Après la censure par le Conseil constitutionnel de treize articles de la loi Loppsi 2, Pierre Joxe, l'un de ses anciens membres (2001-2010) et le dernier à avoir été nommé par la gauche, commente cette décision «très importante». Mais il alerte aussi sur la loi «actuellement envisagée en cachette» d'abaissement à 16 ans de la majorité pénale.
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La décision du Conseil constitutionnel est très importante et elle fera date. Non seulement le Conseil Constitutionnel a censuré huit articles importants de cette loi (justice des mineurs, évacuations forcées), en donnant raison aux parlementaires socialistes, mais il en a encore censuré cinq autres de sa propre initiative, en particulier pour exiger le respect de l'autorité judiciaire.
Je parlerai d'abord de l'essentiel: la défense d'un service public menacé, la défense de la justice des mineurs. Le Conseil constitutionnel vient heureusement de donner un coup d'arrêt à la frénésie législative du gouvernement, en protégeant la célèbre l'ordonnance signée par de Gaulle en 1945. Deux raisons de s'en réjouir : d'abord, cette mauvaise nouvelle loi est partiellement censurée – j' y reviendrai; mais aussi le ministre de la Justice est dès aujourd'hui solennellement averti par le Conseil, alors qu'une future mauvaise loi est en préparation. C'est peu connu, mais il y a encore une nouvelle loi actuellement envisagée en cachette, pour traiter les enfants de 16 ans comme des adultes.
D'abord, la censure d'hier. Tout le monde peut la consulter facilement sur le site internet très lisible du Conseil Constitutionnel
Le gouvernement avait voulu autoriser certaines « peines planchers » par un texte incompréhensible, sauf par les initiés... Car le texte de cette loi est souvent obscur, mais la censure par le Conseil est très claire, heureusement, et tout le monde peut le lire :
27. « Considérant qu'en instituant le principe de peines minimales applicables à des mineurs qui n'ont jamais été condamnés pour crime ou délit, la disposition contestée méconnaît les exigences constitutionnelles en matière de justice pénale des mineurs ; que, par suite, le paragraphe II de l'article 37 doit être déclaré contraire à la Constitution.»
Le gouvernement avait aussi cherché à modifier, dans l'ordonnance de 1945, la procédure applicable aux enfants. Le Conseil le censure sèchement:
34. « Considérant que les dispositions contestées autorisent le procureur de la République à faire convoquer directement un mineur par un officier de police judiciaire devant le tribunal pour enfants sans instruction préparatoire par le juge des enfants ; que ces dispositions sont applicables à tout mineur quels que soient son âge, l'état de son casier judiciaire et la gravité des infractions poursuivies ; qu'elles ne garantissent pas que le tribunal disposera d'informations récentes sur la personnalité du mineur lui permettant de rechercher son relèvement éducatif et moral ; que, par suite, elles méconnaissent les exigences constitutionnelles en matière de justice pénale des mineurs ; que l'article 41 doit être déclaré contraire à la Constitution.»
Ensuite l'avertissement pour demain. La loi actuellement préparée en cachette ne reprend pas tout ce que le Président de la République avait annoncé. Elle ne reprend pas l'idée d'un nouveau code pénal pour les mineurs. En effet le gouvernement a heureusement reculé là-dessus, déja. Mais il essaye de continuer le saucissonnage de l'ordonnance de 1945 en s'attaquant, pour commencer, au statut des jeunes de 16 à 18 ans.
Je suppose, j'espère que le nouveau ministre de la Justice, qui ne s'est jamais conduit comme un extrémiste, va entendre et mesurer l'avertissement salutaire que lui a donné hier le Conseil, un an avant les élections générales...
Pierre Joxe