Au nom de la Société des Amis du Val-de-Grâce, Yves Buisson, Médecin général inspecteur (ER), Professeur agrégé du Val-de-Grâce, Membre de l’Académie nationale de médecine s'adresse à François Hollande et lui demande des réponses à ses questions après que « la fermeture du plus réputé des hôpitaux militaires français marque une étape cruciale dans un processus visant à terme l’anéantissement du service de santé des armées ».
La décision de fermer l’Hôpital d’Instruction des Armées du Val-de-Grâce, cœur historique du service de santé des armées (SSA) depuis 1793, devenu au fil des années un établissement de renommée internationale, a été annoncée par le Ministère de la défense comme un choix douloureux mais nécessaire, justifié par un argumentaire qui s’est révélé fallacieux (travaux d’infrastructure surévalués, proximité de deux grands hôpitaux de l’APHP…), et précipité par la refonte du dispositif hospitalier militaire dans le « modèle SSA 2020 » restreint au seul soutien des forces.
Présentée comme un choix inéluctable dans un contexte de restriction budgétaire drastique, la fermeture du plus réputé des hôpitaux militaires français marque une étape cruciale dans un processus visant à terme l’anéantissement du service de santé des armées. Après l’École de santé navale de Bordeaux fermée en 2011 et l’Institut de médecine tropicale du Pharo à Marseille fermé en 2013, la disparition de l’hôpital du Val-de-Grâce sonne le glas de la médecine militaire française. Encore inavouable officiellement, ce reniement s’applique de manière insidieuse et progressive, en asséchant les moyens de recrutement, de formation et de spécialisation des praticiens militaires, mais aussi en poussant à la démission les héritiers d’un corps professoral qui a formé des générations de médecins militaires et civils aux méthodes de soins d’urgence, de prévention, de diagnostic et de prise en charge des malades et des blessés, adaptées aux situations d’isolement et aux conditions d’exercice les plus extrêmes.
Suivant les éléments de langage du Ministère, le « modèle SSA 2020 » représente l’indispensable concentration des ressources sur le cœur de métier que représente le soutien des forces en opération. En réalité, il préfigure un appauvrissement irrémédiable du service de santé des armées en désarticulant trois de ses composantes essentielles que sont la médecine hospitalière, la formation et la recherche. Il prive ce service de toute capacité d’adaptation à des configurations nouvelles en détruisant des pôles d’expertise qui n'existent pas en milieu civil tels que la médecine de l’avant et la protection des populations contre les risques nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques (NRBC), naturels ou provoqués.
Dans un contexte d’engagement majeur de nos armées sur différents théâtres d’opérations extérieures, la chaîne sanitaire devient de plus en plus difficile à assurer avec des moyens de plus en plus restreints. Malgré les qualités exceptionnelles de disponibilité et de dévouement dont font preuve les équipes médicales sur le terrain, il n’est plus possible de répondre à une demande qui ne cesse de s’accroître, sauf à se voiler la face. Demain, qui viendra secourir nos blessés sur le champ de bataille ? A qui demandera-t-on de prodiguer les premiers soins et d’organiser les évacuations sous le feu ennemi ? Face aux menaces de plus en plus pesantes qui assombrissent les années futures, sommes-nous prêts à suivre l’exemple de l’armée britannique qui regrette amèrement d’avoir supprimé son service de santé ? Faut-il attendre le scandale que soulèverait l’annonce des prochains « morts pour la France que la France n’a pas voulu sauver » ?
Autant de vraies questions à poser au Président de la République, Chef des armées, lorsque nos troupes défileront sous ses yeux le 14 juillet.