Billet de blog 6 avril 2016

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Jan Fabre, persona non grata pour la scène artistique grecque

Le 1er avril, plus de 700 personnes – artistes, professionnels du monde culturel, intellectuels – étaient réunies au théâtre Sfendoni, à Athènes. Ensemble, elles ont écrit une lettre ouverte à l’attention de Jan Fabre, chorégraphe et plasticien flamand nommé cet hiver à la tête du festival international de théâtre et de danse d’Athènes et d’Epidaure, le plus grand festival de Grèce, lui demandant sa démission.

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Pourquoi demander cette démission quelques mois seulement après la nomination de ce chorégraphe belge ? Simplement parce que ce dernier a programmé, dès sa prise de fonction, une saison sans aucune production grecque, exclusivement consacré à la création flamande (pour comprendre ce qui s’est passé, lire le très intéressant billet de Jean-Marc Adolphe dans le Club). Un comble pour les artistes locaux, qui n’hésitent pas à parler de « néocolonialisme ». Au lendemain de la rédaction de cette lettre, Jan Fabre a démissionné. Le Club de Mediapart a décidé de publier cette lettre, que voici ci-dessous.

Monsieur Fabre,

Lors de votre court passage dans notre pays, vous avez réussi à commettre une série de graves inconvenances, qui sont autant d’injures caractérisées envers nous tous qui signons cette lettre. Plus spécifiquement :

  1. Vous avez participé à une conférence de presse de « style aristocratique » avec carton d’invitation (du jamais vu dans les usages du festival hellénique), que vous avez delibérément organisé en l’absence d’artistes grecs, ignorant que le Festival d’Athènes et Epidaure, comme tous les autres festivals, est pour l’essentiel, l’œuvre des artistes qui le nourrissent depuis des années de leur talent, de leur passion et de leurs idées d’avant-garde.
  2. Vous avez admis ne pas avoir la moindre idée de la création artistique grecque contemporaine, mais, malgré cela, vous vous considérez capable de prendre en charge (comme curateur !) la principale institution culturelle du pays, rabaissant ainsi les créateurs grecs à une masse imprécise et artistiquement discréditée, et qui plus est devraient vous en être reconnaissants.
  3. Vous nous avez présenté de but en blanc un état-major encombrant de collaborateurs belges (qui, il faut le souligner, ainsi que vous-même, seront payés par notre Etat en faillite) prouvant de la manière la plus claire que votre ignorance au sujet de la culture grecque contemporaine est destinée à rester ignorance.
  4. Vous avez essayé, avec une arrogance vraiment incroyable il est vrai, de nous tromper en prétendant rendre International un festival qui l’est déjà depuis sa naissance, tout en annonçant un programme purement belgo-belge, dans lequel personnellement vous vous taillez la part du lion.
  5. Vous nous avez exclus de (notre) festival, non seulement pour cette année mais encore pour les années à venir, nous, les créateurs grecs, nous considérant indignes de participer à l’ « installation » que vous-même organiserez, en suggérant que vous pourriez nous redonner la parole une fois que nous aurons été « initiés » (bons élèves) à votre univers esthétique personnel.

Pour toutes ces raisons, par l’arrogance et le véritable totalitarisme artistique dont vous avez fait montre, vous vous êtes vous-même rendu, monsieur Fabre, persona non grata.

Afin d’éviter les malentendus, le but de cette lettre n’est pas de négocier avec vous, non ; nous ne sommes pas des syndicalistes, nous ne vous demandons pas de nous accorder du temps ou un lieu dans votre « installation ». Nous ne nous abaisserons pas non plus jusqu’à exiger de vous ce qui nous appartient. Par la présente lettre, nous vous faisons savoir que, premièrement nous ne vous reconnaissons pas comme directeur artistique du Festival d’Athènes et Epidaure et, deuxièmement, que vous nous devez réparation de l’insulte que vous nous avez faite en faisant ce qui tombe sous le sens : renvoyer votre contrat d’engagement (pour vous et vos collaborateurs) au ministre qui vous l’a donné.

Le corps des personnes présentes

Théâtre SFENDONI

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