La réforme des collectivités territoriales doit être examinée en deuxième lecture, ce mercredi, par l'Assemblée nationale. A l'opposé de la «réduction des ressources» engagée par le gouvernement, Olivier Dussopt, député (PS) de l'Ardèche, plaide pour «une nouvelle étape de la décentralisatation».
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La France, autrefois héritière d'un jacobinisme centralisateur, est aujourd'hui une mosaïque de territoires variés. Des territoires différents selon qu'ils sont urbains ou ruraux, riches ou pauvres, des territoires qui n'ont pas les mêmes problématiques ni les mêmes moyens. Mais tous sont aujourd'hui concernés par les coups de boutoirs du gouvernement qui, dans une volonté recentralisatrice sans précédent, met tout en œuvre pour les affaiblir et les rendre dépendants d'un Etat central lui-même déliquescent et sans cap.
Les territoires, ce sont aussi des citoyens et des élus. Des élus en prise directe avec la vie quotidienne. Des élus proches, en qui les citoyens ont confiance. Pour les plus jeunes de ces élus, leur engagement est souvent la première expérience politique, pas toujours comprise par leur génération et trop rarement reconnue par leurs aînés. Les conseils municipaux comptent des milliers d'élus qui construisent leurs vies en même temps qu'ils participent à écrire l'avenir de leurs concitoyens, parfois au détriment de leurs carrières faute d'un vrai statut de l'élu local.
Les territoires, ce doit être aussi l'assurance d'un service public local et le bouclier social protégeant contre une trop grande précarité en permettant de rebondir lors d'accidents de la vie. En effet, aujourd'hui, la plupart des prestations sociales sont du ressort des collectivités territoriales, et plus particulièrement des départements. De fait, les territoires sont en prise directe avec les difficultés sociales et économiques qui touchent les Français. Les collectivités ont un rôle d'amortisseur social indispensable, particulièrement en ces temps de crise, que plus personne n'ose contester.
Les lois de décentralisation, et la première d'entre elles en 1982, ont été de grandes avancées, portées par la gauche, dont elle peut être fière. Au départ décriés par la droite, la décentralisation et le développement de la démocratie de proximité ont été peu à peu admis par tous comme un progrès réel, avec comme volonté de mieux gérer en décidant au plus près.
Les politiques portées par la droite au pouvoir vont à l'encontre de ces avancées. Loi après loi, mensonge après mensonge, le gouvernement revient sur la décentralisation. La suppression de la taxe professionnelle fait vaciller un équilibre financier déjà précaire en défaveur des ménages qui vont payer l'exonération accordée aux entreprises. La réforme territoriale cherche à affaiblir un peu plus les territoires qui seront dans l'impossibilité financière d'assurer leurs missions et d'exercer les compétences qui leur resteront. Le gel des dotations de l'Etat, qui entraîne leur baisse en volume pour 20.000 communes, vont étrangler un peu plus les collectivités territoriales déjà affaiblies par la non compensation par l'Etat des dernières compétences transférées. C'est la mise en oeuvre d'une logique tatchérienne de réduction des ressources avec pour conséquence une politique publique « low cost » et une baisse de la qualité des services offerts à nos concitoyens.
La réforme des collectivités n'est pas une préoccupation d'élus déconnectés de la réalité. En ces temps de crise économique et sociale, le rôle des collectivités territoriales n'a jamais été aussi important. En effet, celles-ci réalisent 73% de l'investissement public en France, celui-ci ayant un rôle clé dans la relance de l'économie en temps de crise. Or, avec la suppression de la taxe professionnelle, le gel des dotations d'Etat, l'interdiction des financements croisés et l'obligation pour la collectivité maître d'ouvrage d'apporter une part encore plus importante du financement en fonction de sa population, c'est la capacité des collectivités à agir qui est remise en cause. Cet encadrement des financements croisés est inacceptable s'il ne s'appuie pas sur des critères pertinents (part des logements sociaux, taux de pauvreté, effort fiscal...) et reste uniquement lié au nombre d'habitants.Il faut donner aux élus les moyens d'agir pour changer les choses. Un Etat stratège qui assure la péréquation entre les territoires afin d'en assurer la cohésion et de donner plus aux territoires fragiles, tout en préservant la libre administration des collectivités. Un Etat qui inspire, soutient et promeut les politiques locales de développement, dans le cadre d'une décentralisation réaffirmée, laissant aux territoires le choix de leurs projets et l'affirmation de leurs spécificités. Le principe des zonages et de la géographie prioritaire sont aussi des outils indispensables pour assurer l'égalité territoriale et permettre l'accès de tous les territoires aux aides au développement. C'est un principe qu'il faut remettre en vigueur en supprimant la méthode injuste des appels à projets.
C'est une nouvelle étape de la décentralisation qu'il faut assurer. Un véritable acte III, afin que l'Etat et les collectivités puissent travailler en confiance pour faire des territoires de véritables lieux d'échange, de mixité sociale, en menant notamment une politique ambitieuse d'accès au logement, aux loisirs, à la santé, à la culture et au savoir. Une vraie refonte de la fiscalité locale doit être entreprise pour une fiscalité plus progressive et un véritable partage entre les entreprises d'un coté, et les ménages de l'autre. Une fiscalité juste et économiquement efficiente, qui incite à l'investissement et qui permet la péréquation. Des territoires mieux armés et un Etat plus solidaire.Cela passe par la création d'un bouclier de services publics partout sur le territoire, gage d'une attractivité retrouvée, assurant à tous de trouver un niveau de services correct. Il faut aussi assurer la mobilité de tous à travers une politique de développement des infrastructures de transport et de télécommunication, garantissant ainsi le désenclavement territorial. L'accès aux nouveaux services numériques, comme le haut débit et la téléphonie mobile, doit être intégré dans le service universel. Ces nouveaux services créent de nouveaux droits pour tous, où que l'on vive.
Alors que l'Assemblée Nationale s'apprête à examiner le projet de réforme des collectivités en deuxième lecture, une seule ambition doit être poursuivie: permettre le développement de tous les territoires de notre République, permettre à tous les élus d'agir. Une vraie réforme des collectivités et de la fiscalité locale pour plus de justice est nécessaire. Assurer une République décentralisée, juste et solidaire avec tous ses territoires, avec des élus en capacité d'agir partout.