Pour sortir de la crise grecque, Guy Verhofstadt, ancien Premier ministre de Belgique et président du groupe de l'Alliance des démocrates et des libéraux pour l'Europe (ADLE) au Parlement européen propose de créer une Caisse européenne d'amortissement de la dette souveraine et des « stabilisateurs automatiques ». « Il est temps de doter la zone euro des moyens d'une gouvernance efficace tout comme il est temps pour la Grèce de devenir un Etat moderne. »
Disons-le tout net, les responsabilités sont pour le moins partagées dans la tragédie grecque. Certes nous en sommes d'abord là à cause des Grecs eux-mêmes, incapables de réformer un système politique clientéliste et de bâtir un Etat de droit. Toutefois force est aussi de reconnaitre que l'Europe n'a pas été de bon conseil. A force d'ajustements strictement comptables, on a lentement mais sûrement étouffé l'économie grecque. Tout le monde peut faire de mauvais choix politiques. Même le FMI a fini par admettre que la stratégie actuelle ne pouvait constituer une solution à long terme. Mais il ne sert à rien de ressasser le passé, il est temps de bâtir l'avenir de la zone euro.
Les Européens méritent en effet mieux que cette gouvernance à la petite semaine de leur monnaie commune, avec des dirigeants sans vision, mais pas en panne de petites phrases, du genre « il faut un gouvernement de technocrate en Grèce ! » Ces joutes verbales, ces menaces réciproques depuis des mois et des années, n'ont fait que monter les peuples européens les uns contre les autres. Pour sortir de cette spirale infernale, qui ne fait qu'inquiéter nos concitoyens et alarmer nos partenaires économiques, il faut une approche complètement nouvelle qui réponde à la globalité de la situation grecque.
Athènes ne peut plus reculer devant les réformes structurelles dont le pays a besoin. Doit-on rappeler que si le gros des efforts a porté sur la fonction publique, les salariés et les retraités, c'est parce que la Grèce ne dispose pas de système fiscal permettant de faire payer l'impôt à ceux qui devraient s'en acquitter, à commencer par les propriétaires immobiliers, faute de cadastre, et les armateurs, par dérogation constitutionnelle ? Doit-on rappeler qu'il subsiste encore aujourd'hui plus de 3000 agences ou structures paraétatiques ? Que la production et la vente de sucre continuent de relever d'un monopole d'Etat ? Que Thessalonique a trois centres de promotion de la fourrure ? Alexis Tsipras le sait, qui s'est présenté en "Mr Propre" lors des élections qui l'ont portées au pouvoir: l'Etat grec est corrompu, politisé et impotent.
Cette gabegie persistante peut légitimement choquer nos concitoyens. Il est vrai qu'on leur a expliqué que la Grèce avait été sauvée par des milliards d'euros tirés de leurs poches et ils se demandent pourquoi ce pays semble toujours au bord de la faillite. Ce qu'on ne leur a pas dit, c'est que cette aide consistait surtout à surendetter le pays. Ainsi la dette est devenue intenable et fait figure d'épouvantail aux yeux de la jeune génération grecque qui a massivement voté "non". Pour sortir par le haut de ce piège qui paralyse toute perspective de croissance en Grèce et menace le retour de la croissance dans la zone euro, il faut d'urgence prendre deux mesures fortes.
Tout d'abord créer une Caisse européenne d'amortissement de la dette souveraine. D'ores et déjà la dette souveraine est éligible au programme de refinancement de la BCE. Mais ce n'est pas à la BCE de faire de la politique. C'est aux chefs d'Etat et de gouvernement de proposer une solution structurelle. Un tel Fonds d'amortissement permettrait de mutualiser les risques et donc de garantir des taux d'intérêts faibles. C'est un système gagnant-gagnant qui constitue le meilleur pare-feu contre les écarts de taux d'intérêt que redoutent les économies fragiles et périphériques de la zone euro. L'autre chantier prioritaire est d'introduire ce qu'on appelle des « stabilisateurs automatiques » au niveau européen. Il s'agit d'une capacité budgétaire permettant de réagir aux chocs asymétriques qui frappe un pays et d'aider son système social à passer le cap.
Il faut prendre ce référendum comme un nouvel épisode de ce long feuilleton, et non son épilogue. La situation grecque symbolise la crise de croissance d'une devise à laquelle nos concitoyens demeurent très largement attachés. Il est temps de doter la zone euro des moyens d'une gouvernance efficace tout comme il est temps pour la Grèce de devenir un Etat moderne.