Billet de blog 13 novembre 2009

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Réforme des finances locales: l'égalité républicaine oubliée

 François Marc est sénateur du Finistère et Vice-président (PS) de la Commission des Finances du Sénat. Céline Denniel est juriste spécialisée en finances locales et développement local. Ensemble, ils ont contribué à la rédaction du rapport du groupe socialiste du Sénat "Perspectives de réforme des finances locales", en 2007. Et plaident pour «une consolidation et de l'harmonisation des ressources financières locales».

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François Marc est sénateur du Finistère et Vice-président (PS) de la Commission des Finances du Sénat. Céline Denniel est juriste spécialisée en finances locales et développement local. Ensemble, ils ont contribué à la rédaction du rapport du groupe socialiste du Sénat "Perspectives de réforme des finances locales", en 2007. Et plaident pour «une consolidation et de l'harmonisation des ressources financières locales».

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Le principe d'égalité républicaine a depuis deux siècles largement inspiré la gouvernance publique de notre pays. Depuis la consécration constitutionnelle de la décentralisation comme mode d'organisation de la République, c'est tout naturellement à l'ensemble des services assurés par toutes les collectivités publiques que le principe d'égalité d'accès des citoyens doit pouvoir s’appliquer. Or, de ce point de vue, de lourdes inquiétudes sont légitimement exprimées dans notre pays.

Depuis les années 80 les collectivités locales ont connu un mouvement d'émancipation inédit qui leur a donné un rôle majeur dans l'action publique. Tant et si bien qu'aujourd'hui elles réalisent 73% de l'investissement public en France. Elles sont par là un puissant levier de croissance, et ne méritent pas les accusations d'irresponsabilité financière qui leur sont trop souvent prêtées. Pour autant, face à l'ampleur de la décentralisation institutionnelle, se traduisant par de massifs transferts de compétence de l'Etat vers les collectivités locales, les carences de la décentralisation financière qui les a accompagnées sont patentes.

La constitutionnalisation du principe d'autonomie financière en 2004 n'a trompé personne. D'ailleurs, chaque dispositif de compensation financière aux collectivités adopté depuis lors, s'évertue à en contourner les principes. L'exemple de la suppression de la taxe professionnelle est édifiant. Elle sera en partie compensée par le transfert d'impôts nationaux et de dotations sur lesquels les collectivités n'ont aucun pouvoir de modulation. Leur autonomie fiscale en sortira largement écornée.

De surcroît, tous les constats objectifs conduits ces dernières années en matière de finances locales vont dans le même sens : les ressources financières des territoires sont très inégales, et les moyens de rendre le service public de proximité sont en conséquence très inégalement répartis. Alors qu'en Allemagne les capacités financières des Länder sont ajustées dans une fourchette de 0,95 à 1,1, les départements français connaissent une inégalité de ressources dans un rapport de 1 à 7.

Si les gouvernements français ont ces dernières années reconnu la compétence, le savoir-faire et la "proximité aux citoyens" des départements en leur confiant la gestion de l'APA, du RMI puis du RSA et de l'action sociale en général, ils ne leur ont en revanche pas fait bénéficier d'une allocation de moyens financiers et fiscaux à la hauteur des exigences de l'égalité républicaine. Ce qui est vrai pour les départements, l’est aussi des autres niveaux de collectivités : profondes inégalités des moyens financiers, fiscalité injuste et inadaptée.

La première réforme nécessaire est donc à nos yeux, celle de la consolidation et de l'harmonisation des ressources financières locales…Ce n'est hélas pas la voie choisie avec le projet de réforme soumis au Parlement.

De fait, ce gouvernement persiste et signe. La présente législature doit être celle de l'aggiornamento local. La réforme territoriale couplée à celle de la taxe professionnelle vise une remise à plat du fonctionnement local, autour d'un maître mot : rationaliser. Rationaliser les échelons, rationaliser les coûts et les dépenses de ces collectivités, injustement accusées de gonfler la dépense publique et d'augmenter les impôts.

Une rationalisation s'impose en effet pour mettre fin au processus de sédimentation de réformettes, qui rendent illisibles pour le citoyen l'action publique locale et ses canaux de financement. En revanche, cette rationalisation ne saurait à elle seule constituer l'alpha et l'oméga d'une réforme réussie des finances locales. Il est à nos yeux très fâcheux de soumettre aux législateurs (en provoquant d'ailleurs une totale incompréhension des élus locaux) un projet de loi qui confond la fin et les moyens.

La péréquation des ressources fonctionne mal. Pour pallier l'inégale répartition des produits fiscaux, il est impératif de renforcer la solidarité financière entre les collectivités verticalement et horizontalement.

Principal outil de péréquation verticale, la DGF souffre d’une indexation comprimée par le «contrat de stabilité» ; les volumes dédiés en son sein à la péréquation sont limités. Sa répartition devrait mieux tenir compte du développement de l'intercommunalité, car les inégalités de ressources sont criantes à ce niveau. S’agissant de la péréquation horizontale, l’actuelle réforme de la TP est une occasion manquée, le dispositif de lissage proposé se traduisant de fait par une sanctuarisation de l’existant.

La France est un des rares pays ne recourant pas à l'imposition sur le revenu au niveau local. C’est pourtant là le moyen de mieux intégrer la capacité contributive des ménages. Afin de moderniser et rendre plus équitable l'impôt local des ménages, une réforme pourrait prendre appui sur l'assiette de la contribution sociale généralisée (CSG), plus large que celle de l'impôt sur le revenu, un prélèvement additionnel à la CSG pouvant ainsi être affecté aux départements, eu égard à la nature de leurs compétences sociales.

Cette rénovation de l'assiette de l'impôt « ménage » ne résout pas la question de l'obsolescence des bases de la fiscalité des ménages pour les autres niveaux de collectivités. La révision des bases foncières autour d'un mécanisme de réactualisation décentralisée et permanente doit donc constituer «la» priorité pour réformer les finances locales.

Nous pensons que la réforme des finances locales est une occasion majeure de renforcer le lien de citoyenneté local et de consolider les valeurs républicaines d’égalité ; la modernisation et la clarification des modes de financement locaux améliorera le consentement à l’impôt. C’est ainsi que les 500 000 élus des territoires se verront légitimés et confortés dans leur mission de service public. A défaut, nous risquons hélas de nous engager dans un processus qui sous couvert de rationalisation contribuera à déconstruire l’édifice de la République Décentralisée.

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