La « guerre à trois camps », Etats-Unis, Russie, Syrie, bouleverse les représentations traditionnelles: pour Alain Joxe, spécialiste des questions stratégiques et de défense, sociologue, directeur d'études honoraires à l'EHESS, c'est en contraignant Assad à négocier, et donc en le maintenant au pouvoir, avec l'accord de Moscou, que Washington espère la destruction de l'Etat-nation syrien.
L’automne 2013 voit se modifier sur quelques points le système stratégique global.
Il existe désormais un rôle de la France dans les Opex (« opérations extérieures ») néolibérales. L'action politico-militaire du gouvernement français en Afrique et au Moyen-Orient lui confère-t-elle le statut d'une instance souveraine autonome, en défense des principes de la démocratie républicaine et des droits de l'homme ? Ou bien peut-on plutôt la décrire comme l'émanation d'un nouveau rôle de comédie italienne du type “soldat fanfaron” ?
Ou encore comme l’apparition d’un rôle réel d'assistanat en menace armée, précis et pertinent, de gestionnaire d'une menace militaire calibrée, fonctionnant comme un recours subalterne, dans l'espace des pressions politiques diplomatiques souveraines globales ou dans le cadre onusien du système mondial ?
Il s'agirait, en tout état de cause, pour un pays comme la France, de contribuer aux pressions des grosses confédérations géographiques ayant une banque centrale comme capitale monétaire semi mafieuse – comme les Etats-Unis ou la Russie ou la Chine – et disposant d’un droit de veto au Conseil de sécurité ; ou peut-être de les infléchir.
En effet, jusqu'à présent, l'Union européenne, organisation légale, économique et financière, asservie bureaucratiquement au traité du grand système néolibéral atlantique, ne cherche pas à récupérer une souveraineté financière ni politique autonome à l'échelle de son poids économique. La question de l'inexistence d'une politique européenne de sécurité et de défense s'est posée comme un « manque » à chaque instant et prend néanmoins une figure positive dans le cadre concret des interventions militaires en Afrique : Libye, Mali, puis Centrafrique qu’elle accepte de financer, sans que les principes et les institutions d’une politique militaire commune concertée ait encore été élaborés en amont.
Cette non-politique de l’Union s’est posée aussi, récemment, d'une manière plus complexe, dans le cadre de la guerre syrienne. Le bombardement de la Libye, impulsé sous Sarkozy, avait été accepté par la Russie et l'Otan donc l'ONU. Mais ce ne fut pas le cas du bombardement de la Syrie d'Assad, préparé mais refoulé par Washington, faute d'un tel accord et, en fait, en raison d’un autre accord négocié secrètement et qui convenait mieux à la diplomatie des grandes fédérations comme on a pu voir après une semaine de flou.
Pendant la durée de la menace de frappe franco-américaine, on a pu se voir invité, par une partie de la gauche française, à défendre le régime massacreur d'Assad contre une attaque de « l'impérialisme américain » soutenue par le gouvernement « socialiste libéral » français. En apparence, la guerre civile syrienne et la menace d'intervention armée “ franco-américaine ” opposent alors l'Est et l'Ouest, comme au bon vieux temps de la guerre froide ; mais la configuration de la négociation moyen-orientale comporte aujourd'hui une différence notoire, à savoir que par accord international – qui n'est pas une simple politesse –, la Russie est un grand état “partenaire” de l'Otan ; le partenariat Otan-Russie est supposé unir la Russie et les “ puissances-occidentales ” au moins dans la défense de la Paix entre Etats (1).
Si on ne veut pas retomber naïvement dans les stéréotypes de la guerre froide, en préférant les slogans aux explications, un effort d'analyse des acteurs, des agents, des intérêts et des forces en jeu aujourd'hui est indispensable.
En effet, il est devenu rapidement dérisoire pour tout homme de gauche normalement constitué de soutenir Assad, par pacifisme ou par anti impérialisme, contre une attaque militaire franco américaine, alors que précisément cette attaque n'a pas eu lieu, et que cette menace ne servait qu'à forcer la négociation avec Assad et à ouvrir les négociations secrètes avec les Russes et l'Iran.
