Pour l'Association des universitaires pour le respect du droit international en Palestine, le projet UE 2020 doit «mettre tout en œuvre pour respecter et faire respecter les engagements éthiques qui ont présidé à la construction européenne». Voici sa contribution à la consultation sur la future stratégie UE 2020, qui s'achève le 15 janvier.
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Les adhérents de l'Association des universitaires pour le respect du droit international en Palestine (AURDIP) sont des universitaires et des chercheurs en poste en France, et comme tels
ils ne peuvent être que très sensibles à la première priorité affichée par la Commission, à savoir «créer
de la valeur en fondant la croissance sur la connaissance», d'où découle logiquement toute une série de
mesures en faveur de l'éducation, de la recherche et de la coopération internationale.
Mais toute priorité doit être au service d'une stratégie. Le projet UE 2020 propose de s'entendre sur
un programme qui «place les hommes et les responsabilités au premier plan», et souhaite que «les
nouvelles politiques contribuent clairement à la cohésion sociale, s'attaquent au chômage et renforcent
l'inclusion sociale, tout en garantissant le bon fonctionnement du marché du travail».
Là encore, l'AURDIP ne peut que souscrire à ces objectifs. Nous sommes toutefois préoccupés par le
fait que le projet UE 2020 n'en tire pas les conséquences qui s'imposent. L'innovation en soi ne
contribue pas à la responsabilisation des hommes ni à la cohésion sociale, pas plus qu'elle ne s'attaque
au chômage ni ne renforce l'inclusion sociale. Pour prendre un exemple, une part très importante de
l'innovation technologique en Europe est consacrée aux armements. C'est en Europe qu'ont été
développées et utilisées les premières armes de destruction massive, à savoir les gaz asphyxiants,
déployés sur les champs de bataille de la Première Guerre Mondiale grâce aux progrès scientifiques
auxquels le nom de Fritz Haber, prix Nobel de chimie en 1918, reste indissolublement lié, et à la
puissance de l'industrie chimique.
On parle beaucoup d'éthique des affaires en ce moment. Mais la science et la politique aussi ont besoin
d'éthique: l'innovation scientifique et industrielle peut être dévoyée, tout comme l'innovation
financière. Nous sommes étonnés que le projet UE 2020 n'aborde pas cette question, qui nous paraît
centrale. Jusqu'à présent, l'Union Européenne fait du respect des droits de l'homme un des critères de
l'adhésion, ou même de la coopération avec d'autres pays. Pourquoi cette exigence n'est-elle pas
réaffirmée dans le projet UE 2020 ? Est-ce parce que la Commission cherche à s'en défaire ? Nous
relevons notamment qu'Israel bénéficie d'un accord de coopération avec l'UE, alors qu'il colonise un
territoire conquis en 1967, et qu'il impose à la population locale une occupation militaire extrêmement
dure. Ni les étudiants, ni les professeurs palestiniens ne bénéficient de ce que le projet UE 2020 appelle «la cinquième liberté», à savoir la libre circulation des personnes, des connaissances et des
technologies. Il nous paraît parfaitement clair que dans ce cas Israel ne saurait prétendre à faire partie
de l'espace européen de la connaissance.
Le présent état du projet ne peut qu'encourager les hommes et les États qui bafouent le droit
international à persévérer dans leur attitude; nous demandons donc instamment que le projet UE
2020 mette tout en œuvre pour respecter et faire respecter les engagements éthiques qui ont présidé à
la construction européenne.
Ivar Ekeland
Président de l'AURDIP
Président d'honneur de l'Université Paris-Dauphine