Billet de blog 12 mars 2012

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Marseille: garantir une police citoyenne

Marie Batoux, candidate du Front de gauche aux législatives dans la 3e circonscription des Bouches-du-Rhône, critique les «agitations gouvernementales» et frontistes liées aux épisodes de violence qu'a récemment connu la capitale phocéenne. Selon elle, «ceux qui s’emparent du thème de l’insécurité sans s’attaquer à l’insécurité sociale sur laquelle elle prospère, ne font qu’agiter un leurre commode en période électorale».

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Marie Batoux, candidate du Front de gauche aux législatives dans la 3e circonscription des Bouches-du-Rhône, critique les «agitations gouvernementales» et frontistes liées aux épisodes de violence qu'a récemment connu la capitale phocéenne. Selon elle, «ceux qui s’emparent du thème de l’insécurité sans s’attaquer à l’insécurité sociale sur laquelle elle prospère, ne font qu’agiter un leurre commode en période électorale».

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Illustration 1

Marseille a été placée ces derniers temps au centre de l’actualité pour être «élevée» au rang de capitale de l’insécurité. Une succession de crimes d’une grande violence s’y est déroulée avec des armes de guerre.

Cela a donné lieu aux traditionnelles agitations gouvernementales gonflées d’autosatisfaction pour tenter de cacher l’échec d’une politique et la réalité de la vie quotidienne dans les quartiers populaires de cette ville. Lundi 5 mars, Monsieur Guéant a joué ce rôle. La veille, Marine Le Pen a préféré parler d’immigration, selon les classiques de l’extrême droite, pour esquiver le vide d’un projet qui s’aligne souvent sur celui du Sarkozy de 2007. Non, vraiment, vous n’aimez pas les Marseillais, Madame Le Pen, pour leur infliger un tel mélange de bêtises et de haine! Et les Marseillais ne vous aiment pas non plus comme le montre leur petit nombre  –2.500 personnes dans une salle réduite, ramenées à grand frais de toute la région, au sein de la deuxième ville de France, pour crier devant vous.

Car, derrière l’exploitation médiatique de quelques événements, la réalité de Marseille, c’est l’accroissement des inégalités avec presque un tiers de la population qui vit sous le seuil de pauvreté et un taux de chômage qui dépasse 14%. Cette violence sociale, qui nourrit la délinquance, devrait être au cœur de l’action publique.

Au contraire, apparaît cruellement aujourd’hui l’absurdité d’une politique préoccupée uniquement des plus riches, misant sur le tourisme du luxe en espérant, selon la belle logique capitaliste, que cette caste répandrait quelques miettes aux habitants lors de son passage.

A Marseille, c’est une politique de ségrégation sociale et de ghettoïsation qui s’est amplifiée, dans les Quartiers Nord, cités et quartiers villageois confondus, et ce afin de privilégier la confection d’une belle vitrine autour du Vieux Port, dans le périmètre restreint d’Euroméditerranée. Avec la droite municipale et gouvernementale, la République a déserté les quartiers populaires du nord de la ville. A cela s’ajoute une pratique clientéliste de l’ensemble des élus, qui sert de paix sociale mais ne résout en rien les problèmes de pauvreté et de grand banditisme de ces quartiers. On assiste ainsi à un abandon de ces habitants, tant au niveau des politiques locales que nationales, dans le domaine de l’éducation, du logement, de la santé, des transports, de la formation, de l’emploi… mais aussi de la police.

En cinq ans, la ville a perdu environ 10 % de ses effectifs policiers et la pénurie touche tous les services, police judiciaire, brigade des stupéfiants (divisée par deux) et les commissariats ferment ou menacent de fermer dans les Quartiers Nord. Alors que rien n’est fait pour mettre en danger le grand banditisme, la police de terrain a disparu, les maigres effectifs restant se concentrent autour du Vieux Port, dans le «périmètre de sécurité renforcé». L’objectif est bel et bien de protéger tant bien que mal une vitrine officielle de la ville pour laquelle on nous «vend» la vidéosurveillance, solution inutile mais propre à déshumaniser nos villes toujours davantage.

