Le musée du Louvre est un lieu essentiel, qui nous permet de comprendre l'histoire humaine et de la situer dans le temps long, multimillénaire.
Des tablettes d'écriture cunéiforme à "la Liberté guidant le peuple", de la victoire de Samothrace aux œuvres de Léonard de Vinci, le Louvre donne à voir l'Histoire en train de se faire dans toute sa complexité. L’histoire de la naissance et de l'effondrement de civilisations entières. Une histoire émancipatrice comme dominatrice ; tumultueuse et guerrière comme harmonieuse et pacifiée ; aussi violente qu'éclairée.
Les antiquités et les œuvres exposées au Louvre ne sont pas seulement des manifestations de la créativité humaine. Elles sont autant de jalons qui témoignent d'un basculement profond, d'un changement d'ère : au fil des galeries du Louvre, le musée nous fait passer de la grande stabilité climatique caractéristique de l'holocène, au réchauffement climatique brutal que marque l'entrée dans l'anthropocène.
Le Louvre n’est pas un simplement témoin, extérieur, de ce basculement : il en est également victime. Le réchauffement climatique accentue en effet la fréquence et la vigueur des épisodes climatiques violents, et le risque de crue de la Seine se renforce. Au mois de mai dernier, le Louvre a ainsi dû évacuer ses réserves, pour les sauver de la montée des eaux. Certaines pièces ont donc traversé plus de 10 millénaires d’histoire, et sont menacées par l’intense combustion de charbon, de gaz et de pétrole à laquelle l’humanité se livre depuis à peine deux siècles.
L'Accord de Paris, adopté à l'issue de la COP21 trace une ligne rouge claire : maintenir le réchauffement climatique au plus près des 1,5°C, pour éviter de basculer dans le chaos climatique. Pour y parvenir, le consensus scientifique est clair : nous devons renoncer à exploiter 80% des réserves connues de charbon, gaz, pétrole si nous voulons éviter l’effondrement de nos sociétés.
Nous sommes en effet en mesure d’identifier les victimes du dérèglement climatique. Mais nous pouvons également en désigner les responsables. Et nous pouvons nous opposer à l’incapacité, structurelle comme stratégique, des entreprises fossiles à faire le lien entre la connaissance scientifique et leurs activités.
Le Louvre n'est de fait pas une victime passive. Il est un acteur direct de la mise en danger des œuvres exposées : en acceptant de recevoir des dons d'entreprises du secteur des combustibles fossiles telles que Total et ENI, le musée du Louvre contribue en effet à renforcer l'idée que nous pouvons exploiter les combustibles fossiles sans dommage. En considérant comme légitimes les activités de Total et d’ENI, Le Louvre condamne en outre notre avenir. En forant toujours plus loin, toujours plus profond, ces entreprises participent à la destruction de la planète, d’écosystèmes entiers, et la possibilité pour les générations actuelles et futures de vivre dans un climat de justice et de paix. Partout dans le monde, ce sont des centaines de millions de vies qui sont d’ores et déjà bouleversées par le dérèglement climatique, et des pans entiers de la vie terrestre et de notre patrimoine commun qui pourraient continuer à disparaître rapidement.
Nous considérons que le Musée du Louvre a une responsabilité morale incontournable face à la crise climatique, en tant que courroie de transmission entre les civilisations et les cultures ; mais aussi en tant que lieu d’éducation. Ses partenariats avec Total et ENI entrent en contradiction avec ses missions et son ambition de tisser des ponts entre les civilisations passées et les générations actuelles comme à venir.
Nous le savons désormais : notre avenir commun n’est pas compatible avec l’industrie des combustibles fossiles. Nous demandons donc au musée du Louvre de mettre immédiatement un terme à ses liens avec l’industrie fossile.
Lire l'article de Mediapart sur l'appel à libérer le Louvre des (combustibles) fossiles
Vous pouvez signer cet appel en cliquant ici
Premiers signataires :
Geneviève Azam, économiste
Mieke Bal, professeure à l'Académie néerlandaise des Arts et des Sciences, artiste vidéaste, critique et théoricienne culturelle
Christophe Bonneuil, historien
Leah Borromeo, directrice de Disobedient films
Cressida Brown, directrice artistique et productrice de la compagnie Offstage theater
Valérie Cabannes, Endecocide on Earth
Amélie Canonne, co-présidente du CRID
Caryl Churchill, dramaturge
Maxime Combes, économiste
T.J. Demos, historien de l'Art, Université de Californie
Dr. Benjamin Franta, historien des sciences
Rebecca Foon, musicienne
Fabian Freyenhagen, philosophe
Dr Chris Garrard, Art Not Oil
Jennifer A. González, historienne
Yvan Gradis, fondateur de Résistance à l'Agression Publicitaire
Dr. Gavin Grindon, historien de l'art
Guerrilla Girls, collectif d'artistes
Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France
Naomi Klein, journaliste
Jeremy Leggett, président de Carbon Tracker
Brooke Lehman, the Watershed project
Laetitia Liebert, déléguée générale de Sherpa
Yates Mckee, historien de l'art
Bridget McKenzie, directrice de Flow Associates
Bill McKibben, journaliste et cofondateur de 350.org
Nicholas Mirzoeff, professeur à la New York University
Jonathan Oppenheim, University College London
Clara Paillard, Presidente du secteur Culture au syndicat PCS (Grande-Bretagne)
Oliver Ressler, artiste
Jesse Paris Smith, musicienne
Jonathon Porritt, Forum for the future
Dominique Plihon, porte-parole d'Attac France
Dr. Geoffrey Supran, professeur à Harvard et au MIT
Glen Tarman, Liberate Tate
Emma Thompson, actrice
Aurélie Trouvé, porte-parole d'Attac France
Dr Michael Tymkiw, historien de l'art
Stephen Webster, directeur du département de sciences de la communication, Imperial College, Londres
Vivienne Westwood, Styliste et activiste
Jess Worth, BP or not BP?
Organisations:
350.org
Art not Oil
Attac France
BP or not BP?
Liberate Tate
Fondation France Libertés
Platform
Sherpa
Solidaires