Jean-Luc Bennhamias (vice-président du MoDem), Mathieu Cuip (membre des Jeunes démocrates) et Christophe Madrolle (secrétaire général adjoint du MoDem) dénoncent le caractère «simpliste» des propositions du FN.
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    On a beau nous faire croire que la crise est derrière nous, les Français sont inquiets. Inquiets pour leur emploi, leur niveau de vie, leur avenir et celui de leurs enfants. Ils ont aussi un fort sentiment d'altération de leur identité nationale. Ces dernières semaines, c'est encore avec inquiétude qu'ils ont observé, médusés, des changements historiques se dérouler dans le monde arabe. La multiplication des affaires au coeur même du pouvoir a exacerbé le rejet du politique, fréquemment traduit par le slogan «tous pourris». Le récent report du procès Chirac, abonde dans ce sens.
A l'époque, 2002 compris, le vote Front National voulait surtout exprimer un ras-le-bol et sonnait comme un avertissement aux partis traditionnels. On le qualifiait alors de vote sanction ou de vote défouloir, principalement exprimé lors des scrutins intermédiaires: élections régionales, européennes, etc.
Mais depuis, entre mondialisation et crise économique, le monde s'est complexifié. La vie politique n'y a pas échappé et les partis qui rejettent le populisme doivent en tirer les enseignements. Une atténuation des clivages traditionnels Gauche-Droite s'est produite et les idéologies inamovibles du XXème siècle ont vécu: communisme, socialisme, libéralisme. Même la solide frontière entre droite républicaine et droite populiste semble aujourd'hui avoir disparu. Les récents propos de Chantal Brunel ou de Claude Guéant, participent à cette entreprise, soulignant par ailleurs l'échec total de la politique de Nicolas Sarkozy sur les thématiques traditionnelles du Front National.
La perte de ces repères politiques a comme déboussolé les électeurs. Plus que cela même. Ils ont eu le sentiment qu'on leur confisquait une partie de leur citoyenneté par la perte d'un droit fondamental à l'action politique.
Le FN entretient depuis toujours un rapport compliqué avec l'électorat français. Dans les années 80, le Front National de Jean-Marie Le Pen était qualifié de «peste brune» par certains médias et représentait surtout aux yeux de l'opinion publique un vote honteux et inavouable. Changement d'époque, et changement de ton. La «vague bleue Marine», le nouvel élément marketing du FN, doit apporter la fraîcheur exaltante du grand air marin.
Mais il ne faut pas s'y tromper, la fille n'a rien renié du père. Le discours du Front National reste démagogique et s'assimile toujours plus à un agrégat de slogans simplistes et racoleurs. A ce titre, Marine Le Pen n'est que l'héritière de Nicolas Sarkozy qui, en 2007 avait souhaité «simplifier» le discours politique en menant une campagne basée sur quelques slogans: la France qui se lève tôt et qui travaille dur, travailler plus pour gagner plus, etc...
Certes, le Front National pose des questions sur lesquelles tout un chacun peut légitimement s'interroger. En apportant des solutions si simplistes, le FN donne à une partie de l'électorat, le sentiment d'avoir à nouveau prise sur l'action politique et de se réapproprier à travers son vote, un rôle de décideur.
Historiquement, on connaissait les partis de masse, de cadres ou de notables. Le Front National inaugure une nouvelle forme politique: le parti de libre-service. Tel un distributeur automatique de promesses, sur au moins une de ses interrogations l'électeur obtient en écho à sa voix, une réponse facile du «distributeur» Front National: La vie chère? La faute à l'euro!... Donc, sortons de l'euro! Le chômage? La faute aux immigrés... donc, chassons-les! Le trou de la CAF et de la Sécu? Les sans-papiers... donc, expulsons-les! Simpliste? Certes, mais dans le contexte actuel une proposition de ce genre développée par le FN, aussi légère et incohérente soit-elle, suffira à notre électeur déboussolé pour lui faire glisser un bulletin à la flamme tricolore dans l'urne.
Le vote FN, jadis défouloir et sanction, s'est donc en partie mué aujourd'hui en un vote d'adhésion, ciblé, mais en toute conscience.
Dans un monde en plein changement le Front National, comme ses pairs en Europe, évolue et se transforme aux yeux de nos compatriotes en un parti d'alternative aux formations traditionnelles.
Il est temps, et de notre devoir de démocrates, humanistes, progressistes et écologistes de tracer une voie nouvelle et de démontrer l'aspect fumeux des «propositions» du Front National. Il nous faudra reconstruire une pensée politique qui prendra en compte le besoin croissant de protection face aux enjeux colossaux que sont la crise économique, la mondialisation, le défi environnemental et énergétique ou encore, l'éducation de nos enfants. De plus, et à juste titre, nos concitoyens ne supportent plus le soupçon permanent de corruption de la classe politique, entretenu par les récentes affaires. Le politique se doit d'être irréprochable et un responsable politique pris la main dans «le pot de confiture» ne peut avoir de seconde chance.
Morale du politique, et éthique de la Presse. En deux décennies, le temps de l'information a changé et aujourd'hui, un large public zappe entre la rubrique sport et la chronique faits divers. Les médias ont une responsabilité majeure dans la transmission de l'information. Et la tentation de l'audimat ne doit pas tout justifier. L'invitation de Marine Le Pen sur une antenne communautaire qui avait historiquement choisi de ne pas recevoir le FN, comme le débat organisé entre Jean-Luc Mélenchon et Madame Le Pen, participe à l'entreprise de dédiabolisation du Front National.
Notre Démocratie est malade. Il est de notre responsabilité collective de redéfinir notre positionnement politique basé sur des Valeurs et non sur des postures, ainsi que de recréer des clivages politiques là où il y en a besoin, afin que les Français retrouvent une existence politique.
 
                 
             
            