Le bilan de la politique de Sarkozy dans ce domaine doit donc être fait: en 2007, il annonçait un «plan Marshall des banlieues», aujourd’hui on se tire dessus à la kalachnikov et on achète des gilets pare-balles aux policiers avec le fonds d’aide au logement! La dramatisation des incivilités n’a de résultats que médiatiques, tandis que la lutte contre le grand banditisme est en sommeil. L’échec de la politique du chiffre, au mépris du métier des policiers et des attentes de la population, est évident. Déjà longuement dénoncée, l’inefficacité des patrouilles (type BAC ou brigades de CRS) envoyées le temps d’une descente, apparaît à tous. Faut-il s’étonner alors d’entendre Marine Le Pen copier Claude Guéant et ne proposer que des opérations coup de poing, c'est-à-dire exactement la politique dont on constate l’échec? Pour la droite et l’extrême-droite, un seul projet: transformer les quartiers populaires en terrain de chasse pour policiers surarmés où les «représailles» épisodiques s’abattent indistinctement sur tous les habitants, puisque l’absence de travail de terrain entraîne une méconnaissance totale des lieux. Le mépris pour les habitants de ces quartiers le discute à l’incapacité.

Nous voulons rompre avec ces politiques, en rétablissant une police sur le terrain, présente dans les quartiers populaires, par le recrutement et la construction de commissariats là où ils ont disparu et par le développement d’une police de proximité qui puisse faire une action de prévention. Afin de cesser avec l’inégalité des populations sur le territoire, nous proposons la création d’un service de police unifié. Nous souhaitons la mise en place d’une police citoyenne et républicaine, au service de la population sur l’ensemble du territoire, ce qui a plusieurs conséquences.

En premier lieu, il s’agit de promouvoir et de développer l’action d’une police qui doit être nationale. Si nous souhaitons que la police soit au service des citoyens, de tous les citoyens,  alors, il faut en finir avec le système qui développe, selon l’état des finances de telle ou telle ville et les options politiques du maire, l’action (et le degré d’armement) des polices municipales dans certains quartiers et pas dans d’autres, au service de telles couches sociales et pas d’autres.

En second lieu, nous voulons que la police soit proche des citoyens, que les commissariats puissent être autre chose que les lieux de la désespérance, tant pour ceux qui y travaillent que pour ceux qui viennent y chercher aide et assistance. Nous considérons que la prévention doit être au centre de l’activité des policiers. Nous souhaitons que la police nationale puisse être à l’écoute des besoins des citoyens, via la présence de cette même police dans les Maisons des Services Publics dont nous souhaitons le développement.

Sur le plan juridique, il faut aussi sortir de la spirale inflationniste de durcissement des peines avec l’accumulation des lois votées depuis 2002. A l’opposé de la prison, comme étape initiatique du délinquant dans l’escalade des délits et l’échelle du banditisme, il faut favoriser la formation et la réinsertion, notamment par un accompagnement des prisonniers. La prison ne peut être la seule réponse, le travail social à l’extérieur et les aménagements de peines sont les seuls instruments efficaces de la lutte contre la récidive.

En matière de justice des mineurs, la droite a fait le choix d’une politique tournée vers le carcéral qui est déjà entrée en contradiction avec les textes internationaux ou constitutionnels et qui ne fait, lorsqu’elle est appliquée, que favoriser la récidive. Pour nous, il ne peut être question dans ce domaine de répression mais d’éducation. La prise en charge des mineurs délinquants demande des réponses adaptées à chaque cas sans dramatiser ni confondre la criminalité et l’incivilité. Il ne faut donc pas aligner la justice des mineurs sur celle des majeurs mais, au contraire, renforcer le rôle du juge pour enfants dans un suivi et un accompagnement individualisé. Nous constatons, en outre, l’impasse des Centres Educatifs Fermés et des Etablissements Pénitentiaires pour Mineurs et nous regrettons que le Parti socialiste s’aligne, dans son projet, sur les postures répressives de la droite. En effet, monopolisant des moyens humains et financiers colossaux, ces établissements sont développés au détriment des autres structures existantes (milieu ouvert, foyer d’action éducative, unité d’insertion) qui permettent un suivi ainsi qu’un travail éducatif redonnant un cadre et socialisant des jeunes sans repères ou désocialisés.

Enfin, ceux qui s’emparent du thème de l’insécurité sans s’attaquer à l’insécurité sociale sur laquelle elle prospère, ne font qu’agiter un leurre commode en période électorale. Aujourd’hui, la République doit revenir dans nos quartiers et, pour cela, police, justice mais aussi formation, éducation, politique de la ville sont à construire. L’urgence n’est donc pas de rassurer les marchés mais de répondre aux besoins de la population, pour qu’enfin l’égalité de tous se réalise.

Dans les quartiers populaires, on ne se serrera pas la ceinture car elle est depuis longtemps au dernier trou et, dans ce domaine, comme dans d’autres, la rigueur ne peut avoir de sens, elle est tout simplement absurde.

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