Pour montrer la forme de la nouvelle complexité du système global, dans un premier point, on montrera donc qu'on défend désormais longuement, coté “occidental” et “oriental”, une dictature sanglante, qui continue ses massacres; que cet “impérialisme” délocalisé, justement, n'intervient plus directement par expéditions militaires unilatérales, pour contrôler des territoires, mais orchestre, de l'extérieur, l'autodestruction des Etats nations restés inadaptables au néolibéralisme global.
Dans un deuxième point, on montre que la guerre interne “à trois camp” homologuée dans la négociation de paix de Genève 1 puis Genève 2 est la forme idéale d’une doctrine stratégique devenue banale, visant l'autodestruction des Etats nationaux corrompus, sans invasion.
Troisième point : Le rapprochement avec l'Iran négocié secrètement par Obama montre que la dictature syrienne est entrée en disgrâce relative, en même temps qu'Israël, puisqu'on lui préfère l'Iran comme système stabilisateur régional. Les deux pays, la Syrie comme Israël, sont invités à réduire leur activisme, et sont sanctionnés pour outrecuidance, exagération en matière de violation du droit international et surtout pour prétention excessive à jouir d'une micro-capacité de macro-manipulation du système global.
Une question d'échelle de responsabilité
C'est une période nouvelle dans l'histoire du réalisme impérial global au Moyen-Orient. Ces trois points servent à baliser une mutation importante, dont l'avenir n'est nullement maîtrisée par l'Union européenne, tant qu’elle reste privée comme jusqu’à présent de toute souveraineté politique et militaire. Une nouvelle constitution européenne s’imposera.
1. Assad, maintenu comme « partie » négociante, sert en fait à détruire l'Etat syrien
Pour une gauche qui voudrait rester fidèle à ses principes, il faut éviter que la définition de la Syrie d'Assad comme état souverain puisse lui conférer une honorabilité face à l'action impérialiste des Etats Unis ; l'anti-assadisme de gauche, comme toute hostilité aux dictatures sanglantes, n'est pas fait au départ pour défendre les Etats-Unis ni leurs alliés salafistes du Golfe et de la péninsule arabique, mais pour promouvoir la démocratie au sens banal : libertés publiques, élections.
Les Etats-Unis sont au contraire très clairement en faveur du maintien d'Assad comme interlocuteur et donc comme facteur durable de la destruction de l'Etat syrien. Ils l'ont montré en suspendant, sans même un débat parlementaire, leur menace de bombardement de la Syrie, à laquelle la France restait verbalement fidèle, dès que l'intromission de l'ONU et l'exigence de contrôle de l'armement chimique fut accepté par Assad sans qu'un cessez-le-feu lui soit imposé. Quand Assad utilise militairement les gaz contre une banlieue populaire sur le chemin de Damas vers l'aéroport, l'indignation onusienne, indifférente au massacre “classique”, fait soudain le plein, y compris chez Poutine. Assad est obligé par Poutine et Obama de négocier, sur l'usage des gaz, comme si ce crime contre l’humanité était supérieur à tous les autres.
Ce qui a d’abord surpris l'opinion dans l'issue de la négociation de Genève, c'est que l'existence d'une manœuvre entre Grands restée confidentielle a surgi alors, comme une révélation. Pour éviter une guerre régionale généralisée dans la zone pétrolifère, la sauvegarde d’une gestion calme de cette ressource qui exige un contrôle macro-économique, quasi macro-financier, peut donc émouvoir les empires réalistes, restés souverains dans la globalisation.
On note ensuite que, dans la Syrie à feu et à sang, s'affrontent déjà les deux ennemis d'Assad : les démocrates de l'armée rebelle (décrits comme alliés de l'aile démocrate de l'impérialisme américain), et les djihadistes projetés par l'Arabie Saoudite et le Qatar (notoirement tout aussi alliés des Etats-Unis) ; le maintien d'Assad (supposé allié de la Russie) dans la négociation consolide certes son personnage et sauve peut être la base militaire russe en mer chaude, mais pour quoi faire ?
