Billet de blog 12 avril 2011

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Cannabis: refuser les tentations liberticides et libertaires

Jean-Jacques Urvoas, député du Finistère, secrétaire national du PS chargé de la sécurité, et Patrice Roques, adjoint au maire de Sevran (93) chargé de la tranquillité publique, refusent le durcissement des sanctions mais aussi la légalisation. Ils proposent une «réponse graduée».

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Jean-Jacques Urvoas, député du Finistère, secrétaire national du PS chargé de la sécurité, et Patrice Roques, adjoint au maire de Sevran (93) chargé de la tranquillité publique, refusent le durcissement des sanctions mais aussi la légalisation. Ils proposent une «réponse graduée».

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Avec Pour en finir avec les dealers, le maire de Sevran s'attaque à un combat juste et urgent, celui que nous devrons mener contre la drogue, son économie et les violences qu'elle génére. Encore faut-il dépasser l'opposition stérile entre la vision sécuritaire des trafics et la vision sanitaire de la lutte contre les toxicomanies, pour apporter dans ce débat des réponses efficaces. Sans aveuglement, mais sans faiblesse non plus.

Disons le clairement, la situation actuelle, à Sevran et ailleurs, est une honte. Une honte pour ceux qui y vivent. Une honte pour la République. En matière de lutte contre les stupéfiants, l'échec de Nicolas Sarkozy va ouvrir la voie à deux tentations opposées. La première proposera d'aller plus loin dans le durcissement de la répression et surenchérira sur les mesures liberticides à prendre: couvre feu, fichage, forces d'occupation permanente sur les territoires, justice expéditive... La seconde constatera le «triomphe des dealers» et proposera une légalisation du cannabis, principal revenu des trafiquants. Ces deux tentations, l'une liberticide, l'autre libertaire, sont des fuites en avant. L'une poursuit la politique actuelle, sans accepter de voir que les mêmes causes produiront les mêmes effets. L'autre est impraticable et illusoire. Elle suppose que la France autorise la culture de l'herbe sur des milliers d'hectares pour ne pas acheter la drogue des mafias étrangères, et que ces dernières n'inventent pas une nouvelle drogue plus séduisante pour remplacer le cannabis qu'on aurait légalisé.

Nous pensons qu'entre la guérilla urbaine et la légalisation du cannabis, il existe un espace pour une politique efficace de sécurité et de santé publique. Il faut construire une «tenaille», en s'attaquant en même temps à l'offre et à la demande par une politique d'investigation et de prévention.

Les méthodes utilisées pour lutter contre les trafiquants devront être revues. En Seine-Saint-Denis, le Préfet se félicite des 15 000 interventions de police dans les halls d'immeuble mais ne dit rien du faible nombre de procédures judiciaires lancées. Et pour cause, le nombre de condamnations par la justice est très faible. Interpeller un dealer n'est pas difficile -tout le monde ou presque dans un quartier les connait- mais il est bien plus compliqué de faire en sorte que la justice les condamne, car cela suppose des preuves. Nicolas Sarkozy semble l'avoir oublié en accusant les juges de laxisme. Pas les dealers. La guerre des halls n'est qu'une guerre d'occupation. Elle ne fait au mieux que déplacer les trafics. Une puissante politique d'investigation, aujourd'hui encore embryonnaire, doit guider l'action des forces de l'ordre et permettre à la justice de matérialiser les faits.

De même, il faut s'attaquer à la demande de stupéfiants. Alors qu'un jeune sur deux de moins de 18 ans a déjà consommé du cannabis, la loi de 1970 sur les stupéfiants interdit toute forme de prévention. Comme pour le sida, l'alcool, le tabac, des actions de prévention approfondies doivent être menées dans les collèges et les lycées, les parents impliqués, de grandes campagnes audiovisuelles mises en place, les mutuelles mobilisées. Sortons déjà de l'omerta avant de penser sortir de la prohibition.

Pour en finir avec le système actuel qui ne permet la prise en compte par les pouvoirs publics que d'un volume insignifiant d'usagers, pourquoi ne pas proposer une réponse graduée, des sanctions adaptées aux consommations festives, aux récidives ou aux situations de mise en danger d'autrui (présence de mineurs, conduite): stage de sensibilisation en première intention, puis contravention, puis contravention assortie d'une injonction de soins? Pourquoi ne pas apporter une réponse médico-sociale aux consommations pathologiques et prendre en compte les addictions physiques et psychologiques?

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