Billet de blog 15 octobre 2009

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Etats généraux de l’industrie : comment penser l’emploi industriel de demain ?

Le gouvernement lance, jeudi 15 octobre, les états généraux de l'industrie. Jean-Paul Raillard, directeur du cabinet d'expertise Syndex fixe six pistes de réflexion qui lui semblent prioritaire pour ce débat.

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Le gouvernement lance, jeudi 15 octobre, les états généraux de l'industrie. Jean-Paul Raillard, directeur du cabinet d'expertise Syndex fixe six pistes de réflexion qui lui semblent prioritaire pour ce débat.

Si la convocation aujourd'hui des états généraux de l'industrie, par le président de la République et le ministre de l'industrie, pouvait permettre de poser un diagnostic éclairé de la situation de l'industrie française et de tracer quelques pistes immédiatement praticables pour lutter contre le recul industriel, constaté en France et en Europe, son objectif serait déjà largement rempli.

Il est vrai que le défi est de taille. Il s'agit pour le gouvernement de passer en quelques mois d'une absence de vision industrielle (tous les outils publics de mutation industrielle ayant été soigneusement fermés les uns après les autres depuis dix ans) à un schéma cohérent, validé par l'ensemble des acteurs, dans lequel l'État exercerait toutes les attributions d'une politique industrielle capable de redynamiser notre tissu économique.

Notre métier nous conduit à mener, tous les ans, en France et en Europe, plus de 2.000 missions dans des entreprises de toutes tailles et de tous secteurs. Il nous place, de ce fait, dans une position d'observation fine de la réalité du tissu industriel et économique et de la qualité du dialogue social qui s'y pratique. C'est à ce titre que nous souhaitons contribuer au débat aujourd'hui.

Aussi bien dans les quelques restructurations très médiatisées que dans l'immense majorité de celles qui ne font pas la une des journaux, les pouvoirs publics n'ont pas souvent été capables de freiner ou d'empêcher les destructions d'emplois, les fermetures de sites et leur corollaire, le délitement progressif de certaines filières et de bassins d'emploi entiers.

Pour quelle raison? Tout simplement parce que l'on a oublié un facteur essentiel à la pérennité des activités industrielles : elles ne peuvent fonctionner efficacement que sur un horizon de long terme.

Un outil industriel viable ne peut se bâtir que sur une accumulation de savoir-faire et de capital, grâce aux compétences de ses salariés et à des investissements lourds, engageants, sur plusieurs années. Dans une économie mondialisée, de plus en plus dominée par une vision à court terme, imposée par des marchés financiers non régulés et par la course aux « bas coûts », ce besoin d'engagement de long terme est trop souvent incompatible avec les objectifs de rentabilité financière immédiate des sociétés.

C'est à cette problématique et contradiction fondamentale qu'il convient désormais d'esquisser des réponses. Car si la crise a eu au moins le mérite de remettre au premier plan l'importance du rôle du maintien d'un tissu industriel dense, elle a fait apparaître au grand jour la fragilité de notre réseau de PME malgré les outils mis en place récemment.

Ces outils n'ont eu de cesse de gérer l'urgence et n'ont donc pu replacer leur action dans une perspective de retour de la croissance. Chacun à leur place, OSEO, le médiateur du crédit, les commissaires à la réindustrialisation, essayent d'amortir le choc de la baisse d'activité. Il manque cependant une coordination de l'ensemble de leurs actions, c'est-à-dire un cadre donnant les lignes directrices de ce que serait une politique industrielle de long terme tournée vers les secteurs d'avenir et le maintien de l'emploi.

Dans ce contexte sombre quels sont les enjeux et objectifs qui nous semblent prioritaires ?

1/ Encourager l'accès à des fonds propres stables pour les entreprises.

Cela passe d'abord par un actionnariat capable d'accompagner les entreprises dans leur développement, la volatilité de l'actionnariat étant bien souvent à l'origine de décisions de gestion donnant logiquement la priorité à des critères financiers. Une attention toute particulière devra être portée dans les mois à venir, et les moyens mis en regard, à toutes les entreprises en situation de sortie de LBO pour éviter l'effet dévastateur que le retrait brutal de certains fonds d'investissement pourrait avoir sur l'équilibre financier de certaines entreprises par ailleurs performantes économiquement.

Des outils comme le Fonds Stratégique d'Investissement et certaines sociétés de capital risque animées par des acteurs régionaux peuvent y contribuer mais doivent, pour cela, s'appuyer sur des directives plus claires en matière de priorités sectorielles d'investissements.

2/ Définir des champs d'investissement prioritaires

Certains domaines industriels doivent retenir toute l'attention des acteurs des États Généraux. C'est par exemple le cas de l'industrie électronique qui irrigue des secteurs (automobile, aéronautique, gestion technique des bâtiments,...) où elle représente une part croissante de la valeur ajoutée et de la différenciation.

Ces secteurs prioritaires devraient être identifiés en prenant en compte non seulement leur potentiel actuel et futur en matière d'emploi au niveau français et européen, mais également leur implantation territoriale, leur place éventuelle dans une filière de production plus large, et, enfin, leur éligibilité ou non aux critères « bas carbone », désormais impératifs.

3/ Accompagner la consolidation des sous-traitants pour leur permettre notamment l'accès à des compétences critiques et favoriser la mutualisation de certains moyens sur une base territoriale. (ex: investissement, recherche, services support, etc.). Les sous-traitants de petite taille ne feront pas ce chemin seuls. La responsabilité des donneurs d'ordre et des pouvoirs publics locaux doit être directement engagée.

4/ Reposer la question de la gouvernance et de l'implication des partenaires sociaux. Il faudrait par exemple créer un véritable dialogue de filière réunissant donneurs d'ordre, sous-traitants et organisations syndicales permettant de donner une visibilité sur les évolutions économiques et technologiques et de favoriser la mise en place d'une réelle gestion prévisionnelle des emplois et des compétences « offensive ».

5/ Encourager la recherche technologique qui se nourrit de la recherche fondamentale et appliquée favorisant la valorisation et le développement de l'innovation. L'élargissement du nombre de centres/laboratoires technologiques est nécessaire car ils facilitent la création de briques technologiques réutilisables à travers des brevets de perfectionnement.

6/ Penser constamment et avant tout « bas carbone »

La crise écologique grave à laquelle nous allons être confrontés ouvre aussi des opportunités. Les entreprises vont devoir revisiter complètement les critères de localisation de leurs investissements industriels qui devront se situer plus près des lieux de consommation. Les questions sont lourdes comme celle de la transition sociale entre ancienne et nouvelle industrie. Les états généraux, s'emparant notamment des enjeux de Copenhague, doivent donner des pistes d'action ayant vocation à s'inscrire dans une politique européenne.

Les états généraux de l'industrie qui s'ouvrent aujourd'hui doivent donner les moyens aux acteurs, pouvoirs publics et partenaires sociaux notamment, de se saisir de ces questions et d'ouvrir enfin un débat sans retenue sur les priorités à se donner en matière de politique industrielle.

L'adéquation entre les secteurs d'avenir et les volumes d'emploi menacés semble loin d'être acquise. Pour qu'ils ne soient pas vains, ces états généraux devront permettre d'anticiper l'évolution des volumes d'emplois, de leurs qualifications et de leurs localisations pour que la réaffirmation d'un volontarisme politique en matière industrielle ne se traduise pas, dans les faits, par un désengagement « fataliste » progressif.

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