L'obligation de négocier fait partie de la destruction de l’Etat : la présence diplomatique pour la paix du gouvernement Assad remplace son élimination militaire par la guerre. Mais comme la mémoire de ses crimes restera impardonnable pour plusieurs générations, sa présence, maintenue dans la négociation, devient le véritable instrument systémique de destruction de l'Etat syrien : le triomphe du mouvement démocratique comme celui du mouvement salafiste y deviennent impossibles. Comme l'armée syrienne régulière reprend du poil de la bête, on peut même suggérer, du côté américain, qu'il est temps, pour maintenir l'équilibre entre les trois camps, de renforcer le camp démocratique, ou l’inverse, s’il y a des fuites de matériel importantes vers les djihadistes. Un renforcement modéré de l'armements des combattants anti Assad devient un moyen d'équilibrer les destructions pendant la négociation. Il n’est plus question d’arrêter le massacre. Le chaos des trois camps est considéré comme « une situation stable ».
C'est la position – très peu humanitaire dans ses objectifs et ses moyens – défendue par Luttwak dans le NYT le 24/8/2013 :
« Ceux qui dénoncent la retenue et la prudence du président et le taxent de cynisme et de passivité doivent avoir le courage de dire quelle serait la seule autre option : une invasion américaine généralisée,(appuyant la révolte armée) pour vaincre à la fois Bachar Al-Assad et les extrémistes luttant contre son régime. Le résultat en serait une Syrie sous occupation américaine. Or, peu d'Américains soutiendraient aujourd'hui une énième et dispendieuse aventure militaire au Moyen-Orient. Toute évolution significative, dans un sens ou dans l'autre, mettrait les Etats-Unis en danger. A ce stade, le statu quo est la seule option qu'ils ont encore intérêt à favoriser." (2)
Dans cette configuration ternaire (1. Armée rebelle, 2. Assad, 3. Djihadistes), les massacres continuent et les flux considérables de populations, entassées dans les camps aux frontières ou dans les zones libérées, garantissent provisoirement au régime un échantillonnage précieux d'otages civils placés sous menace de mort par les bombardement ou l’hiver.
2. La guerre à trois camps est une recette pour l’autodestruction des Etats souverains
Cette description, qui peut paraître contestable, malveillante pour tout le monde ou au contraire animée par trop de bons sentiments, permet seulement de voir aujourd'hui que la négociation et l'équilibre instable entre trois camps armés est un “ truc ” américain, mis au point en d'autres lieux et depuis d'autres présidents.
La guerre à trois camps est un instrument systémique de destruction permanente de l'Etat bien moins coûteux qu'une guerre d'invasion. L'Etat syrien, divisé en trois camps armés, rejoint un paradigme stratégique “réussi” en Bosnie, avant les accords de Dayton et en Irak avant le départ des troupes américaines. Cet énoncé a été rendu explicite par les analyses même de Joe Biden, vice-président actuel des Etats-Unis, et qui est loin d'être un “ faucon sinistre ” mais plutôt un “ libéral-réaliste ”.
Dans une tribune publiée par le New York Times le 1er mai 2006, il préconisait en effet en toute bonne foi la division de l’Irak en deux langues et deux religions, donnant trois identités communautaires et, selon lui, trois régions – kurde, sunnite arabe et chiite. Créées par des massacres de “ purifications communautaires ”, ces régions seraient ensuite à fédérer par la Constitution. « Il est de plus en plus manifeste, disait Biden, que le président Bush ne dispose d’aucune stratégie pour la victoire en Irak. En fait, il espère éviter la défaite et transmettre le problème à son successeur. » Cette division « huntingtonienne » de l’Irak en trois cultures adverses, « comme en Bosnie » les accords de Dayton, érigés en modèle, allait créer, selon le futur vice-président, les conditions du maintien d’une présence militaire minimum et d’une médiation prolongée des États-Unis : « Certains diront que cette évolution vers un régionalisme fort déclencherait des opérations de nettoyage confessionnel. Mais c’est exactement ce qui se passe déjà, à une échelle croissante », se justifie-t-il auprès du journaliste bouleversé par le modèle génocidaire ainsi exhibé. « Les États-Unis, retireront (donc) leur contingent d’ici 2008, à l’exception d’une petite force antiterroriste. » (3)
La sottise, dans le cas de l’Irak, c'est l'idée d'une constitution fédérale entre trois entités géographiques, car il n'existe pas de région sunnite. Mais les massacres de la guerre à trois camps ont réussi à installer dans le pays la destruction permanente de l'Etat, dominé par les chiites grâce au séparatisme flou des sunnites kurdes, ce qui permit l'évacuation rapide du gros des troupes américaines.Tout s'est passé comme si cette doctrine stratégique était devenue une théorie politique.
