Billet de blog 3 novembre 2011

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Référendum: l'euro à l'épreuve de la démocratie grecque

Patrick Braouezec, député de Seine-Saint-Denis, défend l'idée du référendum proposé par le Premier ministre grec, Georges Papandréou, au vu de la situation économique et sociale du pays. Selon lui, «l'application d'un programme d'austérité drastique qui s'accompagne d'un véritable abandon de souveraineté mérite certainement (...) une consultation populaire».

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Patrick Braouezec, député de Seine-Saint-Denis, défend l'idée du référendum proposé par le Premier ministre grec, Georges Papandréou, au vu de la situation économique et sociale du pays. Selon lui, «l'application d'un programme d'austérité drastique qui s'accompagne d'un véritable abandon de souveraineté mérite certainement (...) une consultation populaire».

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Le moins que l'on puisse dire c'est que le référendum annoncé par le chef du gouvernement grec suscite un certain émoi parmi les dirigeants européens. Confronté à des vagues successives et croissantes de mécontentement social depuis les premières mises en œuvre des programmes d'ajustement structurel, le Premier Ministre s'est enfin résolu à consulter son peuple sur les accords de stabilisation et de règlement de la crise de la dette conclus la semaine dernière à Bruxelles.

Il est plus que probable que cet exercice démocratique, refusé à toutes les sociétés dont les gouvernements se sont pliés aux exigences du FMI et des riches créanciers, débouchera sur le rejet d'une stratégie de remise à flot des finances publiques assumé essentiellement et à un coût très élevé par les catégories populaires.

La liste des mesures de rigueur est interminable et leurs effets risquent d'être dévastateurs sans pour autant garantir le redémarrage de l'économie grecque sur des bases assainies.

Cette politique de contrainte budgétaire écrasante justifie amplement la colère des Grecs mis en demeure de régler la facture pharamineuse d'une intégration européenne totalement ratée. Et c'est bien le résultat annoncé de cette consultation qui alarme les très libéraux - et visiblement de moins en moins démocrates - responsables politiques européens.

Les réunions d'urgence succèdent aux réunions de crise dans une atmosphère plutôt délétère. Les déclarations outrancières, certaines frisant l'injure, de dirigeants qui apparaissent comme de purs porte-paroles des marchés, sont révélatrices d'une situation politique européenne fragilisée par les équilibres économiques structurels aboutissant à la crise de 2008 et dont les peuples subissent aujourd'hui les conséquences.

Le Premier Ministre grec, n'ayant pas informé ses collègues européens de sa décision, est taxé d'irresponsabilité ou de duplicité. Au pied du mur et sans recours, il a incontestablement joué la dernière carte en sa possession, celle de la démocratie.

En consultant le peuple, il place les forces politiques de son pays et chaque citoyen face à une difficile alternative: accepter ou rejeter le programme européen; ce qui consiste à choisir entre la peste et le choléra, entre une durable et violente cure d'austérité et de récession sociale ou la faillite à brève échéance.

Que cette décision soit entachée d'arrière-pensées électoralistes est une considération accessoire. Néanmoins, l'application d'un programme d'austérité drastique qui s'accompagne d'un véritable abandon de souveraineté mérite certainement -n'en déplaise aux évangélistes des marchés et aux élites incontrôlées qui dirigent les instances internationales- une consultation populaire.

La dette de la Grèce, pays de 10 millions d'habitants, s'élève à 350 milliards d'euros ce qui représente près de 160% du PIB. Selon les termes de l'accord paraphé vendredi dernier, la dette devrait être ramenée à 120% du PIB d'ici 2020 en échange d'une véritable mise sous tutelle du pays par les créanciers et d'une politique d'austérité indigne, comme celles appliquées sans états d'âme aux pays d'Amérique du sud ou d'Afrique par le FMI.

A une batterie de mesures antisociales, conformes à la doxa libérale mais susceptibles de provoquer un grave délitement du tissu social, vient s'ajouter l'humiliation nationale -vécue aussi en Afrique et en Amérique du Sud- d'une présence permanente à Athènes de la troïka (BCE, UE et FMI) représentants des créanciers chargés d'en superviser la mise en œuvre.

Le rejet prévisible des mesures de régression sociale par le peuple grec modifie le déroulement du scénario de «soft landing» espéré par les patrons de l'Eurozone.

La contagion à d'autres pays (Italie, Portugal, Espagne...France?) affectés par un endettement très lourd et des déficits publics importants n'est pas à écarter. Elle provoquerait une évolution quasi-mécanique nourrie par des mouvements spéculatifs massifs qui poussent, depuis la remise à flot des banques par les aides publiques, à l'aggravation des conditions de crédit aux Etats endettés.

Elle prendrait l'allure d'un risque majeur et, si le précédent démocratique grec devait faire école, le démantèlement de l'Euro ne serait plus seulement une simple hypothèse; le premier pays à sortir de la monnaie unique étant bien entendu la Grèce elle-même.

En attendant, les marchés européens et les agences de notation, qui voient d'un très mauvais œil la décision du Premier Ministre grec, alimentant une couverture médiatique sur le mode de la dramatisation, ont enclenché un mouvement de recul boursier très significatif.

L'euphorie de la veille n'est plus qu'un lointain souvenir.

Au moment où se déroule le G20 à Cannes, l'euro, que l'on croyait sauvé il y a quelques jours, entre à nouveau dans une zone de turbulences à l'issue très incertaine.

Patrick Braouezec, député de Seine-Saint-Denis, président de la communauté d'agglomération Plaine Commune.

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