La «croissance exponentielle des mètres carrés de grandes surfaces ne répond à aucune logique économique», constatent Agnès Michel, candidate EELV dans la 3e circonscription de Paris, et David Belliard, son suppléant. Dans ce quartier en chantier où un centre commercial de 30 000 m² doit voir le jour, il est pourtant « possible de rendre l’opération exemplaire ».
30 000 mètres carrés. C’est l’énorme surface d’activités et de commerce que l’opération Clichy-Batignolles prévoit de créer sur une superficie équivalente à deux fois celle du stade de France. Les promoteurs de ce projet n’y sont pas allés de main morte, bien décidés à installer au cœur du XVIIe arrondissement de Paris l’une des plus grandes surfaces commerciales intra-muros. Mais, comme à chaque fois pour ce type d’opérations, aucune réelle concertation n’a été menée. Et pour cause! Elle ne répond ni aux besoins des habitants et des commerçants, ni à celui du développement de ce quartier.
Il ne s'agit pas simplement d'un cas isolé depuis le démantèlement partiel de la loi Royer. Cette dernière instituait que tout projet commercial excédant une superficie de 300 m² devrait faire l’objet d’une autorisation délivrée par une commission départementale d’urbanisme commercial (CDUC, devenue depuis la CDAC). Cette loi avait pour objet de protéger les petits commerçants face à l’expansion des grandes surfaces. Elle a été allégée par le gouvernement Raffarin ainsi qu’en 2008 par une loi relevant le seuil de superficie à 1 000 m².
Toutefois, au cours de toutes ces années, l’évolution du volume de surfaces autorisées en CDUC a été considérable. Il est passé de 2 millions de m² en 1997 pour atteindre 43 millions de m² cumulés en 2010. Cette progression de 44 % est infiniment supérieure à celle de la consommation, qui n’a augmentée que de 14 % sur la même période. De même, le chiffre d’affaires généré par ces nouvelles surfaces autorisées devrait augmenter de 470 millions d’euros d’ici 2012 alors que dans le même temps, le potentiel de commercialisation ne devrait croître que de 170 millions d’euros. Cette croissance exponentielle des mètres carrés de grandes surfaces ne répond donc à aucune logique économique.
La conception et la réalisation de grandes opérations de ce type sont confiées à des grandes structures, elles-mêmes des filiales de grands groupes financiers, dont la stratégie est avant de tout de favoriser l’implantation et le développement des grandes marques internationales au détriment des acteurs locaux. Résultat : les rapports entre les commerçants et les clients sont aseptisés et appauvris, les habitants ne s'approprient pas des équipements imposés sans dialogue tandis que les produits proposés au public sont toujours davantage standardisés. La multiplication de grandes enseignes et de centres commerciaux continue à perpétuer une approche consumériste des rapports urbains, alors même que les Batignolles, pour reprendre cet exemple, fourmillent d’initiatives populaires et alternatives.
La multiplication des associations pour le maintien d’une agriculture paysanne (Amap) qui favorisent les circuits courts entre producteurs locaux et consommateurs, le développement de boutiques équitables ou encore l'implantation de commerces biologiques contribuent à transformer l’acte même de consommer en le rendant responsable et citoyen. Tout le monde y gagne! Les producteurs, qui écoulent dans de bonnes conditions leurs productions, les consommateurs, qui trouvent des produits de qualité, et l’environnement qui bénéficie d’une empreinte écologique réduite. Une concertation un tant soit peu démocratique avec les riverains et les commerçants locaux permettrait d’exprimer ces nouvelles façons de consommer.
Malheureusement, nos gouvernants sont très loin de tout cela! Pour preuve, le projet de loi Piron et Ollier, voté par l’Assemblée nationale en juin 2011 et toujours en discussion au Sénat, veut réglementer les implantations commerciales futures dans les villes par le seul plan local d’urbanisme, sans analyse des besoins réels. Les collectivités devraient pouvoir réagir en planifiant les futures créations commerciales à partir des besoins objectifs de leur territoire. C’est parce qu’une demande existe qu’un projet commercial trouve sa justification et non l’inverse. A ce titre, il est encore possible de rendre l’opération Clichy-Batignolles exemplaire, en promouvant les commerces responsables et les initiatives citoyennes, bref, en faisant de cette zone un véritable lieu de vie et convivialité. Pour cela, une vraie prise en compte des attentes des commerçants, des riverains et des élus locaux constitue une nécessité absolue.
Sortir de la consommation de masse néfaste pour notre santé et notre environnement, favoriser l’émergence d’un consommateur citoyen et responsable, développer les bases de concertations locales pour les projets touchant au quotidien, voilà un beau dossier pour la prochaine majorité à l’Assemblée nationale.