Utopia a soumis sa liste de questions sur le devenir de l'Europe à plusieurs responsables politiques. Après ses propres réponses, celle de Raoul Marc Jeannar (NPA), de Daniel Cohn-Bendit (Europe Ecologie) et de Jean-Christophe Cambadélis, voici celle du Parti de gauche.
Quelles sont les lois sociales qui doivent s'imposer aux citoyens européens ? Celles de leur pays d'origine ou celles de leur pays d'accueil ?
Bien évidemment celles du pays d'accueil.
Mais plus largement concernant la question sociale, nous devons revendiquer de nouveaux droits.
Au niveau de chaque nation comme sur le plan européen, tous les instruments disponibles doivent être mis prioritairement au service de l'emploi, de sa qualité et de sa sécurisation, de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et de l'éradication de la précarité; au service de la promotion des capacités humaines: formation, éducation, santé, culture, recherche, logement, salaire décent, conditions de travail humaines, retraites dignes. Cela vaut tout particulièrement pour les moyens financiers et les pouvoirs d'intervention dont doivent disposer les citoyennes et les citoyens, les salariées et les salariés dans l'entreprise, sans lesquels ces priorités resteraient des vœux pieux. Une logique de gauche doit viser à impulser un autre type de production alliant développement humain, social et écologique ce qui implique notamment une mise en œuvre des fonctions d'anticipation, de prévision et de programmation de la puissance publique indissociables de pratiques démocratiques, citoyennes et populaires. Cela implique, surtout dans la phase actuelle, la maîtrise du crédit pour orienter la gestion des entreprises dans le sens de ces nouvelles priorités, et ce depuis les régions jusqu'à la BCE. Elle doit également tendre vers une maîtrise publique du système bancaire pour parvenir à une politique européenne coordonnée en matière monétaire qui mette au centre de la construction européenne une stratégie de l'emploi et de lutte contre le chômage.
A cette fin la BCE doit être transformée dans ses missions pour être mise au service des populations et soumise à un contrôle démocratique. Ce qui nécessite aussi, au niveau des Etats un processus de réappropriation publique des systèmes bancaires et de crédit.
Face à la crise il faut mettre en œuvre un vrai bouclier social au plan européen. Celui-ci doit notamment permettre de s'opposer aux plans de licenciements comme aux délocalisations, d'augmenter les salaires les minimas sociaux et les pensions.
Quelle doit être la position de l'Union Européenne concernant la durée légale du travail ?
En 2008, Le Conseil de l'UE, c'est à dire les représentants des gouvernements nationaux, s'est fait le vecteur de la directive sur le temps de travail qui permettait à tout État qui le souhaite de faire travailler les salariés jusqu'à 65 heures. Cela reviendrait à généraliser la clause de « l'opt out ». Cette clause avait été imposée en 1993, dans une précédente directive européenne sur le temps de travail à la demande de l'Angleterre. Elle ne devait être adoptée qu'à titre « provisoire »... depuis plus de 15 ans maintenant... Aujourd'hui en Angleterre, plus de 20% des travailleurs britanniques travaillent plus de 48 heures par semaine.
Les libéraux veulent également retirer le « temps de garde » (pour les professions soumises à des astreintes, comme les professions médicales, les pompiers...) du temps de travail effectivement décompté.
En 2007, l'élection de Nicolas Sarkozy et de Silvio Berlusconi a permis de dépasser «la minorité de blocage » qui jusqu'alors empêchait l'adoption de la directive. La Commission européenne, y compris son commissaire PSE aux affaires sociales, avait soutenu comme un seul homme le projet.
Mais, du fait de mobilisation des syndicats à l'échelle européenne en lien avec les députés du groupe de la GUE, une large majorité du Parlement européen en a finalement décidé autrement.
