Lynda Asmani, conseillère UMP de Paris, représentante de «la diversité» dans le parti présidentiel, ne digère pas son absence de la liste parisienne pour les élections régionales. A Dominique Paillé, porte-parole de l'UMP, qui estime qu'elle a déjà eu sa chance «plusieurs fois», elle répond dans Mediapart.
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Monsieur le Porte-parole Adjoint de l'UMP,
Monsieur le Conseiller du président de la République,
Cher Dominique,
J'ai été particulièrement choquée, pour ne pas dire écoeurée, des propos tenus à mon égard lors du conseil national de l'UMP, samedi 30 janvier, devant une journaliste de Mediapart (lire l'article).
En effet, ce jour-là, comme depuis de nombreuses semaines, la presse quotidienne écrite se faisait malheureusement, une fois de plus, l'écho de l'incapacité de notre mouvement à faire sa révolution culturelle. Nous sommes un certain nombre d'élus légitimes à avoir cru à l'intégration individuelle républicaine, et nous avons accepté d'être investis dans les circonscriptions les plus difficiles de France en 2007, pour porter le projet présidentiel.
Nous sommes des enfants de la République et des élus, non moins respectables que ceux auxquels la machine politique a toujours tout donné, juste parce qu'ils étaient bien nés...
Nous aimons notre pays et sommes profondément attachés à nos territoires, qui aujourd'hui ont besoin de reconnaissance, de visibilité et d'encouragement politique, compte tenu du changement de mode de scrutin en 2014.
Pour ma part, j'ai toujours accepté tous les combats les plus difficiles depuis dix ans, voyant souvent ceux et celles qui n'avaient jamais fait de campagne sur leur nom nommés au plus haut sommet de l'Etat, seulement en raison de leur origine.
C'est pourquoi je ne peux accepter que tu puisses sincèrement dire, toi qui es un républicain dont je connais les valeurs de laïcité et de fraternité, que « j'ai déjà eu ma chance plusieurs fois dans le passé, et qu'il fallait laisser la place aux autres... ».
Mais de quelle chance parles-tu au juste ? Celle d'avoir été (avec beaucoup de lucidité) de la chair à canon électorale pour contribuer au financement de l'UMP en 2007, tout en participant à l'affichage de circonstance d'une diversité qui sera profondément méprisée par la suite ?
Celle de ne jamais avoir eu l'accompagnement des instances locales de l'UMP, qui préfèrent conserver les quelques mairies de droite après la défaite historique de mars 2008 ?
Celle d'avoir été la tête de liste aux municipales dans un arrondissement où tous les pronostics donnaient la gauche victorieuse dès le premier tour ? D'avoir fait campagne seule avec une liste dissidente « non sanctionnée » par l'UMP (comme cela a été le cas dans d'autres arrondissements ou autres villes). D'avoir obtenu un siège considéré comme perdu ?
Celle d'avoir eu la naïveté de croire à la méritocratie réelle, celle de l'égalité des chances, celle de l'effort, du travail, de la constance et de la loyauté... décrite chaque jour par le Président de la République lui-même et particulièrement mise en avant lors de son grand discours de Polytechnique en décembre 2008?
La preuve par l'exemple est la volonté délibérée de ma propre fédération UMP, à Paris, de ne pas présenter ma candidature à la commission d'investiture. Pourtant, d'autres candidats n'avaient pas été tout de suite présentés, mais les instances nationales les ont imposés contre la volonté locale.
C'est pourquoi je ne comprends pas exactement ce que tu entends par « laisser la place aux autres », à moins que tu ne parles de collaboratrices de cabinet, accompagnées et protégées par des parlementaires, ministres ou autres personnalités nationales ? Sans doute est-ce cela la méritocratie du XXIe siècle à l'UMP ?
Ce qui me consterne par-dessus tout, c'est que vous puissiez faire ces choix éhontés en toute impunité, avec un tel mépris pour celles et ceux venus de milieux modestes qui n'ont d'autres parrainages dans la vie politique que leurs galons gagnés à la force du terrain électoral.
Tu as toi-même été candidat aux sénatoriales pour les Français de l'étranger après ta triste défaite aux législatives de juin 2007, et malgré tous les soutiens, tu n'as pas gagné. Est-ce aussi « avoir eu sa chance dans le passé » ?
Je suis naturellement en colère, car pour moi, ces élections régionales étaient en quelque sorte mon rendez-vous avec la République et la reconnaissance de ma famille politique. Mais vous le dites assez clairement au fond... on ne fait pas partie de cette famille si l'on n'est pas bien né ou parrainé. Le travail et le mérite ne sont que de vulgaires habillages de langage pour nous faire admettre que ne pas gagner une élection est un signe d'incapacité.
Mais comment me demander de faire plus que le score de Nicolas Sarkozy lui-même dans ma circonscription ? Pourquoi ne pas proposer que les élus de Versailles se présentent dans le Xe en 2012 et moi dans une circonscription à droite depuis 1946 ?
Quelle est donc cette injustice moderne et assumée par notre droite décomplexée qui, au moment du grand débat sur l'identité nationale, repousse sans vergogne ceux-là mêmes qui ont fait sa crédibilité sur ces sujets ?
J'avoue ne pas comprendre cette posture affichée et théorisée sur le changement de candidats à chaque élection. Je peux te le dire aujourd'hui, cela porte un nom......la discrimination sociale et culturelle.
Je pensais réellement que Nicolas Sarkozy parviendrait à déringardiser cette vieille droite, héritière pour une partie d'entre elle de certains atavismes de la France de Pétain... Mais les conservatismes ont eu raison d'un Président moderne et courageux que vous réussirez bien à faire chavirer si toutefois l'UMP n'accepte pas la richesse de la diversité culturelle.
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