Lettre ouverte des personnels grévistes de la Protection Judiciaire de la Jeunesse de la Seine-Saint-Denis à la ministre de la Justice, Christiane Taubira. « Aujourd’hui, la Seine-Saint- Denis est un territoire à l’abandon : les professionnels le quittent faute de conditions de travail décentes. Les jeunes et leurs familles sont laissés pour compte. » 27% du service était en grève le 6 juillet. Un rendez-vous intersyndical est prévu le 7 septembre.
En Seine-Saint-Denis, un adolescent ayant rencontré un juge doit attendre entre 6 mois et 1 an pour être pris en charge par un service de la Protection Judiciaire de la Jeunesse. Ce sont ainsi 200 jeunes sur 1450, qui ne peuvent pas être pris en charge en milieu ouvert, ce qui représente 1 sur 7.
En Seine-Saint-Denis, tous les droits des enfants et des adolescents sont bafoués : droit à la santé et aux soins, droit à l’éducation, droit à la formation et droit au logement. Au delà de la spécificité des situations, liée à l’extrême précarité sociale du territoire où nous exerçons, les conditions de travail se sont considérablement dégradées. Aujourd’hui, nous ne sommes plus en mesure d’assurer nos missions, c’est pourquoi nous sommes en grève.
Autrefois, ce département était attractif, dynamique, riche de ses innovations possibles, de ses multiples approches éducatives et pluridisciplinaires. Aujourd’hui, la Seine-Saint- Denis est un territoire à l’abandon : les professionnels le quittent faute de conditions de travail décentes. Les jeunes et leurs familles sont laissés pour compte. Cet état désastreux est dû à une absence totale d’ambition, de volonté et de courage politique de la part de la Direction Territoriale de Seine-Saint-Denis et de la Direction Inter Régionale pour porter les spécificités de ce territoire.
Nous refusons de revoir nos exigences de qualité de travail à la baisse. Ce ne sont pas, comme l’administration le propose, des contractuels en situation précaire et des stagiaires en formation qui pourront, seuls, renforcer les effectifs. Pas plus qu’ils ne pourront garantir un service public de qualité, là où la complexité des situations nécessite, au contraire, un renfort en personnels titulaires expérimentés. Actuellement, nous constatons que le Service Public de la Seine-Saint-Denis avec 4 % des effectifs tous corps confondus réalisent 8 % de l’activité nationale de la Protection Judiciaire de la Jeunesse. Nous sommes donc dans une situation de suractivité et c’est de la responsabilité de l’administration d’avoir laissé les équipes aller au bout de ce qu’elles ne pouvaient plus faire.
Cela s’est traduit par :
- des départs massifs de professionnels soit 38 postes vacants (dont 30 postes d’éducateurs, 2 postes de directeurs, 5 postes de responsables d’unité éducative et 1 poste assistant de service social) ;
- à nouveau des suppressions de postes en milieu ouvert et en insertion (2 postes de psychologues et 1 poste d’éducateur) ;
- 10 éducateurs contractuels non renouvelés en septembre 2015.
Dans les milieux ouverts les listes d’attente, au pénal comme au civil, s’allongent du fait des sous-effectifs chroniques des équipes. Certains de ces jeunes rencontrent un éducateur de milieu ouvert pour la première fois en prison alors qu’ils y sont déjà depuis 6 mois. Il y a 15 ans, le département comptait cinq hébergements collectifs. Il y a 2 ans, ce n’était plus que trois. Et aujourd’hui, il n’en reste qu’un seul en activité. Ainsi, le nombre de places en hébergement a été divisé par deux en 2 ans. En effet, le placement en Centre Educatif Fermé ne peut être envisagé que comme une alternative à l’incarcération et non comme un placement éducatif pour un adolescent.
Les Unités Educatives d’Activités de Jour (insertion) sont démantelées depuis plusieurs années et se réduisent comme une peau de chagrin. Nous ne pouvons plus répondre aux demandes d’accompagnement des adolescents pourtant de plus en plus exclus des dispositifs de droit commun. Actuellement, le nombre d’adolescents incarcérés est supérieur aux places existantes dans les quartiers mineurs des maisons d’arrêt de l’Ile-de France. Par exemple 44 jeunes étaient incarcérés pour 37 places au quartier mineur de la maison d’arrêt de Villepinte.
C’est pourquoi nous demandons un plan d’urgence pour la Seine-Saint-Denis par :
Un renfort en professionnels titulaires à la hauteur des besoins, c’est à dire au delà des postes vacants.
Des moyens supplémentaires alloués aux équipes pour dynamiser leur créativité et leur autonomie pédagogique.
Une baisse des normes de prise en charge tenant compte des spécificités du département et de la complexité des situations des familles.
Un véritable plan d’accueil pour les nouveaux arrivants, leur permettant de trouver du sens à leur travail.
Le rendez-vous est pris dès le lundi 7 septembre pour une AG intersyndicale de rentrée à l'appel du SNPES/PJJ/FSU et de la CGT-PJJ du 93.