On voit aujourd'hui que la crise ouverte, qui paraissait s'acheminer vers une intervention aérienne ciblée des Etats-Unis contre Assad, n'était qu'une pression diplomatique un peu forte, une commedia dell'arte, un jeu de rôles forçant momentanément à la négociation avec intromission d'une présence onusienne anti-gaz et aboutissant sans combat d'intervention, non seulement à maintenir Assad (selon les désirs russes) comme troisième camp du futur Etat, mais à contourner l'opposition absolue d'Israël à l'Iran, malgré ou grâce à la comédie symbolique du durcissement français.
Autrement dit, en résumé et contrairement aux définitions naïves et traditionnelles de la gauche dogmatique, Assad n'est pas un obstacle au système impérial américain mais (volens nolens) un de ses instruments les plus retors.
3. Le rapprochement avec l'Iran et la décote du statut israélien sont liés par la nécessité de supprimer la promotion de l'équilibre nucléaire dans les processus de tensions régionales
Depuis l'écrasement total de la Palestine et l'enterrement de fait des négociations, Israël ne pouvait plus attribuer son “ insécurité permanente ” à la révolte palestinienne moribonde. Il cherchait donc à faire de l'Iran un “ diable ” d'importance mondiale qui servirait à renforcer son propre statut de micro-Etat d'importance mondiale menacé de destruction cette fois nucléaire plutôt que terroriste.
En renonçant à l'enrichissement de l'uranium au taux “ militaire ”, l'Iran renonce dans les faits à cette bombe virtuelle qui n'existait qu'en raison de la menace virtuelle de bombardement israélien directement agitée pendant plusieurs années, y compris aux Etats-Unis, pour complaire à la stratégie de « défense insécuritaire » israélienne. Le jeu bipolaire des deux Etats et leur danse nucléaire renforçait leur capacité d'influencer les Grands. Le ralliement de l'Iran au statut d'Etat raisonnable rend plus clair le fait qu'Israël reste, lui, dans son statut de “ d'Etat voyou ” – selon le vocabulaire forgé par les Etats-Unis et qui s'applique à Israël sur la question de l'Etat palestinien.
L’ensemble du Moyen-Orient fait figure, dans les représentations stéréotypées, du danger islamiste d’une instabilité violente dominée par l’opposition voire la compétition entre la menace (sunnite) attribuée au Hamas, actuellement écrasé et la “ menace nucléaire chiite iranienne ”, soudain apaisée. L'intrusion d'un soi-disant conflit opposant régionalement chiites et sunnites négligeait le fait matériel qu'il s'agit surtout de plusieurs pôles locaux de puissances étatiques pétrolières autonomes, intéressés directement par la situation « sécuritaire » dans le Maghreb/Machrek et le Golfe.
Le fait que le pétrole d'Iran soit la possession d'une dictature théocratique roublarde du clergé chiite et que les monarchies pétrolières d'Arabie et du Golfe soient des esclavagismes sunnites wahabites salafistes djihadistes et maîtres de la Mecque est un hasard de l'histoire. La séparation des sunnites et des chiites ayant des causes bien antérieures à la découverte du pétrole, l'alliance entre Assad, l'Iran et le Hezbollah libanais était une alliance entre trois chiismes si différents théologiquement, socialement et politiquement, qu'on peut l'estimer “ contre nature ” ; au moins tout aussi contre nature que l'alliance entre les Etats-Unis d'Amérique et les djihadismes des émirats du golfe et le wahabisme sunnite de l'Arabie Saoudite qui subventionnent aussi le djihadisme saharien.
