Secrétaire national chargé de la laïcité au Parti socialiste, Jean Glavany, est prêt à en débattre avec l'UMP: «si c'est pour que d'authentiques républicains de droite nous rejoignent dans la défense et la promotion de cette belle valeur, tant mieux!».
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Ainsi, l'UMP de monsieur Copé, encouragé par le président Sarkozy, a-t-elle décidé de tenir, en avril, une journée de réflexion sur l'islam. Reconnaissons d'abord que ce débat interne au parti conservateur n'a rien à voir, sur la forme, avec celui, si détestable, tenu sur l'identité nationale l'an dernier, où préfets et sous-préfets avaient été mobilisés dans la France entière, pour délivrer «la parole officielle». Il n'a rien à voir sur la forme, mais comme sur le fond, il s'en approche dangereusement avec, exactement, les mêmes risques de dérapage, cela impose aux républicains et aux socialistes en particulier, ouverture, vigilance et inquiétude.
Ouverture? Oui, car en démocratie, aucun débat n'est interdit, aucun n'est superflu. Débattre de la laïcité? Nous disons «chiche». Nous socialistes qui, avec les radicaux socialistes, avec Jean Jaurès, Aristide Briand, Ferdinand Buisson, avons inventé la laïcité il y a un siècle et demi, cette laïcité qui fait partie de nos chromosomes politiques, nous qui en débattons à chacun de nos congrès, à chacune de nos conventions, nous qui organisons tant de colloques, éditons tant de publications la concernant, pourquoi aurions-nous peur d'en débattre? Et si c'est pour que d'authentiques républicains de droite nous rejoignent dans la défense et la promotion de cette belle valeur, tant mieux!
Et même, pourquoi pas, débattre de l'islam! Car vous croyez qu'on n'en débat pas? Que le débat public n'a pas concerné ces dernières années le voile à l'école ou dans une crèche associative, la burqa, les minarets, le droit de blasphème, le financement des mosquées et tant d'autres sujets encore? Eh bien nous, socialistes, nous sommes disponibles pour que non seulement on en parle sereinement, en responsabilité républicaine; d'autant plus que nous apportons, nous, des réponses claires et concrètes à ces problèmes. Quand, par exemple, j'entends tel responsable de la droite nous dire qu'il faut mieux protéger les personnels hospitaliers contre les dangers, pour le droit à la santé et leur sécurité, de certaines pratiques intégristes, je veux simplement rappeler que dans une proposition de loi sur la défense et la promotion de la laïcité, les socialistes ont, il y a plusieurs années, fait une proposition législative concrète et précise sur le sujet. Qu'on en débatte à l'Assemblée nationale!
Ouverture donc. Mais vigilance aussi. Pourquoi?
D'abord parce qu'avec ce Président-là, qui a tenu les discours de Latran, de Ryad, ou de Constantine qui étaient autant de trahisons -j'assume ce mot solennellement- à sa mission de garant de notre constitution de la République laïque, on a des raisons d'être vigilants quand il parle de laïcité ...
Vigilance face à cette majorité qui, dans le dernier budget par exemple, favorise honteusement l'enseignement privé confessionnel par rapport à l'enseignement public... Vigilance face à la présentation initiale de ce débat qui ne devait pas concerner du tout la laïcité mais une religion et une seule et sa «compatibilité» avec la République. Le «rétropédalage» du premier ministre la semaine dernière devant l'Assemblée nationale, pour louable qu'il soit n'en efface pas, pour autant, l'impression détestable du début.
Vigilance donc. Inquiétude enfin. Pourquoi?
D'abord, je l'ai dit, pour les motivations politiciennes de ce débat. Cette course-folle après les idées de Front national, cette obsession nauséabonde de jouer avec les peurs, cette manie d'opposer, de diviser les français entre eux plutôt que de les rassembler, tout cela est détestable. Ensuite parce que ce gouvernement et cette majorité n'ont toujours pas compris le fondement des rapports de la Laïcité avec les religions. Ils croient, comme Sarkozy ou Copé, que la laïcité est antireligieuse...alors qu'elle protège les religions! Ils n'ont toujours pas lu la loi de 1905 qui «assure la liberté de conscience» -c'est-à-dire aussi bien la liberté de croire, comme ils le disent, mais aussi la liberté de ne pas croire, ce qu'ils ne disent jamais!- et qui «garantit le libre exercice des cultes», ce qui montre bien qu'elle n'est pas antireligieuse. Ils n'ont pas lu, non plus que cette «garantie» du libre exercice des cultes doit se faire dans les seules «limites liées à l'ordre public» et c'est là qu'est tout le débat!
Parce que lorsque l'on parle de l'islam de France, on dit «les musulmans»; et c'est un amalgame coupable. Car il y a «des» musulmans: des chiites, des sunnites, des salafistes, des wahhabites, etc... Et, surtout, une immense majorité de laïcs musulmans qui acceptent de placer les lois de la République au-dessus de leurs règles religieuses. Comment faire la leçon à ceux-là qui sont français autant que Copé ou Sarkozy et qui nous disent «foutez-nous la paix avec notre religion! C'est une affaire privée!» Et puis, il y a une toute petite minorité qui ne l'accepte pas. Ce sont ceux-là qu'il faut combattre. Et l'amalgame, parce qu'il empêche cette différenciation est inquiétant et dangereux. L'amalgame renforce les extrêmes: Marine Le Pen est l'alliée objective de Tariq Ramadan, comme Moubarak, Ben Ali ou Khadafi l'étaient des extrémistes et intégristes!
Voilà pourquoi après l'ouverture et la vigilance nous sommes inquiets: au lieu de traiter sereinement des problèmes concrets on s'engage dans des amalgames dangereux pour la République.