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C’est une équipe de tournage ; ils font un docu-fiction, pour la 2, sur le thème de l’Inquisition. La base logistique est à Avignon, et ils ont rayonné depuis mars dans la région ; ils ont même été dans une abbaye troglodyte, superbe. Et aujourd’hui, c’est fini. Demain, on repart sur Paris avec tout le matos à 9h du mat.
Les envies, le matin ?... Franchement, la première, tu vois, c’est...
Bon !...
Après les toilettes, ou même pendant, l’envie qui me vient la première en tête et qui me trotte la journée entière, c’est que ce soit enfin le jour. Sans blaguer. Qu’enfin, aujourd’hui ce soit le bon jour, le jour où on se rencontrera, elle et moi. À 33 balais, j’en rêve encore. Celle avec qui les choses se feront. Après, bien sûr, je fais ce que j’ai à faire, mes autres envies, c’est de bien faire mon boulot, qu’on me le laisse faire et ne pas déranger les autres autour ; je suis aux cuisines, et je sais bien bricoler ; la mécanique c’est mon rayon. Mais, sérieux, ce que je veux le plus c’est quelqu’une à qui me donner à plein, et qui aimerait bien se donner un peu pour moi.
Les colères ?... Franchement, je n’en ai pas. Tant que j’ai du travail et que les journées ne se ressemblent pas, que je vois du pays et des gens intéressants, bref ! tant que l'équipe est contente de moi, la vie est belle. Il me manque seulement, je te l’ai dit, une avec qui partager tout ça. C’est vrai qu’on pourrait presque avoir la rage de pas être pire qu’un autre et se retrouver pourtant seul tous les soirs.
L’intérêt que j’ai ?... Je ne sais pas trop. Avoir de la tune. Normal. L’argent que je gagne, je ne l’ai pas volé. Je ne suis pas un fainéant. Je n’ai pas fait de hautes études, mais je ne suis pas resté en bas. J’aime bien l’histoire. Celle de l’Inquisition, avec tout ce qui s’est passé, faut pas croire, y’a des systèmes qui durent encore. On ne brûle plus sur la place publique, mais il y a les tweeters, et ça circule à très grande échelle, la pendaison d’un Saddam Hussein, ou la fête à la mort de Ben Laden... Mon intérêt, notre intérêt, à tous, c’est d’apprendre à se méfier : parce qu’à grande échelle, les foules marchent à l’émotion. Ça fait peur, un peu, ça, l’intolérance. Dans l’équipe où je travaille, on fait des films comme Le Nom de la rose pour avertir que, même si nous avons changé les techniques, au fond, les motivations restent les mêmes ; et elles ne sont pas très belles, il faut s’en protéger, sinon gare !... En informant, on permet d’éviter le pire, on accélère la tolérance.
Jean-Jacques M’µ