Attendu très prochainement au Parlement européen, le projet de réglementation du commerce des “ minerais des conflits” laisse insatisfaits les députés socialistes européens Marie Arena (Belgique), Edouard Martin et Emmanuel Maurel (France). Ils dénoncent un texte « inconséquent » alors que « les financements parallèles de groupes armés se poursuivent en toute impunité et dans l'indifférence générale ».
En mars 2014, la Commission européenne proposait un mécanisme d'auto-certification pour les entreprises importatrices d'étain, de tantale, de tungstène et d'or. L'objectif de ce règlement est de mettre en lumière les causes de désastres humains et environnementaux liés au commerce de ces minerais en incitant les entreprises, mais pas toutes et sur la base du volontariat, à “ montrer patte blanche ” sur leur origine.
Si l'idée est plus que noble, et nous la défendons dans son principe, les moyens proposés sont plus qu'insuffisants. Pour nous, les socialistes, le compte n'y est pas!
En limitant la traçabilité à seulement quatre minerais et sur la seule base du volontariat, la Commission européenne joue le rôle de Candide dans un monde de brutes où la barbarie est quotidienne pour les populations concernées. Les financements parallèles de groupes armés se poursuivent en toute impunité et dans l'indifférence générale.
Votée en Commission du Commerce international au Parlement européen, l'inclusion des fonderies et raffineries européennes a été présentée comme une avancée majeure. Or, il ne s'agit que des 5% des entreprises de ce secteur au niveau mondial, et le caractère volontaire de l'auto-certification est maintenu pour le reste de l'industrie.
Par ailleurs, cette auto-certification faisant fi de l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement ne concernerait d'une part que les producteurs et non les transformateurs et d'autre part uniquement les entreprises européennes, qui seraient donc désavantagées par rapport à leurs concurrents sans réels changements positifs au niveau de l'extraction des minerais, là où se posent les vrais problèmes.
Pour légitimer ce texte, la droite européenne, les conservateurs, les non-inscrits et une partie des libéraux expliquent qu'il est trop difficile de connaitre la provenance des minerais et que cela mettrait en difficulté les entreprises de transformation européennes.
Aucun de ces arguments ne tient la route.
Il y a une multitude de produits dont l'origine est certifiée qui s'échangent chaque jour à travers le monde et cela sans aucun problème de traçabilité. Au contraire, il s'agit d'une exigence citoyenne et économique. Et de quelle manière cela pourrait-il mettre en péril les entreprises européennes puisque la plupart des minerais et métaux sont toujours achetés par des clients qui connaissent à la fois leur prix et leur origine?
En outre, la solution suggérée par la droite sous couvert de “ rationalité économique ” mettrait au contraire nos raffineries et fonderies dans une situation inéquitable.
La question de fond que le docteur Mukwege pose à raison à l'Union européenne est de savoir quel est le niveau de transparence que nous souhaitons en Europe ? De quels outils voulons-nous nous doter pour combattre efficacement les financements occultes des groupes armés?Comment l'Europe peut-elle aider les populations sub-sahariennes à ne pas fuir leurs terres sous la contrainte pour se retrouver noyées au large de la Méditerranée?
Le Parlement européen ne peut pas verser des larmes d'émotion en remettant le prix Sakharov au Docteur Mukwege, ce chirurgien qui «répare les femmes» victimes dans leur chair de l'instabilité de ces régions, et voter un texte aussi inconséquent.
La traçabilité des minerais doit être une exigence pour que la paix soit une réalité.
Les parlementaires européens devront se souvenir lors de leur vote à Strasbourg que la paix au Libéria fut possible grâce à l'accord de Kimberley. Cet accord faisait en effet obligation aux diamantaires du monde entier de certifier l'origine des diamants achetés et ceux provenant du Liberia ne pouvaient l'être.
Les “minerais des conflits” ne sont pas un problème africain ou le problème des Africains, mais au contraire, une problématique mondiale. L'Europe ne peut pas à nouveau rater le train de l'histoire, elle doit faire face à ses responsabilités.