Il y a 90 ans l'OIT avait instauré le temps de travail hebdomadaire maximum à 48 heures. La revendication de la réduction du temps de travail depuis la fin du 19 ème siècle avec la journée de 8 heures est au coeur des luttes et du mouvement ouvrier et du conflit entre le Capital et le Travail. C'est une question de projet de société qui se pose là. Les vies humaines ne doivent pas être réduites au temps passé à gagner son salaire. La bataille pour le temps libre est une bataille centrale. Les patrons à l'échelle européenne veulent reposer des conditions de su exploitation et de mise en concurrence des salariés qui reviennent à démanteler 150 ans de lutte du mouvement ouvrier.
Les libéraux de l'UE n'ont pas abandonné la perspective d'imposer cette directive. La présidence Tchèque de l'UE s'est fixé comme priorité de développer la flexibilité et la mobilité du marché du travail. Elle travaille à imposer en urgence avant les élections européennes de juin 2009 une nouvelle mouture de la directive de temps de travail qui instaurerait la généralisation de l'opt out et la fin du décompte du temps de garde comme temps de travail. Cela doit être un point à l'ordre du jour du Parlement Européen en mai 2009. L'empressement des libéraux à imposer ces mesures avant le vote des citoyens de l'Europe témoigne, une fois encore, du caractère anti démocratique du fonctionnement actuelle des institutions européennes.
En cas de nouvel échec, la commission européenne n'abandonnerait pas son objectif et serait amené à faire une nouvelle proposition au Parement européen, après les élections européennes de juin 2009. Il est d'autant plus important que des députés européens qui s'opposent réellement à cette régression sociale soit élue en juin prochain et puisse renforcer la bataille en lien avec les organisations syndicales.
La politique de Sarkozy de libéralisation des heures supplémentaires, de remise en cause des 35 heures, avec la défiscalisation des heures supplémentaires, s'inscrit dans cette offensive. La volonté d'imposer le travail du dimanche que la droite n'a pas abandonné va dans le même sens. Cette politique aggrave les conséquences de la crise pour les classes populaires.
Quelle nouvelle politique agricole européenne ?
Les réformes de la PAC des années 90 et 2000 répondent aux logiques suivantes :
- Libéralisation totale des marchés agricoles, avec maintien d'aides totalement découplées de la production, diminuant progressivement au cours du temps, soumises cependant au respect de certaines conditions environnementales. Les outils de maîtrise des productions sont progressivement abandonnés (notamment fin des quotas laitiers prévue pour 2013). Substitution des mécanismes publics d'intervention sur les marchés par une aide à des systèmes d'assurances privées.
- L'intégration progressive d'aides spécifiques pour des territoires en difficulté, pour favoriser certaines pratiques agricoles respectueuses de l'environnement. C'est le « 2e pilier » de la PAC apparu en 2003.
Les conséquences sont inéluctables:
- La course à la productivité continue : spécialisation régionale en fonction des avantages comparatifs, agrandissement des exploitations agricoles et des niveaux de productivité, diminution du nombre d'exploitations.
- La diminution de l'emploi agricole se poursuit (alors que les besoins des autres secteurs d'activités, importants dans les années 60/70, ne justifient plus une telle diminution)
- Dans certains territoires, on assiste à une « désertification » réelle (du point de vue économique, démographique, de mise en valeur du territoire, des services publics).
- L'érosion de la « préférence communautaire » est effective
- La persistance des énormes inégalités de revenus dans le monde agricole
- Le modèle dit productiviste n'est fondamentalement pas remis en cause, même si certaines exigences environnementales relatives aux méthodes de production ont été introduites (« éco-conditionnalités »)
- La poursuite sous une forme déguisée du dumping sur les marchés mondiaux
Les orientations générales proposées par le Front de Gauche pour la PAC sont les suivantes:
- Une PAC au service d'une agriculture paysanne, créatrice d'emplois, produisant une alimentation de qualité pour tous, permettant un haut degré d'indépendance alimentaire de l'Europe, préservant l'environnement, n'entrant pas en concurrence avec les agricultures paysannes du Sud.
