Billet de blog 8 mars 2012

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Renouveler le féminisme par le genre

Saluant le «retour dans la campagne présidentielle» des thèmes féministes, Pierre Lénel, sociologue, et Virginie Martin, politologue, pour le Laboratoire Politique – Think Tank Different, estiment en ce 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, que seule l'approche par le genre permettra de construire une «pensée du contemporain».

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Saluant le «retour dans la campagne présidentielle» des thèmes féministes, Pierre Lénel, sociologue, et Virginie Martin, politologue, pour le Laboratoire Politique – Think Tank Different, estiment en ce 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, que seule l'approche par le genre permettra de construire une «pensée du contemporain».

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Cette campagne présidentielle semble –par certains aspects– refaire du féminisme un enjeu. Peut-être allons-nous enfin arrêter de subir les effets d’annonce et de manches et connaître la fin d’un féminisme d’apparence… Ce mot «féminisme» reprend du panache et c’est tant mieux: les jeunes générations estiment trop souvent que ce terme est désuet ou relevant d’un combat dépassé. Or le féminisme désigne pourtant un mouvement allant au-delà du temps et des modes.

Car, le féminisme reste ce qu’il a toujours été: une pensée du contemporain; à la fois caisse de résonance des questions de la cité et source d’innovations politiques et humaines. Les thématiques qui font régulièrement la une des médias sont bel et bien à la fois des questions adressées aux féminismes et des questions qu’un féminisme renouvelé peut contribuer à éclairer.

Mais ne nous y trompons pas: le féminisme ne pourra s’affirmer comme ressource réelle de la pensée politique qu’à la condition de s’approprier les réflexions contemporaines sur le genre et toutes les potentialités ce que ce concept contient.

Le recours au genre est essentiel et mérite mieux que le débat avorté à propos des manuels scolaires. Certains candidats proposent d’ailleurs de déconstruire les stéréotypes de genre… que de progrès dans le discours! Un renouvellement du féminisme au moyen d’une approche par le genre permet à la fois de répondre à certains défis contemporains (notamment celui du mariage homosexuel) mais de reprendre aussi les anciennes mais hélas toujours actuelles revendications des féministes dites historiques. Il sera dès lors possible d’apporter des réponses nouvelles qui permettront d’avancer sur des axes classiques: partage des tâches domestiques, question de l’égalité salariale, violences, etc.

Car, en tant que chercheurs, nous constatons chaque jour combien il est indispensable de revenir sur les processus de socialisation des plus jeunes. Les stéréotypes et leur reproduction, qu’une approche genrée permet de mettre en évidence et de déconstruire, se cristallisent dès la petite enfance, puis à l’école, dans les familles, les médias. Les inégalités salariales, professionnelles, l’absence de représentation des femmes en politique ne sont finalement que des conséquences de ces stéréotypes intégrés. Ce n’est donc qu’en agissant en amont que l’on peut espérer faire bouger les lignes.

Une urgence s’impose alors: celle de s’engager dans le chantier d’une réflexion sur le genre, qui pose de manière la plus simple qui soit la question des rôles sociaux, afin de revisiter ces revendications toujours d’actualité au-delà des invocations rhétoriques et politiques. De même, cette nouvelle orientation de la pensée permettra de développer une réflexion sur la République ou de réfléchir à la ré-élaboration d‘un universel non discriminant.

Sous cet aspect, et seulement sous celui-ci, le féminisme peut aider à construire une pensée du contemporain. Les troubles du (des) féminisme(s) actuel(s) ne doivent pas faire croire que ces débats ne sont que le reflet de querelles de personnes. Si le féminisme a plusieurs facettes, c’est qu’il comporte en lui toutes les difficultés, les tensions, les incertitudes de nos environnements contemporains. Une approche résolument genrée permet de dépasser les apories des féminismes classiques et d’aborder de manière radicalement nouvelle ces questions.

Ce n’est donc pas par hasard s’il fait retour dans la campagne présidentielle. Plus ou moins consciemment, les candidat(e)s savent qu’en allant chercher du côté du féminisme, ils se donnent les moyens de renouer avec des forces qui ont contribué aux transformations et au progrès de nos sociétés.

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