l’auteur d’une œuvre immense. Comme la plupart des personnes de son envergure, il fut la modestie par excellence. Si sa vie et son œuvre sont une belle illustration de l’humanisme, il ne prétend jamais être un modèle. Et on peut effectivement être humaniste de bien des façons. Son texte le plus marquant « Devenir Grec » a été écrit en 1997, et repris dans ses « Essais sur Homère » en 2014.
Il commence ainsi : « Philosopher me semble être la seule activité normale de l’homme : de l’homme quelconque, j’entends sans génie particulier, mais aussi bien de l’homme de génie (de l’artiste, du poète) en tant qu’il est, vivant et mourant, un homme comme un autre ; car ce qui est normal pour l’homme, ce n’est pas – pas simplement – de manger, de boire, de dormir, d’aimer, toutes choses que les bêtes font aussi, ce n’est pas de vivre – de se borner à vivre –, ni de travailler pour manger et de manger pour vivre, mais c’est de ne pas vivre sans réfléchir, c’est-à-dire sans se demander ce qu’il fait au monde, ce qu’est le monde, ce que signifie la vie – bref, ce qui est normal pour l’homme, c’est de ne pas vivre sans philosopher. Devenir normal, c’est devenir philosophe : je raconte maintenant comment devenir philosophe, cela a signifié pour moi devenir Grec… ».

Pour bien comprendre Marcel Conche, il faut peut-être d’abord se plonger dans sa vie. Le philosophe Yvon Quiniou n'a pas hésité à le qualifier de "génie littéraire" à la lecture de ses lettres d'amour adressées à Marie-Thérèse. Son petit livre autobiographique « Epicure en Corrèze » est un délice. L'auteur précise d’entrée « Ce titre n’est pas de moi. Je n’aurai jamais osé me comparer à Epicure ». Pourtant ce titre nous dit beaucoup de choses. Il donne une dimension temporelle avec la référence antique et une dimension populaire avec la mention d’un département rural français. Ce livre bref n’est pas un petit livre. Sa simplicité est pleine de profondeur. Marcel Conche se fait conteur. Il relate ici sa vie en commençant par évoquer sa grand-mère. Elle s’appelle Marie. Elle sommeille près de lui. Il a cinq ans. Il promène une chèvre en compagnie de deux jeunes filles. Et, déjà, ses premières interrogations surgissent « Pourquoi le monde existe-t-il ? Et moi, pourquoi est-ce que j’existe ? ». Il n’est pas dépourvu d’impulsions. Mais il précise « J’ai toujours appelé à l’aide le rationnel Apollon, pour maîtriser mes tendances dionysiaques ». On découvrira ainsi comment le jeune Marcel « noisille » (décortique les noix) et comment il est devenu athée ; comment il a gardé les vaches et comment il est devenu pacifiste… Pour Marcel Conche « La Nature est le Poète premier, et la philosophie a sa source dans la poésie ». On comprend combien on peut apprendre de ce texte qui ne se veut pas être une leçon…
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Agrandissement : Illustration 3

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