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Billet de blog 27 février 2024

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Kometa. A l’Est du nouveau.

La nouvelle revue « Kometa » nous parle de l’Europe de l’Est, un territoire qui couvre quinze fuseaux horaires, de Vienne à Vladivostok. Kometa est un livre–magazine qui alterne sur 200 pages photos, illustrations, entretiens et reportages…

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Illustration 1
Alexeï Navalny

Alexeï Navalny est mort dans la colonie pénitentiaire russe n° 3, surnommée « Loup polaire » le 16 février à l’âge de 47 ans. Dans sa trop courte vie, il a défendu des positions politiques contrastées. Mais sa mort est devenue emblématique de la nocivité du régime instauré par Vladimir Poutine. Elle confirme combien la guerre fratricide entre la Russie et l’Ukraine concerne tous les Européens. Comment y mettre fin ? Comment instaurer ou garantir des régimes démocratiques dans la totalité de notre continent ? Dans le foisonnement des publications sur le sujet, une nouvelle revue peut nous aider à voir clair.

Illustration 2

« Kometa. A l’Est du nouveau » est un livre-magazine, un « mook » pour les anglophones. Depuis plusieurs années cette forme de publication connaît un succès avéré. L’alternance entre des photos de la vie quotidienne loin des chromos touristiques et d’articles témoignant de cette même vie rend cet objet de 200 pages passionnant. Le tout sans publicité. « Kometa » signifie « comète » dans une dizaine de langues dont le Russe, l’Ukrainien, le Tchèque, le Tatar… Selon la rédactrice en chef, Léna Mauger  , « Kometa » ne regarde pas cet astre aveuglant mais ce qu’il éclaire… Nous le réalisons aujourd’hui : l’Europe de l’Est est une part de nous-mêmes. « L’Est profond », suivant les termes utilisés dans sa contribution par le critique musical Mishka Assayas. Son avenir est notre avenir.

Le numéro 1 de « Kometa » est intitulé « Impérialisme ». Dans l’histoire de l’empire russe, l’Ukraine occupe une place singulière (de même que la Biélorussie). Le numéro tourne autour de l’invasion de l’Ukraine en se donnant une certaine hauteur de vue. La photo du jeune soldat russe figurant sur la couverture en offre une image frappante. Nous ne connaissons pas son nom. Nous ne savons pas ce qu’il est devenu. Ce numéro est paru avant la mort d’Alexeï Navalny. Un article cite son appel : « Dans les lettres, on me parle souvent de répression, d’idées sombres… Un peu de nerf ! Si vous êtes vivants… videz votre verre de latté citrouille (la boisson favorite des bobos russes) et faites quelque chose pour qu’advienne le jour où la Russie sera libre ». L’article est consacré à une coïncidence : un ouvrier de Vologda, à 150 km de Moscou a créé une radio contre la guerre, parallèlement un écrivain a écrit sans le connaître un roman relatant la même histoire.

Illustration 3
Manuscrit de Tachons au moins de rester humains Source Kometa

Plusieurs récits et témoignages évoquent les drames vécus : un soldat russe dort dans ma maison, le pillage du manoir d’un procureur ukrainien pro Poutine, le cri d’une lycéenne hongroise, « Tachons au moins de rester humains » : un texte de Alexeï Gorinov, le premier Russe à être emprisonné pour opposition à la guerre,   les photos des groupes paramilitaires de jeunes de 7 à 17 ans, le réseau social « Prions pour nos guerriers » (40.000 membres), les cartes géographiques chantant la « rodina » (terre natale russe) s’étendant des contrées polaires aux mers du Sud…

La rencontre avec l’historien et philosophe camerounais Achille Mbembe permet d’éviter un certain européocentrisme : « Vu d’Afrique ce n’est pas une guerre contre l’Occident, mais une guerre civile européenne. L’Europe est une mosaïque. Qu’on le veuille ou non, la Russie en fait partie… Sauf à procéder à une ablation et à transporter la Russie en Antarctique, les Russes seront toujours les voisins des Ukrainiens. Les uns et les autres sont condamnés à trouver le moyen de vivre paisiblement dans le voisinage des uns et des autres, chacun chez soi».

Illustration 4
Emmanuel Carrère

C’est aussi, d’une certaine façon, le constat désabusé d’Emmanuel Carrère dans un texte passionnant de plus de trente pages : « Un roman géorgien ». L’auteur de « Un roman russe », de « Limonov » et de nombreux autres romans et récits compte des ancêtres russes et géorgiens dans son arbres généalogique dont sa mère Hélène Carrère d’Encausse, éminente spécialiste de la Russie. Sa cousine Salomé Zourabichvili est devenue présidente de la Géorgie (et par ailleurs autrice du Que sais-je consacré à ce pays). Ce qui nous vaut un portrait à la fois empathique et sans concession de ce petit pays du Caucase trop peu connu, encore moins que l’Arménie à laquelle nous avons consacré un article récent.

Illustration 5

Le numéro 2 de « Kometa » vient de paraître. Il est disponible en kiosque. Son site est riche et permet de s’abonner à une lettre d’informations. 

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