Billet de blog 6 octobre 2012

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Traité de stabilité budgétaire : quel choix avons-nous ?

« Sachons prendre le risque » de renégocier « à l'échelle européenne des objectifs de réduction de déficit » définis en commun par la gauche française, après avoir adopté le TSCG, lance Bertrand Mertz, maire de Thionville et membre du Conseil national du Parti socialiste. Car en refusant le Traité, la France s'exposerait à la sortie de l'euro. 

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« Sachons prendre le risque » de renégocier « à l'échelle européenne des objectifs de réduction de déficit » définis en commun par la gauche française, après avoir adopté le TSCG, lance Bertrand Mertz, maire de Thionville et membre du Conseil national du Parti socialiste. Car en refusant le Traité, la France s'exposerait à la sortie de l'euro. 


Quel choix avons-nous face au traité de stabilité budgétaire qui est en train de déchirer la gauche comme le traité constitutionnel il y a sept ans ?

Sur le plan politique, le traité est un acte supplémentaire, dans la continuité des traités précédents, qui nous inscrit juridiquement dans une logique d' “ordolibéralisme”. C'est donc une forme d’abandon partiel de la souveraineté nationale, laquelle est soumise à des règles juridiques censées constituer une garantie face à l'irresponsabilité pressentie des représentants du peuple et, de façon implicite, du peuple lui-même. Pour l’Allemagne, cette position reposerait sur des considérations d'intérêt national en rapport avec l’histoire de ce pays.

Sur le plan juridique, le droit européen est devenu en soi, indépendamment des législateurs nationaux, le pivot de l'ordre démocratique, par opposition aux mouvements jugés désordonnés du politique. En France, depuis les arrêts Jacques Vabre (Cour de Cassation 1975) et Nicolo (Conseil d’Etat 1989), le droit européen a une valeur supérieure à la loi, même postérieure. En Allemagne, c'est la cour de Karlsruhe qui est l'instance la plus importante, comme si l'on confiait aux juges le soin de garantir le peuple contre ses excès supposés.

Sur le plan économique, chaque signataire du traité abandonnera une partie de son pouvoir budgétaire, après avoir cédé le pouvoir monétaire. Dans les deux cas, il ne s'agit pas de transférer à l'échelle européenne une prérogative qui s'exercerait dans un cadre démocratique (ce qui pourrait être le cas dans une Europe fédérale avec des représentants démocratiquement élus), mais de s'inscrire dans une logique intergouvernementale avec une technocratie associant la BCE et la Commission européenne. Cela signifie que les politiques de relance de type keynésien deviendront quasi impossibles. Et nombreux sont les économistes qui doutent de l’efficacité de ce type de politique dans un contexte de récession.

Ce qui sous-tend le raisonnement à la base de ce choix de politique économique, c’est que l'endettement public est la source de tous les maux ; comme si la crise de 2008 n'avait pas d'autres causes dont l'endettement public est en partie le sous-produit.

Les avancées observées depuis l’élection de François Hollande sont néanmoins importantes (régulation de la finance, interventionnisme face aux marchés, rôle de la BCE, volet croissance du traité) et justifient d’examiner le choix à opérer de façon positive. En effet, un traité n'a de valeur que tant qu'il n'est pas dénoncé. La règle d'or n’étant pas intégrée dans la Constitution mais seulement dans une loi organique, l'essentiel en terme de souveraineté est sauf puisque ce que le législateur aura fait, il pourra le défaire assez facilement. Ceci limite l'impact de l' “ ordolibéralisme ”.

Le plus important finalement est de savoir jusqu'où nous consentons à aller dans l'austérité. Nous pourrions collectivement décider que la ligne jaune à ne pas franchir est celle qui consisterait à revenir aux 3 % de déficit en 2013 dans l’hypothèse où le taux de croissance serait nul. Il semble capital, en effet, d'avoir une sorte d'accord au sein de la gauche sur le seuil de croissance en dessous duquel on décidera de différer dans le temps la résorption des déficits afin de ne pas connaître les sorts espagnols et italiens.

C'est cette contrepartie, qui se traduirait nécessairement par une renégociation à l'échelle européenne des objectifs de réduction de déficit, qui est fondamentale. La situation catastrophique de l'Espagne ne peut que nous aider à modifier le rapport de force vis-à-vis de l'Allemagne. Sachons prendre ce risque. A défaut, nous connaîtrons un sort similaire (récession, déficit et dette aggravés) et il nous faudra sortir de l'euro, ce qui sera le dernier acte de la déflagration européenne.

Le plus vraisemblable est que le peuple allemand fera le choix d’une grande coalition en 2013, ce qui permettra de se mettre d'accord sur un décalage temporel des efforts d'assainissement des finances publiques. Les marchés financiers n’y seraient pas défavorables.

Nous réglerons ainsi plus progressivement la crise financière (de liquidité) avec une BCE plus accommodante.

Et nous pourrons régler la crise budgétaire en différant dans le temps, en fonction de la croissance observée, les efforts consentis pour se désendetter.

Nous devrons alors nous engager dans le chantier du règlement de la crise économique, qui passe forcément par une relance européenne, un euro plus faible, et des transferts sociaux intra-européens afin de faire face au chômage et au différentiel structurel de compétitivité entre pays européens.

C’est une voie médiane et étroite, mais c’est la seule possible. A défaut, la sortie de l'euro deviendra inéluctable.

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