Anne-Marie Ducroux, administratrice de l'organisation Transparence Internationale France, qui lutte contre la corruption, réagit aux mesures que l'Assemblée nationale doit adopter jeudi 2 juillet pour réglementer, dans son enceinte, les activités des groupes de pression. Elle pointe un sérieux manque d'ambition.

Pour éclairer des questions complexes, nouvelles, souvent traitées dans l'urgence, les expertises plurielles et contradictoires sont essentielles à la démocratie. Ainsi, il est plus nécessaire que jamais de garantir aux citoyens, au sein du Parlement, une écoute équilibrée des représentants d'intérêts économiques, sociaux et sociétaux, environnementaux et culturels.
Dans un contexte financier tendu, il importe également que le mandat confié par les électeurs et l'argent public alloué par chaque contribuable aux élus ne soient pas mis, l'un et l'autre, sans transparence, au service d'intérêts particuliers, mais bien au bénéfice de la vie commune. Ainsi, améliorer le cadre des échanges entre Parlement et acteurs, prévenir les dévoiements individuels d'un système démocratique collectif, les conflits d'intérêts, les mécanismes d'influence qui dérapent, les tentations de corruption, renforcer tout simplement la transparence autour de l'activité des parlementaires et des modalités de leurs prises de décisions, offre autant d'occasions de créer des conditions plus propices à la confiance des citoyens envers leurs élus et leurs institutions.
A travers « le lobby » sont souvent pointées des questions de sécurité d'accès, alors qu'il s'agit en fait de penser de manière contemporaine la nature des relations entre un système représentatif et des acteurs de la société du XXIe siècle. L'enjeu moderne d'un fonctionnement démocratique de qualité.
Au regard de cet enjeu, que l'Assemblée et le Sénat nomment la question, y réfléchissent, est nouveau. Que l'Assemblée se dote d'un premier dispositif avec registre, badges, code de conduite est utile et positif. Que l'Assemblée et le Sénat ne se dotent pas d'un dispositif commun laisse perplexe.
C'est pourquoi TI France renouvelle sa demande d'un dispositif partagé et cohérent entre assemblées, révisé au bout d'un an après consultation publique. Mais surtout TI France appelle à aller beaucoup plus loin, avec plus d'ambition politique, afin de prendre cette réforme à la hauteur de l'enjeu démocratique qu'elle représente.
Pour TI France, les mesures ne doivent pas viser les seuls lobbyistes, mais l'ensemble des relations entre lobbystes et acteurs du Parlement. Ceci devrait passer par «la mise en place de règles de transparence et de responsabilité qui seraient applicables aux représentants d'intérêt comme aux parlementaires, à leurs collaborateurs et aux personnels de l'Assemblée nationale», comme l'indiquait Bernard Accoyer lui-même dans un courrier à TI France en mars 2009.
L'Assemblée nationale et le Sénat peuvent librement régir -seuls- leur organisation propre ! Il serait paradoxal que les assemblées fassent l'économie de l'examen de modalités ou pratiques internes, pour finalement ne statuer que sur l'accès d'acteurs externes au Parlement.
Un débat avec les parlementaires et les acteurs, sur cette question qui traverse les différents groupes politiques, ne devrait pas être redouté. Nous avons pu le constater, beaucoup d'acteurs rencontrés -intérieurs et extérieurs au Parlement- comprennent la nécessité de trouver dans leurs relations les modalités de la confiance et de la transparence. Beaucoup partagent ainsi les préconisations de TI France. Beaucoup sont prêts à aller beaucoup plus loin !
Les parlementaires ont donc tout intérêt à accepter dans les assemblées une dynamique d'amélioration continue des règles de leur fonctionnement, à être modernes, clairvoyants, audacieux et moins timides politiquement.
• Pour retrouver les recommandations de Transparence International France, cliquez ici. En voici déjà quelques-unes:
- un registre des lobbyistes obligatoire, public, (...) sur lequel seraient indiqués au minimum leur nom, les intérêts qu'ils représentent, (...) les budgets mobilisés
- la publication, conjointe et obligatoire, par les représentants d'intérêts et les assemblées sur leurs sites internets, des positions communiquées aux parlementaires, lors de la préparation d'un débat et lors du débat
- l'interdiction d'accès au Parlement à toute personne (...) reconnue coupable de corruption...