Elle regarde les gens passer et les salue ; ça l’amuse de voir les gens passer, ça fait passer le temps ; il y en a pour tous les goûts ; des fois on se demande un peu, et puis que voulez-vous ? c’est comme ça, on ne refait pas le monde. Elle veut bien parler et se faire prendre en photo, mais comment avoir l’article ?... À 83 ans, on en a vu des choses, surtout quand on a perdu son père à 10 ans. Ensuite, on entre au service des maisons. Femme de ménage. Partout, chez le particulier, dans les hôtels ou au domaine, à Clermont-Ferrand. Toute la carrière a été faite à Clermont-Ferrand, jusqu’à la retraite, il y a quinze ans.
Avignon, c'était bien, le soleil et tout ça, alors j’ai demandé à descendre m’installer. C’était ça, mon envie : venir ici. Bien sûr que je connaissais. Bon, le festival, c’est plus de gens ici, beaucoup d’agitation ; on ne peut pas marcher dans les rues, et quand ce n’est pas les gens, ce sont les voitures ; vous avez vu les feux d’artifice, vous ?... C’est simple : on ne peut pas bouger. On est bousculé de partout. C’est ça qui me mettrait en colère, voyez-vous ? cette impolitesse des gens qui croient qu’il faut une voiture pour aller vite. Et comment on se débrouillait sans voiture, dans le temps, alors ?... Mon intérêt ?... Je n’ai pas d’intérêt. Je suis fatiguée de parler, là, la gorge me gratte, je vais rentrer. On n’avait pas fini déjà ?... Bon... Vous n’oublierez pas mes photos ?...
Jean-Jacques M’µ
La photo a été supprimée après-coup, à la demande de l’intéressée, et remplacée par cette autre, de meilleure qualité, d’une inconnue... et libre de droits sous Creative commons.
Je pense à cette phrase de Simone de Beauvoir : « Dans l'espace surnaturel flottaient, invisibles, impalpables, des myriades de petites âmes qui attendaient de s'incarner. » (Mémoires d’une jeune fille rangée, 1958, p. 51)