Billet de blog 8 décembre 2009

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Pour les harkis, la vérité et la justice

Kader Hamiche, auteur d'un « Manifeste d'un fils de Harki fier de l'être », répond à Fatima Besnaci-Lancou et Gilles Manceron. 

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Kader Hamiche, auteur d'un « Manifeste d'un fils de Harki fier de l'être », répond à Fatima Besnaci-Lancou et Gilles Manceron.

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Fatima Besnaci-Lancou et Gilles Manceron (lire leur article) commencent par dire que « [les Harkis] ont l'habitude qu'on parle à leur place au lieu de les écouter ». Or, eux-mêmes ne font pas autre chose dans ce texte qu'on dirait dicté par les autorités algériennes elles-mêmes.

Chaperonnée par la Ligue des Droits de l'Hommequi est une des composantes essentielles du lobby pro-FLN en France, FBL, comme nous, les enfants de Harkis militants, l'appelons, est en mission spéciale pour le président Bouteflika (qui a dit en 2000 que les Harkis étaient des « collaborateurs au service d'une armée d'occupation » qu'il a comparée à l'armée nazie) et ses amis héritiers des porteurs de valises parfaitement représentés ici par Gilles Manceron.

Sans tomber dans leurs travers, je prétends que, contrairement à ce que FBL et Gilles Manceron écrivent, les Harkis dans leur très grande majorité reconnaissent bel et bien la loi du 23 février 2005 comme leur étant, insuffisamment mais réellement, favorable. Notamment à cause de son article 5 (dont on ne parle jamais, curieusement) qui, pour la première fois dans notre histoire, interdit les insultes aux Harkis. Un article incomplet, d'ailleurs, puisqu'il a permis à la Cour d'Appel de Montpellier de condamner sévèrement Georges Frèche sur le plan moral sans qu'elle prononce des sanctions concrètes lorsqu'il a traité les Harkis de sous-hommes. Une lacune qui semble en voie d'être comblée si on en croit le député de Béziers Elie Aboud, Président du groupe de travail sur les Rapatriés à l'Assemblée nationale. Cet article gène énormément les Algériens et la Ligue des droits de l'homme voudrait bien le voir supprimer comme tout le reste de la loi.

Mais il est clair que FBL et GM sont ici surtout préoccupés d'enfourcher leur dada habituel et de défendre leur fonds de commerce idéologique : la lutte, anachronique et confortable, car il n'y a plus de danger à s'y livrer dans le contexte actuel de politiquement correct absolu, contre un colonialisme qui n'a plus court depuis bientôt un demi-siècle. Et, là encore, et tant pis si ça leur fait de la peine, les Harkis, en tout cas si j‘en crois ceux que je fréquente (il se peut qu'ils ne fréquentent pas les mêmes) sont loin de penser que la France n'a rien fait de bon en Algérie. Et, là, je me permets de citer quelqu'un de parfaitement représentatif à mes yeux puisqu'il a servi pendant 6 ans et 9 mois comme Harki, qui dit et répète à qui veut l'entendre : « En 1955, nous avons créé un groupe d'auto-défense parce que nous pensions que seule la France pouvait gouverner l'Algérie. Cinquante ans après, si c'était à refaire, je le referais ! » Ce Harki, c'est mon père.

Notre duo dépasse les bornes en prétendant que les Harkis ne veulent pas qu'on « rende hommage à ceux qui ont fait le « bon choix » (mis entre guillemets par les acteurs de l'article, ce qui en dit long sur leur appréciation du choix des Harkis !) » sous prétexte que cela alimente « la stigmatisation officielle sur l'autre rive ». Qu'est-ce-que ça veut dire ? Que, pour nos auteurs, ce qui compte avant tout, c'est l'opinion des Algériens et non celle de ceux qu'ils prétendent défendre ? Que les musulmans d'Algérie qui avaient choisi de combattre dans les rangs de l'Armée française contre les égorgeurs du FLN auraient fait un « mauvais choix » ? Ce serait, pour Fatima Besnaci-Lancou, fille de Harki, une très étrange façon de défendre la mémoire de son père. C'est, évidement, beaucoup moins étonnant de la part du thuriféraire des porteurs de valises qu'est Gilles Manceron.

Enfin, on ne voit pas bien d'où nos duettistes tirent que « les anciens Harkis et leurs descendants », comme ils disent, « n'ont rien à voir avec une Fondation pour la mémoire de la guerre d'Algérie » dont ils font mine de penser par avance qu'elle fera l'apologie de la « colonisation positive ». Tout ce que veulent non seulement les anciens Harkis et leurs descendants mais aussi les Pieds-Noirs et leurs descendants et tous les Français dans leur ensemble, c'est la vérité et la justice. Deux objectifs qui peuvent être atteints par l'action des historiens et des intellectuels, des journalistes (je parle pour Médiapart, par exemple, dont le directeur-fondateur, Edwy Plenel, n'est pas le plus mal placé pour en juger et pour agir) ET des politiques. Que Fatima Benasci-Lancou et Gilles Manceron en conviennent et cessent de se croire les seuls dépositaires de l'histoire de la colonisation et, singulièrement, de celle des Harkis.

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