Manipulée dans la négociation russo-américaine, la pression militaire symbolique de la France joue un rôle d'assistant militaire symbolique. La posture verbale irrédentiste pro-israélienne adoptée pendant quelques jours a eu le bon goût de compenser la mauvaise humeur du régime Nétanyahou par une guirlande de mots attentivement composée qui rassurait l'opinion israélienne sur un point entièrement fabriqué au niveau médiatique et qu’on pouvait maîtriser : la menace virtuelle de l'arme nucléaire iranienne allait être absolument écartée.
La Syrie d'Assad, qui mène depuis deux ans une guerre civile de massacres, est prise comme ciblejuste, pour usage criminel des gaz de combat, un beau jour, par les Etats-Unis, aidés par la France. Cette menace est un épisode diplomatique dans l'histoire de la destruction des Etats nations : on ne peut pas restaurer l'état syrien en restaurant Assad dans la négociation. Mais l'Iran qui aidera le retour à la paix agit désormais avec l'appui russo-américain comme un Etat nation partisan de l'ordre plus que comme un agitateur chiite, utilisant le Hezbollah pour défendre Assad, et moins encore comme un défenseur sincère de ce qui reste en Syrie du Baath laïc.
Israël, soudain isolé dans son discours anti-iranien, pourrait une fois de plus être invité indirectement, ou directement, dans la conjoncture, à rejoindre les Etats civilisés en appliquant les résolutions de l'ONU et en renonçant aux prédations territoriales détruisant le futur état palestinien. Il risque sinon de tomber, en même temps que l'état palestinien émergent sous régime d’apartheid, dans la condition d'Etat post-colonial détruit par le système global. Une autodestruction communautaire qui pour l'instant n’a été contournée, en Afrique, que par l'Afrique du sud.
Conclusion problématique : la France, bon “ soldat fanfaron ” du système impérial global ou facteur efficace de paix et de lutte contre les “ démocides ” en cours sous la loi du néolibéralisme ?
Dans ce chaos complexe, il faut revenir à l'histoire longue pour faire le point. Il reste actuellement trois démocides en action dans des pays qui sont l'image même d'un désastre violent, instauré à partir d'une décolonisation ratée et de démocides criminalisés.
1°) le démocide en Syrie est une forme de conjoncture barbare, créée 1. par la répression interne brutale du régime issu du Baath à l'égard de son propre peuple ; 2. par le soulèvement de l'armée rebelle ; et 3. par l'intrusion de la violence djihadiste subventionnée par le pétrole du Golfe ;
2°) le démocide en Palestine devenu soft par l'écrasement militaire des Palestiniens est géré par Israël contre un peuple occupé, asservi, massacré, refoulé par la stratégie mettant en œuvre le programme intégral d'un sionisme ancien, dit « révisionniste » (4). Ce programme de conquête territoriale totale de la Palestine du mandat s'imposa à travers l'Irgoun et ses massacres, sa fusion avec la Haganah, la continuité politique assurée par le Likoud, du programme de conquête totale du territoire de la Palestine britannique par expulsion des Palestiniens.
3°) Dans les autres pays, il s'agit d'un statocide, « managé » partout, dans les pays du printemps arabe, par la décomposition des tyrannies corrompues, issues de la génération des guerres de libération nationale et l'avènement démocratique d'un populisme musulman vite considéré comme « incompétent » économiquement.
Guerre dans l'Egypte actuelle, entre deux camps populistes : un religieux et un militaire ; guerre chaotique entre milices plurielles dans la Libye décomposée par la dispersion populiste de l'arsenal de Kadhafi et qu'une stratégie otanienne de frappes aériennes ne pouvait empêcher.