- Des agriculteurs donc mieux rémunérés et de façon moins inégalitaire.
- Un certain recentrage de l'agriculture sur son marché intérieur. En matière d'exportation, l'accent doit être mis sur les exportations de produits de qualité, ou alors de matières premières mais au moyen de mécanismes évitant le dumping.
Nous proposons les outils suivants pour y parvenir :
- Le maintien et renforcement des instruments de gestion des marchés, et encadrement des pratiques de la grande distribution, de façon à garantir des prix stables et rémunérateurs aux producteurs (en acceptant cependant que la totalité de la rémunération du travail agricole ne provienne pas des prix agricoles)
- La protection partielle du marché communautaire compatible avec la politique de gestion des marchés, pour les productions centrales du point de vue de l'indépendance de l'Europe ou du maintien d'activités dans certaines régions.
- La maîtrise des productions (maintien des quotas laitiers notamment) quand cela est nécessaire pour garantir des prix rémunérateurs, éviter les excédents ou toute pratique de dumping sur le marché mondial.
- Des aides directes au revenu agricole en fonction des objectifs suivants:
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- Soutien à l'emploi agricole, au titre des diverses fonctions sociales de l'agriculteur,
- Conditionnées à des cahiers des charges notamment en matière d'entretien du territoire
- Soutien ciblé à certaines productions (notamment protéïnes végétales)
- Soutien à l'agriculture en régions de faible de productivité,
- Soutien à l'agriculture biologique et aux démarches de qualité
- Soutien à certains investissements nécessaires à une évolution des techniques de production répondant à des impératifs écologiques
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Nous nous positionnons pour une PAC conforme à l'intérêt général:
Nous nous opposons à la logique de démantèlement de la PAC (dont 2013 doit être l'aboutissement),
Nous souhaitons une répartition plus égalitaire des soutiens publics.
L'UE doit reconnaître et défendre le droit à la souveraineté alimentaire au niveau international : stop à la politique de libéralisation impulsée par OMC, FMI, BM, mais aussi par l'Union Européenne dans le cadre des Accords de Partenariat Economique (APE) et autres accords de libre-échange.
Quelle doit être la position de l'Europe face aux OGM ?
Les risques liés aux OGM dans l'agroalimentaire sont nombreux et graves : Risque sanitaire (accumulation dans la chaîne alimentaire des pesticides et insecticides que sont les plantes OGM et dont la toxicité est reconnue). Risque environnemental (passage des modifications génétiques à la flore sauvage, apparition de résistances chez les insectes ou chez certaines plantes entraînant des déséquilibres aux conséquences inconnues.). Risque économique (atteinte de la valeur ou de l'existence même de certaines filières - bio par ex- à cause de la contamination inévitable en cas de coexistence de cultures OGM et non OGM ; main mise des semenciers sur le marché de la nourriture du monde). Enfin (ou peut-être d'abord) risque éthique (le brevetage du vivant.)
Les propositions du Front de Gauche sont les suivantes:
Par rapport au risque sanitaire et environnemental :
- Exiger une évaluation sanitaire sérieuse, indépendante et totalement transparente des OGM = revoir la directive européenne 2001/18
- Assurer l'indépendance effective des Agences européennes et nationales d'évaluation sanitaire.
- Mettre en place immédiatement un étiquetage de tous les produits contenant des OGM ou venant d'animaux nourris par des OGM.=revoir le règlement 1829/2003
- Maintenir en laboratoire recherche et expérimentation tant que l'innocuité n'a pas été prouvée.
- Etre cohérent: si l'on n'autorise pas une culture OGM sur notre sol, pourquoi l'autoriser à l'importation?
Par rapport au risque économique et éthique :
- Obtenir l'abandon du seuil de tolérance de 0,9 % pour qualifier un produit sans OGM (seuil non scientifique) afin d'assurer la possibilité de cultiver et de manger sans OGM.
