Secrétaire général de Terra Nova Etudiants, Paul Blin prend la défense de François Hollande, « président-arbitre qui tranche après avoir écouté les parties contradictoires » plutôt que « président-autoritaire qui méprise les opinions et institutions de la République ».
Un très récent sondage a remué notre système politico-médiatique, ne manquant pas de devenir un nouveau cheval de bataille pour l'UMP comme pour tous les détracteurs de l’actuel Président français.
À la question « pensez-vous que le président Mr François Hollande manque d'autorité ? », 86% des sondés ont répondu oui ! Le verdict est sans appel, les Français en sont convaincus, le président de la République française n'est pas autoritaire. Encore plus loin, 87% des Français estiment que le pays « a besoin d’un vrai chef pour remettre de l’ordre » (sondage Ipsos 25 janvier 2013).
Ce qui m'a marqué, ce n'est pas le résultat du premier sondage –résultat qui me paraît d'ailleurs n’être qu'un banal constat– mais son interprétation et l’explicitation du second.
Pour rappel, le Larousse définit l’autorité comme le « pouvoir de décider ou de commander, d'imposer ses volontés à autrui ». Ainsi, à entendre les commentaires politiques et journalistiques, ce manque d'autorité serait un défaut incompatible avec la fonction du chef de l'Etat. Comme si la conduite de la nation devait être menée par un commandant-président de la République, sorte de dirigeant autoritaire, imposant ses volontés. Comme si nous ne pouvions relever le pays de la crise sans la poigne d’un homme providentiel. N’oublions pas qu’un tel pouvoir est souvent dangereux pour la démocratie, il ne se pratique pas sans mépris des institutions et du peuple.
Certes, le président de la République est élu sur un programme, mais cela doit-il le rendre sourd à tout débat, hermétique aux discussions, indifférent à l'opposition et aux différentes contradictions possibles de notre paysage politique républicain ? Bien sûr que non ! La France est une démocratie, de ce fait respectueuse des divergences d'opinions qui la composent. Son président est le président de TOUS les Français, dans leur diversité la plus hétérogène. Si le chef de l'Etat peut être un guide, il ne doit en aucun cas être un tyran imposant sa volonté. Edouard Herriot soulignait d’ailleurs très justement que, « dans une nation libre, le seul avis qui ait de l’autorité, c’est l’exemple ».
Ainsi, un président qui réfléchit, qui écoute, qui prend le temps de choisir est un président garant du bon fonctionnement de la République. Car l’impétuosité, si elle peut être l’avantage principal du général dans la bataille, n’est que synonyme de danger pour les institutions. Un président respectueux de la République est un président à l’écoute des avis divergents qui la composent. (On avait fustigé la proposition de François Hollande qui permettait aux maires le souhaitant d’émettre une sorte d’objection de conscience pour ne pas célébrer de mariages homosexuels).
Cette dérive autoritaire est peut-être provoquée par l’incessante remise en cause de la légitimité politique de l’exécutif. Mais un président ne perd pas sa légitimité lorsqu'il prend en compte la pluralité des opinions avant de trancher. En effet, lorsqu’il prend le temps de consulter les avis de tous ses citoyens, il avance avec eux. La France n'a sans doute jamais connu un tel comportement au sommet de l'Etat, habituée à la figure du chef. Personne avant François Hollande ne s’était autant effacé derrière les institutions et ne les a, en définitive, autant respectées : Il « veille au respect de la Constitution », laissant au Gouvernement le soin de « déterminer et conduire la politique de la nation », exactement comme le préconisent les articles 5 et 20 de notre Constitution !
Cela ne l’empêche nullement de conduire une politique cohérente avec son programme (plus de la moitié des promesses électorales de François Hollande ont déjà été tenues) et de maintenir un cap stable, constant et assuré.
Certes, le Premier ministre a peut-être, dans un premier temps, sous-estimé sa principale fonction constitutionnelle : celle de diriger l’action du gouvernement. Cette légère incohérence avait pu occasionner le sentiment d’une certaine vacuité à la tête de l’exécutif. Toutefois, les rôles s’harmonisent dans notre bicéphalisme d’Etat et l’éventuel remaniement, annoncé en demi-teinte, ne semble pas concerner J.-M. Ayrault.
Ainsi, les quelques dysfonctionnements au sein du gouvernement sont sains parce que naturels. Ils prouvent que les élus et les ministres ne sont pas muselés par un chef mais libres de déterminer la politique française. Un tel fonctionnement demeure encore inconcevable pour l’UMP et le FN, largement imprégnés de la culture du chef. L'arrivée d’un président déjà qualifié de mou pendant la campagne a sonné le glas de l’ère des chiens de garde du Sarkozysme. Cette « mollesse », qui n'en est finalement pas une, reste la meilleure garantie de la démocratie. Elle s’incarne en effet dans la grande conciliation trop souvent reprochée au président Hollande.
Pour le Larousse, la conciliation est « l’action qui vise à rétablir la bonne entente entre des personnes dont les opinions ou les intérêts s'opposent ». Cette nouvelle façon de gouverner est l’application de la révolution institutionnelle attendue depuis 1958 : pour la première fois en France, la Ve République est honorée stricto sensu.
Un président n'est donc jamais trop conciliant, concilier les intérêts étant le meilleur moyen de les fédérer, de les accorder. Je ne souhaite pas l'immobilisme des institutions auquel, j'en ai conscience, la cacophonie stérile des opinions contraires risque de mener. Je souhaite un arbitrage raisonné après une écoute attentive du peuple dans toutes ses composantes.
Alors oui pour un président-arbitre qui tranche après avoir écouté les parties contradictoires. Non au président-autoritaire qui méprise les opinions et institutions de la République au risque de cristalliser les mécontentements par trop d’avis bafoués.
Paul Blin, secrétaire général de Terra Nova Etudiants, et le bureau de TNE