La menace de guerre civile dans la Tunisie du premier printemps arabe, la réforme démocratique en Algérie et au Maroc, seront nécessairement un lieu où l’entrée en résonnance avec la France prendra une forme politique, mais où on sait évidemment qu’aucune forme de réforme démocratique n’y prendra le chemin d’une intervention militaire française. La décolonisation a pris dans ces pays la forme d’une fin de mandat et d’un traité de paix dont la France est garante sans nul besoin d’une intrusion de l’Eurotan. L’installation de la violence dans le Maghreb doit être évitée si on veut éviter le modèle de voisinage Etats-Unis/Mexique et cela devient un sujet brûlant qui obligera la France et l’Union européenne à concevoir une politique de redressement économique et social réelle qui devra éviter à tout prix de tomber dans le chaos du néolibéralisme et sera nécessairement l’amorce d’une refondation de la définition européenne de la sécurité.
Les troubles de tout le pourtour méditerranéen deviennent finalement le lieu nécessaire d’une remise en forme profonde de la conception stratégique de la sécurité européenne et son arrachement à l’acharnement loufoque du néolibéralisme transatlantique. C’est un devoir de la future realpolitik française et européenne qui devra rompre avec l’Otan et ses leurres sécuritaires pour restaurer une définition du progrès comme politique économique et sociale anti-libérale.
Jusqu’à présent, ce qui émerge, à l'issue des apparitions désormais multiples du “ soldat fanfaron ” français, c'est toujours un timing d'intervention brusque, spectaculaire, courageuse, car risquée, dans des conjonctures nées de terreurs locales de longue durée et de violences soudaines.
Mais il nous fut comprendre que les actions modernes des empires prédateurs n'ont plus pour objectif la conquête territoriale et l'établissement de la paix coloniale mais seulement la prédation de profits. Il s'agira donc toujours, sauf mutation stratégique fondamentale, d'une régulation de la destruction des Etats nations, tâche qui fait partie d'une de ces fonctions politiques illégales, pas forcément irrationnelles, de l'oligarchie financière prédatrice mondiale. La France seule ne pourra pas s'opposer à la ligne stéréotypée du néolibéralisme financier délocalisé.
Admettons d'abord qu'une classe financière déracinée délocalisée a pris le pouvoir par une offensive globale financière décentralisée depuis la fin du gold exchange standard des années 70 et politique depuis les années 90. Le déracinement sui generis des intérêts financiers est aussi la cause de leur faiblesse politique. Mais un renversement de ce paradigme exigera un rapport de forces plurinational. D’un cyclone de révolte dans lequel le rôle historique de la France, sans doute aussi le mouvement populaire des nations latino-américaines, et une nouveau printemps arabe s’affirmerait comme projet républicain social plutôt que comme serviteur du système de répression global.
• • • • •
(1) Membre du Partenariat pour la paix depuis 1994, la Russie est un partenaire majeur de l'Alliance Atlantique. Sur la base de l'acte fondateur Otan Russie de 1997, le Conseil Otan-Russie (COR) a été créé au sommet de Rome en 2002. Il s'agit d'un mécanisme privilégié de consultation et de coopération qui permet à la Russie et aux Alliés de se réunir. Les relations Otan-Russie dans le COR ont été formellement interrompues à la suite de la crise géorgienne en août 2008, puis ont repris à partir de 2009. Le sommet de Lisbonne en novembre 2010 a adopté un cadre de coopération pratique renforcé dans les question suivantes : l'Afghanistan, la lutte contre le terrorisme et la piraterie, la gestion des crises, la maîtrise des armements, le désarmement et la non prolifération, la défense antimissile.( DAS), cf. l'OTAN et ses partenaires; 23/05/2013)
(2) le Monde, 4 septembre 2013 citant l'article de LUTTWAK du NYT du 24/8/2013
(3) A. Joxe, "l'esprit de recette chez Joe BIDEN en 2006 : pour une tripartition de l'Irak de type bosniaque", les guerres de l'empire global, la découverte mars 2012, p. 148
(4) Sionisme révisionniste (encyclopédie Larousse) : « Mouvement fondé en 1925 par Vladimir Jabotinsky, sous le nom de « Union mondiale des sionistes révisionnistes », en réaction contre la politique conciliante de Chaïm Weizmann. Prônant la création d'un État juif sur les deux rives du Jourdain, se réclamant d'une idéologie exaltant l'autorité, la discipline et le nationalisme, partisan d'une politique « dure » à l'égard des Arabes palestiniens ».