Billet de blog 12 novembre 2010

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Défendre la paix

Alors que l'on commémore l'armistice du 11 novembre 1918, Paul Quilès, ancien ministre socialiste de la Défense et maire de Cordes-sur-Ciel (Tarn), rappelle que «les crises sont en général prévisibles» et propose un ministère «de la Défense et du maintien de la paix».

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Alors que l'on commémore l'armistice du 11 novembre 1918, Paul Quilès, ancien ministre socialiste de la Défense et maire de Cordes-sur-Ciel (Tarn), rappelle que «les crises sont en général prévisibles» et propose un ministère «de la Défense et du maintien de la paix».

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La plupart des hommes et des femmes à travers le monde n'aiment pas la guerre. Vous non plus ! Moi non plus !

Et pourtant, depuis le début des sociétés constituées, il y a eu des responsables qui ont voulu ou souhaité la guerre, qui l'ont encouragée, organisée. D'autres, par leurs décisions, leurs erreurs ou leur absence de décision, ont créé les conditions d'une guerre.

Ces sentiments ont traversé mon esprit jeudi matin, lors de la commémoration traditionnelle de l'armistice du 11 novembre 1918 à Cordes-sur-Ciel (Tarn). Cette cérémonie, empreinte de beaucoup d'émotion, a commencé par la lecture, par de jeunes élèves du collège, de témoignages de combattants de la «Grande guerre». Ils ont souligné de façon poignante la réalité de la guerre, qui ne se mesure pas seulement en termes de victoire, de défaite, de nombre de morts et de blessés, mais en souffrances humaines parfois terribles.

Le message officiel du secrétaire d'Etat aux anciens combattants, que j'ai lu ensuite, a rendu hommage aux lycéens et aux étudiants qui osèrent braver l'occupant nazi, en célébrant cet anniversaire à Paris le 11 novembre 1940.

Ces rappels m'ont amené à exprimer à haute voix les réflexions que m'inspirait l'évènement et que je voudrais prolonger ici, en faisant d'abord remarquer que la guerre est le résultat d'un échec: échec de la prévention, échec de la négociation, échec de la médiation, échec du compromis. Clausewitz allait plus loin et considérait, au début du XIXe siècle, qu'elle était «la continuation de la politique par d'autres moyens».

Si tel est toujours le cas -ce qui est probable- les responsables politiques à tous les niveaux doivent prendre conscience en permanence de leur rôle fondamental pour anticiper et éviter qu'une menace ne devienne un danger, puis une crise et enfin une guerre.

Le XXe siècle a été marqué par des drames effroyables: deux guerres mondiales, plusieurs génocides, l'utilisation de l'arme nucléaire, des catastrophes environnementales terribles (Bhopal, Tchernobyl). Le sentiment d'être aujourd'hui à l'abri, dans une Europe qui s'est éloignée de ses affrontements séculaires, ne doit pas nous leurrer, car le XXIe siècle n'annonce pas une période plus apaisée, en dépit de la fin de la Guerre froide. Des risques majeurs, parfois d'une nature et d'une ampleur nouvelles, surgissent au cœur du monde actuel: la prolifération des armes de destruction massive, le terrorisme international et ses objectifs messianiques, les extrémismes religieux, ethniques ou politiques, la criminalité organisée, les épidémies, une pollution grandissante, des catastrophes climatiques à répétition, une grave crise économique qui n'en finit pas.

Ne pas voir ces menaces ou les minimiser serait faire preuve d'une myopie coupable. Nos concitoyens en sont confusément conscients et ils ont peur. Peur de tout, sans trop savoir ce qu'il faut faire et s'il est possible de conjurer ces menaces, avec qui, contre qui. Et surtout, ils s'inquiètent souvent de l'impuissance des responsables politiques.

Le pessimisme ambiant considère que les crises sont inévitables et qu'on ne peut dès lors qu'en contrôler les effets. En réalité, les crises sont en général prévisibles; il faut en comprendre les tenants et les aboutissants. La formulation d'une analyse sérieuse de l'état du monde permet de mieux cerner les crises, les dysfonctionnements, leurs origines, les motivations des acteurs de la scène internationale. Il est alors possible d'imaginer des solutions qui sont autant de réponses aux problèmes ainsi identifiés et analysés.

Pour protéger les générations futures des menaces qui s'accumulent, les gouvernements et les gouvernants doivent retrouver la vision prospective qui manque trop souvent aujourd'hui et proposer des solutions susceptibles de réduire le désordre mondial.

La construction de la paix passe par la prévention et l'anticipation, qui nécessitent d'analyser sérieusement l'état du monde, ses dysfonctionnements, les motivations des acteurs. Lorsqu'une intervention militaire devient inévitable, elle ne peut être que le fait du Conseil de sécurité de l'ONU, qui doit ensuite organiser la «consolidation de la paix», dont l'objectif est d'éviter qu'un pays ne retombe dans la crise.

Ces réflexions m'amènent à me demander si le ministère de la défense -qui s'est successivement appelé ministère «de la guerre», «des armées», «de la défense nationale»- ne devrait pas, aujourd'hui, changer de nom et s'appeler désormais «ministère de la défense et du maintien de la paix».

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