Billet de blog 2 mai 2012

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Le vote communautaire, un faux débat

« On sait, moyennant de nombreuses enquêtes empiriques, que l’appartenance réelle ou supposée à telle ou telle communauté de croyance ou de pensée n’induit absolument pas le même comportement électoral ou politique.» Par Haoues Seniguer, politologue, enseignant à l’IEP de Lyon.

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« On sait, moyennant de nombreuses enquêtes empiriques, que l’appartenance réelle ou supposée à telle ou telle communauté de croyance ou de pensée n’induit absolument pas le même comportement électoral ou politique.» Par Haoues Seniguer, politologue, enseignant à l’IEP de Lyon.


Il est beaucoup question, dans cet entre deux tours de l’élection présidentielle, du droit de vote des étrangers aux élections locales, auquel est favorable le candidat du Parti socialiste, François Hollande, et auquel s’oppose vigoureusement son adversaire UMP, Nicolas Sarkozy.

Que l’on soit d’accord ou non avec une telle proposition, il est en revanche permis de s’interroger plus avant sur les arguments avancés par la droite à propos des risques, réels ou supposés, de communautarisation du vote qu’entraînerait l’octroi de ce nouveau droit. Or, il nous semble hasardeux de parler ainsi de vote communautaire pour au moins deux raisons : d’une part, craindre ou supposer un vote communautaire, consiste, in fine, à attribuer arbitrairement aux étrangers auxquels le droit de vote serait accordé « une » communauté religieuse, ethnique ou tribale dans laquelle eux-mêmes ne se reconnaissent peut-être pas ou plus du tout. Avec un redoutable effet pervers corollaire, à savoir : le reproche de cultiver ou de nourrir ensuite, un communautarisme pourtant largement d’imputation. Et d’autre part, c’est, du point de vue anthropologique et sociologique, éminemment contestable dans la mesure où si communautés il y a, celles-ci sont essentiellement reconstruites et traversées par tellement de clivages, de lignes de fracture internes qu’il est proprement impossible de les unifier sous le même idiome culturel, ethnique ou religieux. Par ailleurs, l’on sait, moyennant de nombreuses enquêtes empiriques, que l’appartenance réelle ou supposée à telle ou telle communauté de croyance ou de pensée n’induit absolument pas le même comportement électoral ou politique. Soutenir le contraire confinerait au culturalisme et à l’essentialisme.

Si l’on devait prendre un seul exemple parmi une multitude d’autres, en référant notamment aux musulmans français ou de France, nous remarquerions, ne serait-ce qu’en surfant sur les différents sites communautaires de l’Hexagone, que les débats ont fait rage, dès avant le premier tour, pour savoir quel était le meilleur candidat à défendre les valeurs d’égalité et de lutte contre les discriminations dont ils seraient, selon eux, les victimes. Les arguments alors échangés étaient moins d’ordre religieux que profanes. Tous ne partageaient pas, de loin s’en faut, le même sentiment au sujet des différents candidats et des programmes. Contrairement à une idée fort répandue, à l’aune des différents échanges et enquêtes que nous avons pu conduire depuis des années, les musulmans de France ou Français musulmans sont loin d’être acquis au Parti socialiste. Les positionnements idéologiques sont tout sauf uniformes ou homogènes. François Hollande ne suscite pas nécessairement plus d’élan d’adhésion de leur part que Nicolas Sarkozy. S’ils ont cependant une inclination plus grande pour le premier, c’est moins en positif qu’en négatif.

Ainsi, si le débat sur l’opportunité ou non d’octroyer le droit de vote aux élections locales aux étrangers doit pouvoir être mené jusqu’au bout, rationnellement, il est une seule question à laquelle devraient tenter de répondre les politiques, c’est-à-dire : le droit de vote des étrangers peut-il être un chemin vers l’exercice de la citoyenneté, l’éveil d’un intérêt participatif pour les affaires de la cité permettant de renouer avec un « nous », avec la collectivité et contribuant à réduire, le cas échéant, la fracture réelle ou supposée entre les Français et les étrangers d’un côté, les élus et une catégorie de la population, d’un autre côté ?

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