Billet de blog 8 mars 2012

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Un forum de l’eau peut en cacher un autre

«Pour être protégée, en France et dans le monde, l’eau a plus que tout besoin de vigilance démocratique, d’attention citoyenne et de gestion partagée»: tout l'inverse de l'optique du Forum mondial de l'eau organisé la semaine prochaine à Marseille, déplore Jacques Perreux,conseiller régional d’Ile-de-France (EELV), et à côté duquel se tiendra un forum alternatif.

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«Pour être protégée, en France et dans le monde, l’eau a plus que tout besoin de vigilance démocratique, d’attention citoyenne et de gestion partagée»: tout l'inverse de l'optique du Forum mondial de l'eau organisé la semaine prochaine à Marseille, déplore Jacques Perreux,

conseiller régional d’Ile-de-France (EELV), et à côté duquel se tiendra un forum alternatif.

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Le 6e Forum Mondial de l’eau va se tenir du 12 au 17 mars prochains à Marseille. Il attirera beaucoup moins d’acteurs, d’experts et d’élus que prévu. Sa gouvernance est très sérieusement contestée. En effet, le Conseil mondial de l’eau, qui l'organise, est l’émanation directe des entreprises multinationales de l’eau. Imagine-t-on un Forum de l’alimentation piloté par Monsanto et Nestlé?

Pourtant, l’eau est bien trop précieuse pour être traitée comme une simple marchandise et une source de profit. L’eau, c’est toute notre vie: notre santé, la biodiversité, les paysages, l’agriculture, l’alimentation, le climat, le bien-être de vivre en ville, autour du fleuve et de la rivière. L’eau, c’est aux génération futures que nous la laissons, c’est avec les autres que nous la partageons. L’eau appelle donc une éthique des temps longs et de l’intérêt général, pas le dogmatisme des temps courts et des intérêts privés!

Un seul exemple parmi tant d’autres suffit à mettre en cause la légitimité du Forum officiel. Lors de la dernière édition du forum à Istanbul, l’affirmation d’un droit fondamental à l’eau a été exclue de la déclaration finale –il a fallu la pression des ONG et l’initiative du président bolivien pour que ce droit soit enfin reconnu deux ans plus tard par l’ONU, en août 2009.

Il n’est donc pas étonnant que dans ce contexte, le besoin d’un forum alternatif se soit exprimé et concrétisé. C’est qu’au regard de la gravité des enjeux écologiques, sociaux, économiques, il est nécessaire d’élaborer de nouvelles réponses qui privilégient le fait que l’eau est notre bien commun. Pour être protégée, en France et dans le monde, l’eau a plus que tout besoin de vigilance démocratique, d’attention citoyenne et de gestion partagée.

C’est sans aucun doute cette exigence et cette aspiration montante qui expliquent qu’aux quatre coins du monde, on assiste au retour vers une gestion de l’eau en service public. Après Buenos Aires et Atlanta, c’est le cas à Munich, Berlin, Paris… mais aussi dans 300 communes françaises ces dernières années. En Italie, c’est un referendum d’initiative populaire qui a vu la victoire écrasante du non à la privatisation de l’eau.

Gestion publique ou déléguée au privé? Le sujet ne doit plus être tabou. Il faut évaluer quel est le meilleur type de gestion, surtout lorsqu’on veut une tarification sociale et la gratuité des premiers mètres cubes; lorsqu'on veut protéger l’eau et les milieux naturels des pollutions aux nitrates et aux pesticides, mettre en œuvre un traitement différencié des eaux pluviales; lorsqu'on veut limiter et affronter le dérèglement climatique et ses conséquences en sécheresses et inondations; lorsqu'on veut préserver nos nappes et nos sols des dangers que constituent l’exploitation des gaz et des pétroles de schiste…

Et encore, quel est le meilleur type de gestion pour développer une éducation à l’eau, qui responsabilise les citoyens, leur permettant de se faire les acteurs solidaires d’une nouvelle culture de l’eau?

Et enfin, quelle gouvernance mondiale de l’eau pour assurer à chaque être humain l’accès à l’eau potable et à l’assainissement? Rappelons que pour assurer ce droit aux 2,5 milliards d’êtres humains qui en sont privés, il suffirait de mobiliser 1% des dépenses militaires mondiales.

Oui, tous ces débats et bien d’autres doivent avoir lieu. L’eau a besoin d’échanges et de pluralisme. C’est pourquoi de très nombreux délégués au forum officiel auront à cœur de venir également débattre au forum alternatif. Ce dernier promet d’être un succès, qui n’aura coûté que quelques centaines de milliers d’euros, quand le forum officiel aura capté 32 millions de fonds d’Etat.

En refusant de subventionner le forum alternatif, le gouvernement français a fait preuve de sectarisme. Il a également commis une faute vis-à-vis de l’eau, notre bien commun.

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