Billet de blog 5 février 2014

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Les citoyens et la justice ne peuvent plus attendre

Par la voix de son secrétaire général, Eric Bocciarelli, le Syndicat de la magistrature rappelle à François Hollande ses promesses « de rupture avec l’idéologie sécuritaire sur le plan pénal et réactionnaire dans le droit de la famille » et s'inquiète d'un « souci permanent du consensus » qui « enferme la société dans le conservatisme ».

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Par la voix de son secrétaire général, Eric Bocciarelli, le Syndicat de la magistrature rappelle à François Hollande ses promesses « de rupture avec l’idéologie sécuritaire sur le plan pénal et réactionnaire dans le droit de la famille » et s'inquiète d'un « souci permanent du consensus » qui « enferme la société dans le conservatisme ».


Monsieur le Président de la République,

Les rues étaient à peine vidées de leurs cortèges de militants d’une certaine droite réactionnaire, porteuse d’une vision passéiste de la famille, que votre gouvernement renonçait à présenter un projet de loi sur la famille cette année.

Déjà annoncé comme étant expurgé de ce qui en faisait sa force transformatrice – l’ouverture à toutes de l’accès à la procréation médicalement assistée à laquelle vous vous étiez engagé pendant la campagne électorale – ce texte menace, comme d’autres, de tomber dans les « oubliettes du quinquennat ».

Rappelons que ce projet avait pour ambition de réformer le droit de la famille afin de mieux appréhender la diversité des formes de parentalité, mais également de repenser l’adoption, l’accès aux origines et les procédures de divorce, autant de sujets sérieux – et parfois même consensuels – qui avaient été laissés de côté lors de l’adoption de la loi « ouvrant le mariage aux personnes de même sexe » au prétexte qu’une loi sur la famille viendrait prochainement combler ce vide.

Ce renoncement ne vient malheureusement qu’allonger la liste des réformes promises qui n’ont pas vu le jour.

La suppression des dispositifs-phares de l’arsenal sécuritaire de la fin des années 2000 que sont les peines planchers, la rétention de sûreté et le tribunal correctionnel pour mineurs, semblait au cœur de votre projet. La posture combative que vous adoptiez au printemps 2012 pouvait laisser espérer une loi d’abrogation rapide, dans l’esprit de 1981, il n’en fut rien.

Refusant de voir la nécessité pressante d’un tel changement législatif, vous avez affirmé vouloir engager des chantiers plus ambitieux et donc une réflexion plus longue pour la justice pénale des mineurs et des majeurs. 

Près de deux années après votre élection, ces dispositifs sont cependant toujours en vigueur et produisent les mêmes effets dévastateurs que sous l’empire de votre prédécesseur. Comment expliquer ces atermoiements autrement que par un manque de courage politique !

Le projet de loi sur la protection des sources des journalistes, qui figurait également au rang des promesses de campagne, a été une nouvelle fois retiré de l’agenda parlementaire puis reporté et il est à craindre que l’argument du « calendrier parlementaire chargé» n’en vienne définitivement à bout.

Dans votre lexique politique, le « report » d’un projet de loi sonne cruellement comme un abandon pur et simple.

Pour d’autres projets, le blocage est encore plus précoce : la nécessité d’instaurer un récépissé de contrôle pour lutter efficacement contre le « délit de faciès » dans les contrôles d’identité, que vous placiez au rang de vos objectifs, a été, sans aucun débat, abandonnée au profit de « mesurettes ».

Et que dire de la promesse d’accorder à tous les étrangers le droit de vote aux élections locales !

Les « arbitrages », les encombrements du calendrier parlementaire n’ont singulièrement touché que ces projets en rupture avec l’idéologie sécuritaire. Autant d’obstacles que n’a pas rencontré le démantèlement du droit du travail par la loi de sécurisation de l’emploi et plus récemment par un projet de réforme de l’inspection du travail, déjà inscrit à l’ordre du jour parlementaire.

Ce sont pourtant bien ces promesses, de rupture avec l’idéologie sécuritaire sur le plan pénal et réactionnaire dans le droit de la famille, qui fondent votre légitimité démocratique.

Il est temps de changer de cap et d’assumer enfin vos engagements.

Renoncer à tout débat et mettre en avant le souci permanent du consensus et de l’apaisement enferme la société dans le conservatisme.

Les citoyens et la justice ne peuvent plus attendre. Nous vous demandons, monsieur le président de la République, d’engager de toute urgence les réformes attendues pour l’égalité des droits, les libertés publiques et pour une justice indépendante et équitable au service des citoyens.

Nous vous prions de croire, monsieur le président de la République, en l’assurance de notre plus haute considération.

Pour le Syndicat de la magistrature, Eric Bocciarelli, secrétaire général

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