On vote dimanche en Nouvelle-Calédonie, pour élire les membres du Congrès, l'assemblée régionale locale. Défini par les Accords de Matignon et de Nouméa, le corps électoral fait l'objet de recours du FLNKS et du parti travailliste, qui contestent l'inscription irrégulière de Métropolitains. Pour Mathias Chauchat, professeur de droit public à Nouméa, « l'Etat doit rendre les listes transparentes », au risque de la contestation du scrutin.
Les élections au Congrès de la Nouvelle-Calédonie auront lieu le dimanche 11 mai 2014. Les indépendantistes, qui progressent régulièrement, seront au seuil du pouvoir. L'équilibre du Congrès se jouera à quelques sièges.
La Nouvelle-Calédonie est un pays en voie de décolonisation. La colonisation, c’est le peuplement. Toutes les insurrections sont nées en Nouvelle-Calédonie des déséquilibres démographiques entre le peuple kanak autochtone et les Français, à l’issue de chaque vague migratoire. L’Accord de Matignon, signé en 1988, puis l’Accord de Nouméa ont neutralisé ce flux migratoire en gelant le corps électoral. Ce processus est sous le regard des Nations unies.
Schématiquement, une personne arrivée avant l'Accord de Matignon de 1988 est électrice avec ses descendants. Une personne arrivée après l'Accord de Nouméa de 1998 ne sera jamais électrice. Pour ceux arrivés entre 1988 et 1998, il faut 10 ans de résidence continue ET être inscrits sur la liste électorale de 1998. Ce dernier critère n'est pas appliqué alors qu'il avait été exigé dans les négociations de l'Accord, et inscrit dans cet Accord, pour mesurer « l'ultime concession », au nom près, faite par le FLNKS.
Cette situation reste mal comprise de la part des Métropolitains qui sont privés du droit de vote. La tentation est grande, pour les partis non indépendantistes, de rouvrir le corps électoral en intégrant les populations arrivées, pour « noyer démocratiquement » les Kanak. L’Etat français, allié aux municipalités non indépendantistes, est au cœur de la multiplication des inscriptions indues. Il a refusé jusqu'en 2013 l’accès à la liste électorale de 1998, empêchant ainsi de connaître, précisément et nominativement, ceux qui pourront accéder à la citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie.
Avant les provinciales, et après plusieurs années de demandes répétées, le FLNKS (Front de Libération Nationale Kanak et Socialiste) et le parti travailliste ont demandé la révision des listes électorales, l'inscription de Kanak omis et la radiation de nombreux électeurs indûment inscrits, représentant plus de 6 % de la liste électorale. Le tribunal de première instance de Nouméa a rejeté en bloc les recours, sans les examiner, alors que le tribunal de Koné au Nord a radié. Juridiquement, la question est la charge de la preuve que le tribunal entend laisser entièrement à la démonstration des tiers électeurs requérants, alors qu'ils n'ont pas le droit d'obtenir les pièces des commissions administratives électorales qui établissent les listes. Cette situation incohérente sera tranchée par la Cour de cassation.
Roch Wamytan, président indépendantiste du Congrès et signataire de l’Accord de Nouméa au nom du FLNKS, a expliqué dans une conférence de presse, le 27 février 2014, les principes qui doivent être au cœur du respect de l’Accord de Nouméa et de l’engagement de la France dans le processus de décolonisation (voir le document joint).
Cette affaire est grave, non seulement parce qu’elle jette un doute sur la capacité de la France à décoloniser pacifiquement, mais parce qu’elle porte en elle la contestation de l’élection du Congrès de la Nouvelle-Calédonie. Le corps électoral référendaire, qui suit les mêmes procédures d'établissement, sera lui aussi très certainement contesté. C’est tout le processus d’achèvement de l’Accord de Nouméa qui est potentiellement menacé. On ne bâtit que sur le respect de la parole donnée et la confiance. L’Etat, compétent en matière électorale, doit rendre les listes transparentes.