Nicole Abravanel, responsable des études hébraïques à l'université de Picardie, tire la sonnette d'alarme après la suppression de l'enseignement de l'hébreu et devant les menaces qui pèsent toujours sur l'arabe, « le début d'une offensive qui peut s'étendre à d'autres disciplines ».
Nous souhaitons alerter sur la situation de l'hébreu et de l'arabe à l'université.
Nous rencontrons à l'université d'Amiens un gros problème pour le maintien de l'enseignement de ces disciplines. Cette bataille n'est pas nouvelle, mais elle a repris récemment sous couvert financier.
Enseignées depuis 25 ans dans notre université, ces disciplines sont menacées. À l'initiative d'une soixantaine d'enseignants de l'université de Picardie, nous avons lancé une pétition qui a recueilli 360 signatures. L’arabe a été sauvé pour cette année grâce à la mobilisation. L’hébreu a été totalement fermé malgré le nombre d'étudiants – une quinzaine en moyenne sur les dernières années – et un coût très modique pour son maintien (0,002% du budget de l'université).
C'est le début d'une offensive qui peut s'étendre à d'autres disciplines. L'enjeu de l'apprentissage des langues vivantes, et en particulier de l'hébreu et de l'arabe de façon laïque, hors des milieux communautaires, est un enjeu sociétal et démocratique. Nous faisons donc de la résistance. L'enseignement des langues sémitiques est un facteur de rapprochement entre jeunes et au delà, comme nous l'écrivons dans notre pétition.
Nous avons donc écrit à la ministre de l'enseignement supérieur. Lionel Collet, son directeur de cabinet, nous a répondu qu'une cartographie des “ disciplines rares ” était en cours et qu'un soutien, en tout état de cause, n'interviendrait qu'à la rentrée 2014. Il nous renvoie donc aux décisions locales.
Dès janvier, une décision en faculté des langues avait brusquement bouleversé l’enseignement en regroupant les niveaux, mélangeant les étudiants tout débutant, apprenant un nouvel alphabet, ceux qui maîtrisent parfaitement leur langue d’origine et ceux inscrits en licence d’hébreu. Comment un enseignement mutualisé à cinquante étudiants en arabe pouvait-il être pédagogiquement envisageable ?
Au plan local, nous constatons une désinformation concernant les chiffres des inscrits et une entrave au recrutement des étudiants. Par exemple, il nous a été interdit d'afficher pour annoncer les inscriptions en licence d'hébreu (que nous préparons avec Lille 3 depuis 1998).
Mais le fond de l'affaire, c'est que cette offensive est la suite d'une série intervenue au fil des années dans l'UFR des langues à l’encontre de ces disciplines. Peu après la mise en place de l'enseignement des études hébraïques et d’un partenariat avec Lille 3, on doit noter une attaque antisémite et négationniste avérée, dirigée alors contre un Docteur honoris causa de l'université, Elie Wiesel. C'est ce qui d’ailleurs a conduit une section de la Ligue des Droits de l’Homme à s'intéresser à ce dossier.
Il est certain que dans le contexte politique présent, où se joue la place des minorités culturelles comme celle des Roms, ce dossier touche de près à des enjeux démocratiques qu’il est essentiel de préserver.
Nicole Abravanel, Études hébraïques, université de Picardie Jules-Verne