- Revoir la transposition française de la directive 2001/18 sur les cultures plein champ pour les rendre impossibles de facto tant que l'innocuité n'a pas été prouvée.
- Affirmer la non brevetabilité du vivant = abroger la directive européenne 98/44
La Commission européenne détient un rôle clé ; au nom de la libre concurrence, elle ne cesse de vouloir autoriser davantage l'importation et la mise en culture d'OGM. Depuis l'été 2008, un groupe de fonctionnaires des états membres de l'UE travaillent « à l'amélioration » des procédures d'autorisation des OGM, c'est-à-dire en fait à une accélération de ces procédures et à une harmonisation avec les pratiques des Etats-Unis... Il est urgent d'agir avant qu'il ne soit trop tard!
Quelle politique énergétique en Europe ?
- Le modèle productiviste industriel, privé (capitalisme) ou d'Etat (ex bloc de l'Est) est le moteur de cette crise écologique mondiale. Le capitalisme, fondé sur la maximisation du profit individuel et à court terme, ignore l'intérêt général.
- Le colonialisme a sapé les bases industrielles des pays du Tiers-Monde. Le «développement» imposé après la deuxième guerre mondiale a renforcé cette tendance en la doublant d'un pillage des matières premières. Les pays du Tiers-Monde, ainsi que les classes les moins favorisées du Premier monde, subissent de plein fouet la crise écologique - inondations, sécheresse, renchérissement des produits alimentaires - et capitaliste - guerres pour les matières premières, démantèlement des Etats au nom du libéralisme, disparition des tissus agricoles et artisanaux. Quant aux atteintes à la biodiversité, elles affectent la planète toute entière.
- Si chacun vivait comme un Européen moyen, il nous faudrait consommer trois planètes : la croissance infinie et la société de consommation pour tous sont des mensonges.
- La gauche a longtemps traité la question environnementale à part. Aujourd'hui, elle est au coeur de l'impasse provoquée par le système capitaliste. La crise actuelle, fondée sur l'idéologie d'une consommation à crédit toujours supérieure, l'illustre brutalement. Pour la gauche, le lien entre crise capitaliste, crise sociale et crise environnementale est une révolution copernicienne qu'il nous faut assumer.
- Cette double crise appelle des changements profonds de nos systèmes économiques et sociaux. Ils se produiront de facto au cours du siècle. Autant de chocs à prévenir en réduisant les inégalités et en socialisant les richesses, maintenant.
Les propositions du Front de Gauche
Le Front de Gauche propose des chantiers sur les grands thèmes de nos modes de vie :
- Alimentation et santé : réorientation des aides de la PAC en faveur d'une agriculture biologique. Souveraineté alimentaire de nos pays comme de celle de nos partenaires. Moratoire sur les OGM. Interdiction des pesticides à risques. Raccourcissement des circuits producteurs-consommateurs. Préservation des espaces naturels.
- Logement : réhabilitation des logements. Urbanisme logement/transport/travail intégré et de proximité.
- Transports : disparition des aides structurelles européennes aux infrastructures routières ou aéroportuaires, au profit du rail, des voies fluviales et des modes doux. Surtaxation du transport routier et des routes aériennes courtes.
- Travail : renforcement de la directive REACH de "lutte" contre les composés chimiques toxiques. Pour une harmonisation sociale et fiscalecontre le dumping au sein de l'UE
- Consommation : surtaxation de la publicité, moteur idéologique de l'hyperconsommation. Priorité aux économies d'énergies et des énergies renouvelables. Nationalisation des services publics, de l'eau notamment.
- Nucléaire: Nous reconnaissons qu'un débat existe dans la société, dans le mouvement ouvrier sur la question du nucléaire. Ce débat existe également au sein du Front de Gauche entre la suppression progressive du nucléaire ou le maintien d'un nucléaire sécurisé et public. Un débat national sur la politique énergétique et le nucléaire devra être conduit, de l'information jusqu'à la décision à l'issue d'un référendum populaire. Un contrôle indépendant et citoyen doit permettre d'assurer la transparence du dossier.
