Charles Conte (avatar)

Charles Conte

Abonné·e de Mediapart

Billet publié dans

Édition

Les Cercles Condorcet

Suivi par 56 abonnés

Billet de blog 27 juin 2025

Charles Conte (avatar)

Charles Conte

Chargé de mission à la Ligue de l'enseignement

Abonné·e de Mediapart

Sur la situation des enfants d’immigrés maghrébins en France

Stéphane Beaud, sociologue, professeur émérite à Sciences Po Lille, propose quelques réflexions sur un sujet qu'il suit de longue date: la situation en longue période des enfants d’immigrés maghrébins en France.

Charles Conte (avatar)

Charles Conte

Chargé de mission à la Ligue de l'enseignement

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Illustration 1

Stéphane Beaud précise que ce texte, rédigé à la demande (amicale) d’Hervé Adami, se veut une sorte de bilan personnel de nos travaux effectués depuis longtemps sur ce sujet, commencés à l’occasion de notre thèse de doctorat (L’usine, l’école et le quartier. Itinéraires scolaires et professionnels des enfants d’ouvriers de la région de Sochaux-Montbéliard, l’EHESS, 1995) et achevés avec l’enquête et le livre "La France des Belhoumi. Portraits de famille (1977-2017)", La Découverte, 2018. Il n’a, bien sûr, pas pour ambition de résumer l’ensemble de la littérature sur ce thème, qui est d’ores et déjà considérable, depuis trente ans (on renvoie ici le lecteur intéressé à la claire synthèse d’Emmanuelle Santelli, "Les descendants d’immigrés", La Découverte, coll. Repères, 2016). Stéphane Beaud et Gérard Noiriel sont les auteurs de "Race et sciences sociales. Essai sur les usages public d’une catégorie" publié aux éditions Agone en 2021. Cet essai sur les usages publics d’une catégorie discutée est un apport décisif pour le débat public en général tout comme pour les mouvements d'éducation populaire

Stéphane Beaud a tenu à remercier vivement Insaf Aqira, Lia Hamandjian et Amel M’Harzi pour leurs commentaires avisés de ce texte.

Quelques réflexions sur la situation en longue période des enfants d’immigrés maghrébins en France, par Stéphane Beaud. 

Au début des années 1990, le sociologue Abdelmalek Sayad (1933-1998), auteur de travaux pionniers sur l’immigration algérienne en France, avait posé un diagnostic, très sûr et aiguisé, sur la situation très singulière dans laquelle se trouvaient placés structurellement les enfants d’immigrés maghrébins dans la société française - précisons qu’à l’époque, bon nombre d’entre eux n’avaient pas la nationalité française: 
« Ils [ces enfants d’immigrés] ne sont étrangers ni culturellement puisqu'ils sont des produits intégraux de la société et de ses mécanismes de reproduction et d'intégration, la langue (la langue dans laquelle on naît et qui n'est pas la langue maternelle au sens littéral), l'école et tous les autres processus sociaux ni nationalement puisqu'ils ont le plus souvent détenteurs de la nationalité du pays... "Mauvais" produits sans doute de la société française, aux yeux de certains, mais produits quand même de cette société. Sortes d'agents troubles, équivoques, ils brouillent les frontières de l'ordre national et, par conséquent, la valeur symbolique et la pertinence des critères qui fondent la hiérarchie de ces groupes et de leur classement ». (A. Sayad, La double absence. Des illusions de l'émigré aux souffrances de l'immigré, Paris, Seuil, 1999).

Trente ans plus tard, ce diagnostic garde toute son actualité et sans doute davantage encore, car la situation structurelle de porte-à-faux de ces enfants d’immigrés maghrébins, souvent dénommés au tout début dans la presse « jeunes d’origine immigrée» (1) est en quelque sorte aggravée ou consolidée, d’une part, par la montée en puissance électorale du FN/RN (concurrencé et titillé sur sa droite par Reconquête, le Parti d’Eric Zemmour) et sa forte institutionnalisation politique (comme le montre sa place désormais acquise à l’Assemblée nationale avec 123 députés RN élus, en juin 2024, au scrutin majoritaire à deux tours) et, d’autre part, par la plus large diffusion ces dernières années dans l’espace public français d’une idéologie ouvertement xénophobe... 

(1)  Pour une analyse critique de l'expression « jeunes d’origine immigrée», voir l'article de Gérard Noiriel, « Les ‘jeunes 'd'origine immigrée' n'existent pas », in B. Lorreyte (dir.), Les Politiques d'intégration des jeunes issus de l'immigration, Paris, L'Harmattan, 1989.

Article intégral:

Quelques réflexions sur la situation en longue période des enfants d’immigrés maghrébins en France, par Stéphane Beaud. Article intégral. (pdf, 400.0 kB)

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.