Billet de blog 11 juin 2009

Les invités de Mediapart (avatar)

Les invités de Mediapart

Dans cet espace, retrouvez les tribunes collectives sélectionnées par la rédaction du Club de Mediapart.

Abonné·e de Mediapart

Quelle société dessine la gestation pour autrui?

Les invités de Mediapart (avatar)

Les invités de Mediapart

Dans cet espace, retrouvez les tribunes collectives sélectionnées par la rédaction du Club de Mediapart.

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Les “forums citoyens” censés préparer la refonte des lois de bioéthique ont débuté mardi 9 juin. Deux autres sont prévus ce jeudi 11 puis le 16 juin. Mères porteuses, recherche sur les cellules souches, tests génétiques y seront abordés. A cette occasion, le Planning familial, l'Ancic (association nationale des centres d'interruption de grossesse et de contraception) et la Cadac (coordination des associations pour le droit à l'avortement et à la contraception), estiment, à travers ce texte qu'il nous ont adressé, qu'une loi ne résoudra pas la question de la gestation pour autrui.

------------------

Illustration 1

A l'occasion des «forums citoyens» organisés par les états généraux de la bioéthique, il nous apparaît nécessaire de poser publiquement les questionnements que font naître pour nos associations certains des thèmes abordés.
La gestation pour autrui (GPA) a déjà suscité des prises de positions ou propositions législatives or les enjeux doivent d'abord se poser clairement et rationnellement. Ce thème pose et fonde à la fois le projet de société à partager et les conséquences qui en découleront pour les protagonistes de la GPA que sont les femmes, les couples et enfin les enfants qui pourraient naître de son autorisation en France.


Ainsi, les débats menés pour la révision prochaine des lois bioéthiques inscrivent-ils en filigrane la place du désir d'enfant, de la parentalité biologique et/ou sociale et de l'injonction à la maternité vue comme la normalité pour toute femme ou tout couple dans notre société.


Plusieurs niveaux d'approches et d'arguments y sont développés. Tout d'abord celui des droits humains fondamentaux à travers la liberté du choix qui réaffirme le droit des femmes à disposer de leur corps dans le respect et la dignité. Viennent ensuite une approche économique qui vise à organiser et gérer pour répondre aux attentes des demandeurs et une approche juridique pour offrir une filiation aux enfants nés par GPA.
La lecture psychologique voire psychanalytique annonce ne pouvoir évaluer les répercussions psychologiques sur le ou les enfants de la mère porteuse comme sur celui né par GPA arguant que durant ce type de grossesse, il est tout à fait envisageable que la mère porteuse ait une moindre disponibilité pour ses enfants voire, une fois l'accouchement réalisé, qu'un sentiment d'abandon pour l'enfant conçu par GPA puisse se faire jour.
Dernière approche, notre société ne voudrait pas laisser s'organiser une souffrance chez les couples demandeurs, sans prévoir des procédures de soulagement.


Allons plus loin dans la compréhension des enjeux de la GPA et prenons l'angle des femmes et de la représentation qu'en a notre société –hormis celle de mère à tout prix. Une femme stérile serait prête à tout pour contourner cet état, avec, en creux la question du corps de l'Autre. Est-il possible de l'instrumentaliser à son profit?
De son coté, la femme féconde est-elle donc si altruiste qu'elle fera don de 9 mois de sa vie plus quelques cycles très contraignants pour cette fécondation? Quel goût de la grossesse, quelle empathie pour les autres femmes la poussera à faire ce choix! Celui de disposer de son corps jusqu'à en être dépossédée?
Enfin, un cadeau sera le bienvenu en remerciement de «tout ce bonheur du monde». Cadeau? Commerce? Dédommagement? Vente? La sémantique vient au secours d'une société qui tend à accepter que le corps humain devienne objet. Acheter, vendre, rétribuer, compenser, dédommager... Le corps des femmes a-t-il jamais été vu autrement? L'analogie avec la prostitution vient facilement à l'esprit. Poussant plus loin cette logique, il devient évident que la GPA réinterroge la question de l'anonymat et la gratuité du don de produits du corps humain.
Enfin, dans une société en crise économique et sociale, il est légitime de s'interroger sur les profils des femmes qui «candidateront» au rôle de mères porteuses. Qui seront-elles? Femmes sans emploi à faibles revenus ou riches héritières nageant dans le bonheur?

Socialement, le modèle de couple reconnu est bien féminin/masculin avec un soupçon de domination masculine. La représentation de la famille et l'imaginaire associé restent classiques et demeurent le référentiel sociétal. En ce sens, la GPA renforce ce modèle dominant.

La question posée est bel et bien: peut-on être une personne sans être la fille ou le fils biologique de? Faut-il y ajouter les spirales de l'ADN pour mieux sceller cette appartenance et la traçabilité que permet le code génétique pour repérer les pérégrinations familiales à travers le monde sans falsification possible? Avoir, en tant que personne une existence juridique ne suffirait-elle plus qu'il faille lui adjoindre une filiation sans faille identique à celle de sa famille? Serait donc suspect, celui ou celle qui souhaiterait garder l'anonymat.

A travers le prisme de lecture que nous venons de brosser, la mère porteuse serait donc réduite à la seule étape du processus grossesse comme machine à procréer?
Dans une société où la seule «norme» admise est la famille «classique» à filiation biologique, aucune place, aucune reconnaissance sociale ne semble prévue pour les mères porteuses après l'accouchement alors qu'auraient pu être favorisées l'émergence d'autres formes de structures familiales. En l'état actuel des débats, force est de constater que les femmes sont réduites à leur seule fonction de reproductrices.

La GPA existe dans d'autres pays et une loi pour encadrer ces pratiques interdites en France est évoquée. Quels en sont les buts? Protéger des couples stériles et répondre, comme cela se fait pour les «victimes» à leur demande avec empathie et compassion? Ou bien s'agit-il de protéger la santé des femmes porteuses d'enfants alors que les risques d'une grossesse et d'un accouchement sont parfaitement imprévisibles?

Tandis que les procédures d'adoption existent pour répondre à ces demandes, les parents d'enfants nés par GPA réclament une filiation biologique. De fait cela introduit une hiérarchisation entre filiation biologique et filiation par adoption avec suprématie de la première. Que faire alors des affirmations des pédo-psychiatres quant à prévalence du lien affectif sur le lien biologique?

Les questions sociales et sociétales posées par la GPA sont bien supérieures au bénéfice annoncé du processus législatif envisagé avec le frein essentiel de la marchandisation du corps d'autrui, quoiqu'on en dise!
Autre question tout aussi essentielle, dont les exemples se multiplient, une société doit-elle légiférer pour prendre en compte toutes les attentes d'une minorité de personnes, même s'il convient d'y répondre au mieux?
Pour nous, tout ne peut se résoudre par la loi, la GPA en fait partie.

Paris, le 10 juin 2009
ANCIC (association nationale des centres d'interruption de grossesse et de contraception)

CADAC (coordination des associations pour le droit à l'avortement et à la contraception)

et le Planning Familial (MFPF)

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.