- Le Front de gauche s'engage aussi à remettre en cause le modèle de l'UE qui scelle les orientations néolibérales et la sacro-sainte règle de la «concurrence libre et non-faussée» dans tous les secteurs.
- Il s'élève contre les crédits carbone, par lesquels les pays riches achètent des quotas d'air pur aux pays pauvres, quotas eux-mêmes jouets d'une nouvelle spéculation boursière.
- Il est en faveur d'un abandon des traités de libre échange imposés aux pays
du sud, qui fragilisent leurs économies et détruisent leurs sociétés et
leurs Etats, que ce soit en Afrique, en Amérique Latine ou en Asie - Il défend un relèvement de l'ambition du "paquet énergie climat" (horizon 2020) :
- Priorité aux économies d'énergie, avec baisse du niveau absolu des consommations (-20% par rapport au niveau 2007, et non par rapport au niveau tendanciel projeté en 2020).
- - 30% (et non -20%) d'émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990, sans dérogations pour certains secteurs.
- Maintien des objectifs d'énergies renouvelables (20%), avec de très fortes pénalités pour les pays en cas de non atteinte.
- Fixation d'objectifs au delà de 2020, EN visant une réduction de 90% des émissions en 2050.
Quelle méthode pour parvenir à une modification des institutions européennes qui reçoive l'adhésion des Européens ?
Quelles institutions pour l'Europe ?
Quelle stratégie de la part de la Gauche pour construire une autre Europe
S'élève chaque jour plus, l'exigence démocratique, l'exigence de souveraineté vis-à-vis de l'ensemble des institutions européennes.
Le sommet du G 20 qui vient de se tenir à Londres, haut dans le verbe pour fustiger le capitalisme financier, bas dans les actes pour décider d'un autre type de développement, est au paroxysme d'une société dont les peuples sont exclus. Cette organisation de la société est dépassée, obsolète. Elle doit faire place à une société de vivre ensemble, dans laquelle les citoyennes et les citoyens prennent leur devenir en main.
Ainsi si le Parlement européen est la seule institution européenne démocratique puisque élue au suffrage universel des peuples de l'Union européenne, il est indispensable d'envisager un bond en avant dans sa démocratisation et dans celle de toutes les institutions.
Bien sûr au cours des années, le Parlement européen a acquis de plus en plus de pouvoir : pouvoir de co-législateur à égalité avec le Conseil, pouvoir de censure de la Commission, pouvoir budgétaire, pouvoir d'enquête.
Il l'a montré parfois de manière positive en refusant de cautionner la volonté des gouvernements de rehausser les relations UE-Israël, en bloquant le projet de directive de déréglementation de la durée hebdomadaire maximale du temps de Travail à 48h et rejetant la directive portuaire.
Plus 80% des lois votées par le Parlement français sont des transpositions de lois adoptées par le Parlement européen.
Le patronat européen ne s'y trompe pas et entretient une armée de lobbyistes pour influencer le Parlement. Ce n'est pas pour rien, s'il y a une banalisation de l'abstention par les puissants de l'Union européenne.
Ils craignent par-dessus tout que les peuples européens se mêlent de leurs affaires. Les résultats des différents référendums sur les Traités européens leur donnent raison d'avoir peur. Leurs pouvoirs sur l'Union européenne s'arrêtent aux bornes de l'implication des citoyens européens dans leurs propres affaires.
Ainsi dire et laisser dire que le Parlement européen ne sert à rien est une contre vérité alimentée par les tenants actuels du pouvoir pour continuer dans la voie du libéralisme.
