Billet de blog 7 mai 2015

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Contre le trafic de drogue, une guerre discriminatoire

L'Association française de réduction des risques (AFR) liés à l'usage des drogues a lancé, au mois d'avril, avec le Cran et le think tank République et Diversité, une campagne pour montrer que la répression contre le trafic de stupéfiants touche de façon disproportionnée les minorités ethniques. Son vice-président, Fabrice Olivet, pose le débat et appelle « à une prise de conscience de tous les Français ».

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L'Association française de réduction des risques (AFR) liés à l'usage des drogues a lancé, au mois d'avril, avec le Cran et le think tank République et Diversité, une campagne pour montrer que la répression contre le trafic de stupéfiants touche de façon disproportionnée les minorités ethniques. Son vice-président, Fabrice Olivet, pose le débat et appelle « à une prise de conscience de tous les Français ».


Depuis les années 80, les cités de banlieue servent à approvisionner en drogue la population des centres-villes, qui concentrent l’essentiel de la demande. Le travail de la police a consisté à matraquer les populations de ces quartiers populaires, sans souci d’efficacité. Au contraire, ce sont les populations qui ont pris en main le nettoyage de leurs quartiers par des moyens violents, l’islam jouant un rôle grandissant dans cette entreprise, au même rythme que grandit la haine de la police.

A l’heure où Baltimore est en feu à la suite de heurts violents entre la police et la population afro-américaine, les médias français ont tendance à décrire cette société comme parfaitement exotique, du fait de la centralité des questions raciales aux Etats-Unis. Quatre mois après les attentats de Paris et avec un électeur sur quatre prêt à voter pour le Front National, cette analyse mériterait d’être nuancée en remettant la question raciale en perspective dans l’Hexagone: c’est le sens de notre campagne « guerre à la drogue, guerre raciale » (gdgr.fr).

© AFR

Depuis trois décennies, notre pays livre une guerre sans merci aux soi-disant trafiquants de drogues. Sûrement par hasard, « la plupart » de ceux qui vont en prison « sont noirs et arabes » pour reprendre une formule célèbre. Il serait temps de réfléchir aux items raciaux qui imprègnent notre inaltérable lutte contre les stupéfiants au point de se demander quels liens paradoxaux cette croisade entretient avec l’islamisme d’un côté et la montée des mafias de l’autre. Et si l’apartheid dénoncé par Manuel Valls trouvait son origine dans une « chasse aux crânes » bronzés qui commence dans les années 80 ?

En 1980, l’héroïne règne en maître dans les cités de banlieue. La population des jeunes Français issus de l’immigration nés dans les années 60 est touchée de plein fouet. Morts du sida, morts en prison, morts d’overdose, ils payent un lourd tribut à ce que l’on ne qualifie pas encore d’épidémie, mais déjà de fléau. La figure du dealer arabe de cité se construit tranquillement derrière le paravent de la lutte contre la drogue. La culture raciste de la police, le contrôle au faciès, tout cela est justifié voire excusé par la sacro sainte guerre contre l’héroïne, un catéchisme lourdement rabâché à gauche comme à droite, comme le montre le film de Bertrand Tavernier L627. En résumé, la stratégie policière de harcèlement des consommateurs et des petits revendeurs fut inefficace en termes de sécurité et dans le même temps a servi à creuser un fossé profond entre les habitants et la police nationale.

Où en est-on en 2015? Le cannabis et, plus secondairement, la coke, ont remplacé l’héroïne. La population des jeunes Français issus de  l’immigration est maintenant définitivement labélisée « racaille ». Les mafias communautaires organisées par famille représentent aujourd’hui un modèle classique et l’islam devient l’unique recours de ceux  qui, de plus en plus nombreux, tentent d’inverser le cours de choses.

Le secret de famille, celui qui n’a jamais vraiment  transpiré à l’exception de quelques articles sporadiques dans la presse, c’est l’origine de ce marché, principalement assis sur une demande de drogue émanant de notre classe moyenne blanche. Hier, comme aujourd’hui, la question des drogues est oblitérée par le point aveugle d’une demande persistante qui vient peser sur le terrain sensible des cités de banlieue. 

A quoi doit-on cette remarquable réussite en matière d’intégration républicaine ? A trois éléments toujours opératoires de nos jours.

Premièrement, la  politique du chiffre mise à l’honneur dans la police depuis 30 ans a installé durablement une méfiance instinctive des habitants des quartiers vis à vis de l’Etat et, plus spécifiquement, des forces de l’ordre. Lorsque vous êtes victimes de coups, d’injures racistes et de contrôle au faciès systématiques, vous abandonnez l’idée de vous adresser au commissariat même lorsque, à l’âge adulte, devenu parent et contribuable, vous êtes victime d’une agression ou d'un cambriolage.

Ensuite, de nombreux habitants des quartiers ont eu à cœur de « faire le ménage » eux-mêmes. La multiplication des « chasses aux tox » ou de « chasses aux dealers » dans la séquence 1985-2005 est caractéristique de cette réponse communautaire spontanée. Dans les faits, ces manifestations furent à la fois encouragées par l’islam et l’occasion, pour la génération montante des petits frères dealers de shit, d’évincer la concurrence de l’héro totalement discréditée en terme d’image. 

Enfin, l’apartheid à la française a refermé ses griffes sur les habitants des cités en niant la dimension raciale des problèmes rencontrés par un jeune « beur » ou « renoi » né en France. Dans notre pays, c’est bien connu, les races n’existent pas, il n’y que des problèmes économiques et sociaux. La cécité obligatoire, l’autisme affectif, organisés par le credo universaliste, ont cloué les dernières planches du cercueil républicain en banlieue.

Notre campagne « guerre à la drogue, guerre raciale » veut entraîner une prise de conscience, par tous les Français, du caractère inique de cette lutte contre les stupéfiants, menée uniquement à charge contre les cités.

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