Par Paul Quilès, ancien ministre socialiste de la Défense.
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Il est naturel de se retrouver dans la compassion générale qui entoure les familles et les proches des victimes de ces actes inhumains. Il est tout aussi naturel qu'un large accord se fasse au sein de la communauté nationale sur l'objectif de lutter contre un fléau qui présente de graves dangers de déstabilisation de notre société.
Pour autant, il n'est pas question, au nom de ce consensus, d'accepter aveuglément la stratégie déployée ou les moyens de lutte utilisés, par crainte d'être dénoncé comme un mauvais citoyen rompant l'indispensable unité nationale face à de tels événements.
Tant que la réalité du terrorisme international ne sera pas clairement et publiquement analysée, à travers ses motivations, ses objectifs, sa diversité et ses contradictions, les réponses sommaires continueront à prospérer, sans convaincre. Au mieux, comme on vient de le voir à l'occasion de l'opération militaire qui a entraîné la mort de deux jeunes Français, elles mobiliseront une partie de l'opinion, en donnant l'impression de la fermeté et de la détermination.
Dans le passé, certains promettaient de «terroriser les terroristes»... avec le succès que l'on sait. Ceux qui prônent aujourd'hui, avec de mâles accents, la «guerre contre le terrorisme», en reprenant la malheureuse formule de George Bush, font la même erreur.
Il ne peut s'agir en effet d'une guerre, dans la mesure où les adversaires ne nous font pas face, où leurs objectifs sont confus, contradictoires et où il ne peut être question de négocier une issue avec eux. La lutte contre le terrorisme est un combat de l'ombre, dans la durée, qui fait appel à un grand nombre de moyens, touchant à des domaines divers comme le renseignement, les circuits économiques, la police, la communication, la coopération internationale, l'armée. En revanche, croire que les seules interventions militaires, même si elles peuvent être parfois utiles, permettront d'éradiquer le terrorisme, est un leurre.
Il n'y aura pas de réponse sérieuse et efficace sans réflexion en profondeur sur les raisons qui ont favorisé son émergence, sans analyse des facteurs qui entretiennent son développement, surtout dans des pays pauvres et dans ceux où la contestation de l'influence occidentale -notamment celle de la France- est forte.
C'est dans ce contexte que devrait être reconsidérée l'opportunité de la présence en Afghanistan des troupes françaises, qui participent, depuis neuf ans, à une guerre sans fin, aux objectifs flous. Chacun sait maintenant qu'il ne s'agit plus véritablement d'une lutte contre le terrorisme d'Al Qaïda. En revanche, cette participation donne de la France l'image d'un pays impliqué dans un conflit contre le monde musulman, au sein d'une coalition militaire essentiellement « occidentale ». Pour ma part, je suis donc de plus en plus convaincu que la France devrait rapidement retirer son contingent d'Afghanistan.