« Devant les horreurs dont sont victimes les Syriens depuis maintenant plus de deux ans, ne pas agir serait enterrer » les principes du droit international, écrit Mounzer Makhous, ambassadeur de la Coalition nationale syrienne en France, aux parlementaires français qui débattent ce mercredi. « Ne pas aider » l'opposition démocratique, « c’est risquer de se trouver en présence des djihadistes et du régime d'Assad ».
Mesdames et Messieurs les parlementaires de la République française,
Ce mercredi 4 septembre, vous débattrez devant la nation et le monde du drame syrien. J’aimerais vous exprimer l’attente et l’espérance qu’a le peuple syrien à l’égard du peuple français que vous représentez.
J’aimerais aujourd’hui attirer votre attention, non seulement sur la souffrance du peuple syrien, que vous connaissez déjà, mais sur l’universalité du combat qu’il mène, la lutte d’un peuple à l’image de ceux que le peuple français a su mener, lors de sa propre révolution ou lors de sa résistance contre la barbarie nazie.
En effet, derrière la question syrienne se pose la question grave du seuil de l’horreur et de la violence que le monde est prêt à tolérer. Le droit international avait marqué un progrès significatif en définissant, en 2005, le principe de la « responsabilité de protéger » les populations civiles contre les exactions et crimes. Il avait auparavant banni les armes chimiques –leur stockage et a fortiori leur utilisation. Devant les horreurs dont sont victimes les Syriens depuis maintenant plus de deux ans, ne pas agir serait enterrer ces principes.
Concernant le gazage chimique de près de 1 500 innocents qui a eu lieu à Damas le 21 août 2013, il n’est plus possible de douter de l’identité des responsables de ce crime contre l’humanité. La force des bombardements par le régime avant et après l’usage du chimique sur les mêmes lieux, visant à effacer les traces des gaz, les enregistrements sonores de responsables du régime, les photos satellites, ajoutés à l’incapacité pratique des groupes armés de faire usage de telles armes, sans compter que les lieux visés étaient contrôlés par l’opposition, tout ceci ne laisse aucun doute.
Avec ce crime, un nouveau palier dans l’horreur est franchi. Ne pas réagir mettra à terre plusieurs dizaines d’années de lutte pour éradiquer les armes de destruction massives au niveau international et donnera un feu vert au régime pour un usage continu et croissant de son arsenal chimique contre son peuple. Aussi atroce que soit le massacre de Damas, ce sont les massacres futurs annoncés qu’il vous est aujourd’hui demandé d’éviter. L’inaction sera inéluctablement interprétée par le régime et ses alliés comme une faiblesse congénitale des démocraties et un blanc-seing pour continuer les massacres.
La Coalition de l’opposition syrienne s’est maintes fois prononcée en faveur d’une solution politique. Elle a toujours coopéré avec les initiatives diplomatiques et continue de le faire. Mais le recours par le régime à l’arme chimique vise clairement à anéantir toute chance d’une telle solution.
C’est malheureux, mais pour Assad et ses alliés, il n’y a de processus politique possible autre que celui basé sur le rapport de force. Depuis la menace d’intervention, l’Iran met de l’eau dans son vin, la Russie suspend des livraisons d’armes. Demain, si la menace d’une action militaire retombe, les criminels s’en seront tirés à bon compte et le peuple syrien en aura payé le prix.
J’entends et comprends l’inquiétude des gouvernements et des opinions occidentales par rapport au risque de présence en Syrie de groupes extrémistes affiliés à Al-Qaeda. Ce risque touche en premier lieu les Syriens qui, au quotidien, subissent dans certaines régions (heureusement encore limitées) les exactions effectuées par ces groupes. Mais c’est l’inaction internationale pendant ces deux dernières années qui a permis à ces groupes de se développer avec la complicité active du régime. Celui-ci les a utilisés dans le passé et aujourd’hui les infiltre, les manipule et conclut avec eux des marchés. A défaut de pouvoir encore gagner la sympathie, Bachar el Assad travaille à discréditer notre lutte et à présenter sa guerre contre le peuple comme un combat contre les djihadistes.
L’opposition démocratique en Syrie serait capable de faire chuter ce régime si elle était protégée contre son aviation et ses bombardements. Ne pas l’aider, c’est risquer de se trouver en présence des djihadistes et du régime d'Assad.
Malgré plus de deux ans de souffrance et de sentiment d’abandon, le peuple syrien garde espoir de libérer son pays, d’y instaurer la démocratie et de rejoindre la communauté des pays respectueux des droits de l’Homme. Mesdames et Messieurs les parlementaires, la place de la France dans le monde signifie pour nous Syriens que vous avez aujourd’hui une responsabilité historique à l’égard de notre peuple meurtri.
A cet égard, le peuple syrien salue vivement le soutien de la France à notre révolution depuis son début et tout particulièrement la décision et la détermination du Président François Hollande à agir pour arrêter le massacre en Syrie.