Plutôt que de s'enferrer dans un «faux débat autour du coût du travail», estime Delphine Mayrargue, secrétaire nationale adjointe du Parti socialiste au travail et à l’emploi, il est temps, «après des années de retard, de donner du contenu à une stratégie industrielle porteuse d’innovation et d’emploi».
Ce qui frappe dans la « crise Peugeot », c’est évidemment, d’abord, la suppression de 8 000 emplois. L’emploi, c’est-à-dire les femmes et les hommes, est la variable d’ajustement naturel du système économique. Il s’agit de drames individuels pour les personnes directement concernées. Il s’agit aussi d’un drame collectif, d’une part, pour la communauté de travail de Peugeot, l’identification des travailleurs à leur métier, à leur savoir-faire, à leur entreprise, à leur histoire sociale. C’est, d’autre part, un drame pour toute la filière automobile et pour la collectivité nationale.
Ce qui frappe ensuite avec « la crise Peugeot », ce sont les faiblesses et les erreurs stratégiques des dirigeants de l’entreprise. L’absence de vision à long terme se fracasse, ici comme ailleurs, sur les récifs d’une rentabilité à court terme. Le manque d’imagination, d’innovation (laquelle ne peut se réduire au nombre de brevets déposés) et de projection dans l’avenir sont saisissants. Face à un monde occidental saturé d’automobiles, face à des populations au pouvoir d’achat en baisse, face à d’autres marchés en croissance –mais complexes–, et face à un monde qui doit faire le choix de la transition écologique, de grandes entreprises semblent bricoler, jongler, réagir trop tardivement mais surtout pas anticiper.
Ce qui frappe enfin avec la « crise Peugeot », c’est le faux débat autour du coût du travail. Gageons que si la compétitivité se jouait réellement sur ce terrain, Peugeot aurait délocalisé plus massivement et nos amis allemands ne produiraient pas autant de voitures dans leur propre pays, mais à ses frontières. Ce n’est sûrement pas en abaissant le débat industriel à ce niveau que l’on se met en situation de relever l’enjeu. Il s’agit, après des années de retard, de donner du contenu à une stratégie industrielle porteuse d’innovation et d’emploi.
L’Etat doit reprendre la main et mettre en œuvre les moyens d’un nouveau développement industriel. Celui-ci passe par un soutien efficace à la recherche et à l’innovation. Des règles nouvelles d’accès au crédit impôt recherche et au financement accordé par les pôles de compétitivité doivent permettre de cibler plus de PME et d’entreprises de taille intermédiaire (ETI), et de réduire les effets d’aubaine dont profitent les grandes entreprises. De même, la politique fiscale doit être utile et servir de levier favorisant l’innovation et l’investissement: cela passe, notamment, par la modulation de l’impôt sur les sociétés en fonction de la taille des entreprises et de l’utilisation des bénéfices. La mise en place de la Banque publique d’investissement proposée par François Hollande assurera la cohérence et le financement de notre stratégie industrielle.
Le développement des connaissances, des savoir-faire et des compétences des salariés doit permettre aux entreprises d’anticiper les évolutions technologiques et commerciales des marchés. Cette politique de formation doit garantir aux salariés une évolution professionnelle et salariale, et leur permettre de maintenir un haut niveau d’employabilité.
Enfin, dans l’esprit de la Grande conférence sociale des 9 et 10 juillet derniers, faisons du dialogue social dans l’industrie un facteur de compétitivité des entreprises. Le dialogue social doit permettre aux salariés d’avoir connaissance de la stratégie industrielle de l’entreprise et de son évolution pluriannuelle. La proposition d’intégrer, dans les conseils d’administration des grandes entreprises, des représentants des salariés s’inscrit dans cette démarche et constitue un acte fort de démocratie social. Elle doit être mise en place sans tarder.
Nous devons sortir du dogmatisme libéral, lequel n’autorise qu’une vision à court terme et uniquement orientée vers la rentabilité du capital financier, pour gagner en emplois, en qualité de vie au travail, en excellence industrielle et en démocratie sociale.