Il s'agit souvent d'une méconnaissance des conditions des batailles politiques européennes en général, et des prérogatives acquises au fil des quinze dernières années par le Parlement de Strasbourg en particulier. Notamment en matière de "codécision". Ainsi, dans nombre de domaines, particulièrement ceux liés au marché intérieur européen, la Commission européenne propose des projets de directives ou de règlements, mais ce sont le Parlement européen et le Conseil (qui représente les 27 gouvernements) qui les adoptent, les amendent ou les rejettent. Et si ces deux institutions n'arrivent pas à s'entendre sur un texte identique à la virgule près, la directive ou le règlement ne peut entrer en vigueur.
Dans de nombreux cas, le Parlement a donc parfaitement les moyens de bloquer ou de rendre caduc un projet de la Commission.
Bien souvent, l'on se retrouve, hélas, dans une situation différente: l'amendement de rejet du projet de la Commission que présente presque systématiquement le groupe de la "Gauche unitaire européenne - Gauche verte nordique" (GUE - NGL) n'obtient qu'une centaine de voix, la majorité des élus - PSE compris - préférant modifier le texte sans toucher au fond.
Ce fut le cas de la "Directive Bolkestein": la majorité s'est contenté d'en réduire le champ d'application en laissant croire, à tort, que tout le danger était dès lors écarté en ce qui concerne les domaines laissés en dehors de la directive: santé, services sociaux d'intérêt général... Le rejet complet d'un texte aussi emblématique aurait, à l'inverse, rendu politiquement beaucoup plus difficile pour la Commission européenne le fait de revenir à la charge sur ces points Ce qu'elle a déjà commencé à faire.
Le problème n'est donc pas l'absence de pouvoirs du Parlement, mais le trop faible nombre de députés prêts à rompre, par leur action et par leurs votes, avec la logique libérale. Aussi, proclamer que "le Parlement européen ne sert à rien", cela sonne "de gauche", mais aide la droite... et ses alliés. Pendant ce temps, les directives passent et sont tranquillement transposées en droit national dans chaque pays membre.
Deux questions méritent d'être clarifiées à ce propos :
La première est celle d'une apparente contradiction: si les traités les plus récents ont renforcé les prérogatives du Parlement européen, pourquoi les avons-nous combattus ? C'est que ces mêmes traités ont surtout intégré et codifié un modèle économique libéral - avec des règles contraignantes pour tout Etat qui l'a signé et ratifié. Par conséquent, une "autre Europe" exige un autre traité. C'est fondamental. Mais cela n'efface pas la possibilité - et le devoir pour la gauche - d'user des prérogatives nouvelles de ce Parlement pour contrer ces règles, empêcher autant que possible qu'elles soient traduites en directives, et nourrir la crise de légitimité du modèle actuel pour faire murir les conditions d'une alternative.
L'autre question à clarifier est celle de l'articulation entre ce type d'action parlementaire et les mouvements sociaux. Sans appui sur les luttes sociales, le mouvement associatif, les réseaux citoyens, les élus locaux..., un groupe GUE aurait été
Très tôt le Front de Gauche avait alerté sur les atteintes graves au principe de laïcité que recouvrait cet accord. Les étudiants titulaires d'un diplôme délivré par les établissements d'enseignement supérieur catholique reconnus par le Saint-Siège peuvent désormais obtenir une reconnaissance directe de leur grade à l'Université afin d'y poursuivre leurs études alors que jusqu'à présent prédominait en France le principe du monopole d'Etat en ce qui concerne la collation des grades universitaires, réservé aux seules universités publiques. Non content d'ouvrir à l'enseignement catholique les portes de l'Ecole publique et de ses diplômes, cet accord permet aussi « par transitivité » la reconnaissance de l'ensemble des diplômes de l'enseignement supérieur privé à égalité avec ceux du public au nom de « la concurrence libre et non faussée ».
Devant ces contre-réformes induites par des logiques à la fois religieuses et mercantiles, il est temps de réaffirmer notre attachement à une laïcité étendue en Europe comme en France et d'œuvrer à sa promotion comme le font de manière très concrète les parlementaires du Front de Gauche.