Billet de blog 2 avril 2015

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L’Union européenne : l’avenir du Proche-Orient ?

« Et si la solution à deux Etats était effectivement une impasse ? », Pierre Haroche, Docteur en Science politique, enseignant en Relations internationales à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne, repose cette question centrale qui donne un nouvel élan au débat.

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« Et si la solution à deux Etats était effectivement une impasse ? », Pierre Haroche, Docteur en Science politique, enseignant en Relations internationales à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne, repose cette question centrale qui donne un nouvel élan au débat.


La déclaration inattendue de Benyamin Nétanyahou rejetant une solution à deux Etats, puis sa victoire électorale presque aussi inattendue ont eu au moins le mérite de relancer le débat sur une question cruciale : et si la solution à deux Etats était effectivement une impasse ?

Certes, le Premier ministre israélien est revenu en partie sur ses propos, notamment pour apaiser Washington. La communauté internationale continue en effet à envisager la solution à deux Etats comme le seul horizon du conflit.

Mais sur le terrain, il faut reconnaître que cette perspective semble de plus en plus irréaliste du fait de la progression de la colonisation. En Cisjordanie, où 2,7 millions de Palestiniens côtoient un demi-million d’Israéliens, les deux populations sont totalement imbriquées sur un territoire plus petit que la Seine-et-Marne. Plus généralement, les Palestiniens sont totalement dépendants des Israéliens d’un point de vue économique et les Israéliens convaincus que leur sécurité passe par le contrôle militaire des territoires occupés.

Une autre option existe : un seul Etat où Juifs et Arabes vivraient côte à côte. Mais comme l’a récemment résumé l’éditorialiste du New York Times Thomas Friedman, une solution à un seul Etat impliquerait soit qu’Israël renonce à son identité juive et compte à terme une majorité de citoyens arabes, soit qu’Israël renonce à son identité démocratique et instaure une citoyenneté à deux vitesses sur le modèle de l’Apartheid sud-africain. Aucune de ces deux perspectives n’est attrayante pour les Israéliens.

Il est cependant envisageable d’échapper à ce dilemme en optant pour une troisième option: la voie supranationale. L’histoire de la réconciliation Franco-Allemande nous en offre un exemple. En 1950, les Français occupaient l’Allemagne en tant que vainqueurs et leur principal souci était sécuritaire : ils souhaitaient plus que tout garder un contrôle sur la Ruhr, principale région industrielle allemande, afin de se prémunir contre la renaissance d’une Allemagne puissante. Du côté allemand, la principale revendication était l’égalité des droits avec les autres nations : il s’agissait de s’émanciper du système discriminatoire mis en place en 1945 qui les plaçait sous la tutelle des puissances occupantes.

A première vue, les objectifs français et allemands semblaient totalement irréconciliables. Pourtant, le plan Schuman présenté le 9 mai 1950 parvint à résoudre la quadrature du cercle. En proposant de placer les productions françaises et allemandes de charbon et d’acier sous le contrôle d’une Haute Autorité supranationale, il répondait à la fois au souci français de conserver un droit de regard sur ce qui se passait en Allemagne, tout en satisfaisant l’exigence allemande d’égalité des droits. Ce fut sur la base de ce compromis que fut échafaudée la construction européenne.

Au Proche-Orient aussi, les solutions institutionnelles possibles ne se résument pas à l’alternative entre un ou deux Etats. La voie intermédiaire serait ainsi deux Etats acceptant de mettre en commun des points clefs de leur souveraineté. On pourrait par exemple imaginer qu’en Cisjordanie, la sécurité soit assurée par un corps de police israélo-palestinien et la justice par une magistrature mixte, le tout placé sous le contrôle d’une Autorité supranationale paritaire, sur le modèle de la Commission européenne.

Cette solution répondrait au souci israélien de garder un certain contrôle en Cisjordanie tout en mettant fin à l’occupation et en reconnaissant les droits des Palestiniens. Pour les Israéliens, elle pourrait apparaître comme la moins pire des solutions sur le long terme, par opposition à la création d’un Etat palestinien échappant à tout contrôle, ou à l’abandon du principe d’un Etat juif et démocratique. Et pour les Palestiniens, elle pourrait se révéler plus intéressante que la promesse toujours plus incertaine d’un Etat totalement souverain.

Enfin, cette solution aurait un parrain international tout trouvé : l’Union européenne. Trente-cinq ans après la déclaration de Venise par laquelle les Européens appelèrent à l’autodétermination du peuple palestinien, l’Union européenne peine toujours à peser sur la résolution du conflit, alors même qu’elle est le premier partenaire économique de la région.

En cessant de tout miser sur la solution à deux Etats et en proposant une solution supranationale, l’Union européenne pourrait capitaliser sur son expérience historique et se poser résolument en modèle d’avenir.

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